L'Etat et l'industrie pharmaceutique ont signé à la fin de la semaine dernière l'accord-cadre organisant leurs relations jusqu'en 2006, mettant fin à des négociations « longues et âpres », selon les termes de Jean-Pierre Cassan, président des Entreprises du médicament (LEEM), qui regroupe la quasi-totalité des firmes pharmaceutiques présentes sur le sol français.
La grande innovation de ce texte concerne la procédure dite du « dépôt de prix », dont le principe a été inscrit dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS 20003) et qui permet à l'industrie de fixer elle-même le prix de ses nouveaux médicaments innovants et remboursables moyennant des conditions de prévisions de vente. Sur ce point, l'accord finalement paraphé atténue les critères restrictifs (en matière d'infraction à la loi sur la concurrence, sur la publicité et à la loi anti-cadeaux) initialement prévus par les pouvoirs publics (« le Quotidien » du 7 avril).
L'opération reste toutefois encadrée. La liberté des prix, valable selon le LEEM pendant cinq ans après la commercialisation du médicament concerné, ne sera possible que pour les entreprises qui signeront une convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS). Pourront prétendre au dépôt de prix seulement les médicaments dont le caractère innovant aura été strictement établi - ceux auxquels la commission de la Transparence aura reconnu une amélioration de service médical rendu (ASMR) de niveau I ou II ; au niveau III d'ASMR, les médicaments n'en bénéficieront que si leur chiffre d'affaires prévisionnel ne dépasse pas 40 millions d'euros en troisième année de commercialisation. Dans tous les cas, quand les entreprises « déposeront un prix », elles devront le faire « en cohérence » avec les tarifs en vigueur en Allemagne, en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, et s'engager sur des prévisions de vente qui, si elles sont dépassées, donneront lieu à des « remises » à l'assurance-maladie.
Quinze médicaments concernés chaque année
Combien de médicaments pourraient être concernés chaque année par le dépôt de prix ? « Une quinzaine », répond le LEEM. Et à quel tarif ? Un peu moins cher qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne, « mais sans doute à un prix pas très éloigné du prix allemand », indique le vice-président délégué du syndicat, Bernard Lemoine.
Autre mesure phare du tout neuf accord-cadre : l'accélération de la procédure d'accès des patients aux nouveaux médicaments (350 jours en moyenne aujourd'hui après la décision de la Commission de la transparence).
Les médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne sont concernés, ainsi que les médicaments bénéficiant d'une ASMR au moins égale à IV mais ne relevant pas du dépôt de prix. Pour ces deux catégories, les délais ne devraient plus excéder 180 jours - le LEEM table sur une attente de « 120 à 130 jours ».
Les médicaments bénéficiant du dépôt de prix sont, eux, soumis à des délais plus courts encore : « 70 à 80 jours au maximum », compte Bernard Lemoine.
Le texte de l'accord réaffirme par ailleurs - mais il le fait timidement - la nécessité de développer les génériques et de mettre en place les tarifs forfaitaires de responsabilité (les fameux « TFR », inscrits eux aussi dans la LFSS 2003 et qui fixeront le même tarif de remboursement pour tous les médicaments, princeps compris , de certains groupes génériques). Si le texte reste vague sur les conditions et surtout le calendrier de mise en uvre de ce système, le LEEM confirme l'information qui a circulé ces derniers jours selon laquelle « une trentaine de molécules » seraient concernées par une « première vague » de TFR, prête en octobre. Il estime que les prix pratiqués dans ce cadre à l'intérieur du même groupe générique seront environ de 30 % inférieurs à celui, actuel, du princeps (en prix fabricants).
Evidemment, la régulation économique des dépenses pharmaceutiques ne disparaît pas avec ce troisième accord-cadre (les deux précédents ont été signés en 1994 et en 1999). Le système des remises par classes thérapeutiques est conservé - le Comité économique des produits de santé continue d'arrêter chaque année un tableau de progression par classes -, mais, nouveauté, le LEEM sera dorénavant consulté sur ce tableau. Sont également maintenues les remises sur chiffre d'affaires, qui s'appliquent dès lors que la croissance des ventes de médicaments remboursés est supérieure à l'objectif annuel fixé par le Parlement, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (+ 4 % cette année).
Présenté par le ministre de la Santé comme un texte « équilibré, traduisant le désir d'innovation (du gouvernement) » (« le Quotidien » du 16 juin), ce nouvel accord-cadre est aussi loué avec diplomatie par l'industrie pharmaceutique. « Il témoigne, explique Jean-Pierre Cassan, de l'attitude responsable des deux parties. Un équilibre a été trouvé au bénéfice des patients, du budget de la Santé, mais aussi de la concurrence de la France (sur le marché du médicament) ».
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