Le traitement idéal de l'HTAP secondaire à une fibrose pulmonaire devrait être administré facilement (voie orale), aurait un effet local sur la circulation pulmonaire (et non pas systémique) et provoquerait une vasodilatation sélective des territoires ventilés.
Une équipe d'internistes allemands a fait le pari que le sildénafil, inhibiteur sélectif de la phosphodiestérase 5, pouvait agir comme un vasodilatateur non sélectif, tout en améliorant les mécanismes de vasorégulation locaux, toujours présents dans la poumon malade.
Pour valider l'hypothèse, les médecins ont procédé à une étude contrôlée auprès de 16 personnes hospitalisées pour une HTAP secondaire à une fibrose pulmonaire (pression > 35 mm Hg). Pendant toute la durée de l'essai, les patients étaient sous oxygénothérapie continue (maintien d'un saturation en O2 > 88 %). Tous ont par ailleurs inhalé du monoxyde d'azote (NO) avant randomisation (10-20 ppm). Après le retour à la normale des variables hémodynamiques, les malades ont été randomisés pour recevoir soit une perfusion d'epoprosténol, à la dose maximale tolérée, soit une dose orale unique de 50 mg de sildénafil. L'étude a suivi l'évolution des variables hémodynamiques, des gaz du sang et du rapport ventilation/perfusion par une technique d'élimination de gaz inertes (MIGET). Tous les patients étaient dans les mêmes conditions de mesure, au repos, au lit.
L'objectif primaire était de comparer la vasodilatation (évaluée par la baisse des résistances vasculaires pulmonaires) induite par le sildénafil à celle provoquée par l'epoprosténol.
L'index de résistance vasculaire pulmonaire a été réduit de 21,9 % par le NO, de 36,9 % par l'epoprosténol et de 32,5 % avec le sildénafil. Par rapport à la mesure initiale du rapport ventilation/perfusion (shunt droit/gauche de 4,8 % et hypoperfusion des zones à faible rapport ventilation/perfusion), la prostacycline a augmenté le déséquilibre ventilation/perfusion (shunt de 16,8 %) et a fait baisser l'oxygénation artérielle. A l'inverse, le NO et le sildénafil ont maintenu le rapport ventilation/perfusion et ont amélioré l'oxygénation artérielle (14,3 mm Hg). Par conséquent, si les trois produits ont réduit la pression artérielle pulmonaire, seuls le NO et le sildénafil ont abaissé le ratio des résistances pulmonaires/systémiques.
Un vasodilatateur pulmonaire plus sélectif
« Ces résultats montrent clairement que le sildénafil est un vasodilatateur pulmonaire plus sélectif que les autres agents actuellement sur le marché, inhibiteurs calciques et prostacyclines, explique dans un éditorial un spécialiste nord-américain. Néanmoins, un véritable vasodilatateur sélectif, comme le NO, ne doit pas faire baisser la pression artérielle systémique, ce n'est pas le cas du sildénafil. » Le sildénafil agirait par son effet stabilisateur sur le GMP (second messager du NO) qui contribue à renforcer la libération de NO.
La fibrose pulmonaire s'accompagne souvent d'une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), principale source de morbidité et de mortalité. En cas d'HTAP primitive, l'administration intraveineuse d'epoprosténol, un puissant vasodilatateur pulmonaire, améliore la tolérance à l'effort et la survie à long terme. Mais quand il existe une atteinte pulmonaire interstitielle, comme dans la fibrose, l'administration systémique d'un vasodilatateur risque d'augmenter le flux sanguin à la fois dans les territoires ventilés et non ventilés. En interférant avec la vasoconstriction physiologique à l'hypoxie, le vasodilatateur peut aggraver le déséquilibre ventilation/perfusion et l'effet shunt. D'où une baisse possible de l'oxygénation artérielle et une réduction du volume de réserve respiratoire (déjà bas).
On peut contourner le problème en faisant inhaler préalablement un vasorelaxant (monoxyde d'azote, aérosol de prostanoïde) ce qui permet d'obtenir une vasodilatation sélective et une redistribution du flux sanguin aux territoires ventilés. Cette astuce est utilisée dans le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). L'analogue inhalé de l'epoprosténol à longue durée d'action, l'iloprost, est actuellement indiqué pour l'HTAP primitive. En cas d'HTAP secondaire à une fibrose, l'iloprost inhalé diminue les résistances vasculaires pulmonaires aussi efficacement que les perfusions intraveineuses de prostacycline mais sans augmenter le volume du shunt comme cela se produit avec les prostanoïdes. Si les résultats sont bons, l'administration au long cours d'un gaz inhalé, qu'il s'agisse de NO ou d'iloprost, n'est pas sans poser problème.
Hossein Ardeschir et coll., « Lancet », vol. 360, 21 septembre 2002, pp. 895-890 et 886-87.
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