DIRE QUE LE PROJET de convention médicale ne soulève pas l'enthousiasme des partenaires sociaux est un euphémisme.
Le protocole signé par trois syndicats médicaux (Csmf, SML et Alliance) a essuyé de vives critiques de la quasi-totalité des confédérations de salariés. La Cfdt, syndicat de Michel Régereau, actuel président de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), juge que le texte « privilégie la question de la rémunération des professionnels au détriment de l'organisation du système de soins ». Pour Daniel Prada, responsable du secteur santé à la CGT, l'accord « traduit le caractère profondément injuste de la réforme du ministre de la Santé ». Il estime que les modalités des dépassements accordés aux spécialistes consultés en accès libre (non coordonné) « concrétisent le danger de voir s'accentuer une médecine à deux vitesses ». FO, de son côté, salue un accord qui « renoue avec les pratiques antérieures de négociation » entre médecins libéraux et caisses, mais s'inquiète des conditions de la prise en charge des soins, que ce soit dans le cadre du parcours de soins (le taux de remboursement « doit être amélioré ») ou en dehors (les droits à dépassement des spécialistes « doivent être limités financièrement »).
L'Unsa dénonce carrément un accord « déséquilibré », gagé sur des « économies virtuelles » alors que les dépenses, elles, « vont progresser de 500 millions d'euros » (enveloppe consacrée aux revalorisations d'honoraires des médecins en 2005 et 2006). La CFE-CGC, attaque, elle aussi, l'accord sous l'angle du « risque de médecine à deux vitesses » et ironise, à demi-mot, sur les engagements concrets des médecins. « Le seul élément certain pour l'heure est la hausse des tarifs des médecins. » Pour le reste, analyse le syndicat, « il reste à faire le pari » qu'une convention signée sur ces bases « soit source d'économies »...
Quant à la Cftc, si elle approuve le protocole d'accord, une « première étape » qui « met en place une nouvelle organisation du système de soins », elle semble, elle aussi, douter de l'équilibre économique d'un tel compromis. Le syndicat chrétien constate que les revalorisations ont été octroyées « avant toute vérification des engagements réels des syndicats médicaux ». Au total, rappelons que près d'un milliard d'euros d'économies sont attendus par les pouvoirs publics dès 2005, résultant d'un meilleur respect des protocoles de soins ALD, d'un contrôle renforcé des indemnités journalières (IJ), d'une moindre prescription de certains médicaments (antibiotiques, anxiolytiques...) et du développement continu des génériques. Des engagements qui seront déclinés région par région.
Les mutualistes tirent à boulets rouges.
Aucunement convaincue, la Mutualité française, qui réunit plus de 95 % des mutuelles santé, est particulièrement critique. Elle estime notamment que le dispositif, en l'état, « ouvre de trop nombreuses possibilités de dépassements de tarifs ». Elle craint même que ce système « conduise à un résultat opposé à celui recherché », autrement dit « que tous les Français ne puissent bénéficier d'un médecin traitant, pourtant gage d'un parcours de soins de qualité ». Sans surprise, elle regrette l'abandon du médecin référent, un dispositif qu'elle a porté avec la Cfdt et le syndicat de généralistes MG-France, et qui a convaincu environ 6 000 médecins et plus d'un million de patients.
Le jugement est également très sévère du côté de la Fnath (handicapés, invalides, accidentés du travail), qui siège à la Cnam et dans les caisses primaires. L'accord serait à la fois « dangereux pour l'équilibre financier de l'assurance-maladie » et pour la « qualité des soins ». Un texte jugé « inconséquent », faute de contreparties tangibles exigées aux médecins. Pire encore : le dépassement tarifaire accordé aux spécialistes en accès libre, bien qu'il soit plafonné pour chaque acte clinique ou technique, est qualifié de « mesure immorale ».
La discrétion du Medef.
Au PS, enfin, on énumère les « grands perdants » de la convention médicale. Le député socialiste Jean-Marie Le Guen, responsable des questions de santé, cite ainsi « les assurés », « les malades, et notamment ceux en ALD, soumis à une logique rampante de contrôle », « les médecins généralistes » sur lesquels reposera « essentiellement l'effort de contrôle », mais aussi « les finances de la Sécurité sociale (...) qui devra payer cash l'augmentation des tarifs des spécialistes » et enfin les « complémentaires transformées en variable d'ajustement d'une réforme injuste et dispendieuse ».
Devant ce foisonnement de critiques, la discrétion relative du Medef, poids lourd de la nouvelle gouvernance, peut surprendre. Du côté de l'organisation patronale, on semble jouer profil bas. « Cet accord est plutôt une bonne nouvelle, explique-t-on, mais nous aurions souhaité une adhésion plus large... » Le Medef sera en tout cas « très attentif » à l'évolution des économies programmées. Le minimum syndical pour soutenir un accord.
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