S OIXANTE-HUIT pour cent des Français ont participé depuis 1982 à la fête de la Musique comme spectateurs et plus d'un sur dix, soit 5 millions de personnes, se sont exprimées ce jour-là en chantant ou en jouant d'un instrument. Les résultats de ce sondage, réalisé l'an dernier pour le ministère de la Culture, ne détaillent pas les activités professionnelles des personnes interrogés. Mais tout porte à croire que les médecins comptent en bonne place parmi les musiciens amateurs de l'Hexagone.
« Énormément de confrères sont mélomanes », estime le Dr Thierry Leboff, radiologue à Bondy (Seine-Saint-Denis) et lui-même saxo ténor de talent. Il avait 13 ans lorsqu'il a connu la « révélation » du jazz : « Quand j'ai entendu pour la première fois Django Reinhart, j'ai tout de suite su que j'avais découvert ma voie musicale. Dans la foulée, je suis passé du piano classique au saxo ténor. Et j'ai rejoint un jazz-band de mon quartier. Un peu plus tard, en 1957, j'entrais dans un sextet. J'en fais toujours partie. C'est vous dire si j'ai une belle jeunesse ! »
Avec un autre médecin, le gynécologue André Krymlier, le Dr Leboff jouera ce soir ses compositeurs de prédilection, au premier rang desquels Charlie Parker et Dizzy Gillespie. Rendez-vous est fixé au Café de la Butte, rue Caulaincourt, à Montmartre, dans un estaminet coloré où notre sextet a pris ses quartiers depuis trois ans.
Le Dr Jérôme Yelnick, autre passionné de be-bop, sera pour sa part dans la rue. Ce chercheur de l'INSERM, spécialiste en neurosciences et néanmoins pianiste amateur, jouera à partir de 17 h place du Marché, à Gentilly (Val-de-Marne), avec le Monday's Quartet (ainsi baptisé parce qu'il répète tous les lundis). Une formation créée il y a dix ans, avec notamment un autre médecin, le Dr Lionel Raffenne.
« Je suis atteint gravement par le jazz,proclame-t-il
, la musique est pour moi une passion vitale. »Jeunesse, vitalité et convivialité semblent mêler leurs riches harmoniques chez tous ces médecins musiciens. Autre mordu à nous le confirmer, le Dr Hervé Delahaye, spécialiste de médecine physique à Villeneuve-d'Ascq (Nord). Sa chorale Ad Libitum, qui fait partie de la fédération amateur A chur joie, donne ce soir un concert en plein air, place aux Oignons, dans le centre de cette ville de la métropole lilloise. Au programme, un concert de musiques du monde, avec des chants sénégalais et brésiliens, de la liturgie orthodoxe, des airs folkloriques d'Europe centrale, ainsi que des extraits de « West Side Story ».
Un supplément d'âme
Lui aussi, comme l'autre médecin de la formation, l'urgentiste Véronique Monserlet trouve dans ses rendez-vous musicaux « un indispensable supplément d'âme, une vie sociale essentielle en dehors de l'exercice professionnel, le moyen d'élargir son cercle d'amitiés à tous les âges et à tous les univers professionnels ». Et comme si le chant choral ne lui suffisait pas, il se produit encore au sein d'une formation atypique, le groupe folklorique Cric-Crac, où il sévit avec une cornemuse dans des divers répertoires folks. Concert et bal demain soir sur l'esplanade de la Concorde, toujours à Villeneuve-d'Ascq.
Ulcère, le rock qui prend aux tripes
Mais tous les médecins musiciens amateurs ne seront pas demain dans les rues pour faire la fête. Certains, comme le Dr Yvon le Mercier, coordinateur de l'action thérapeutique SIDA à la direction générale de la Santé (DGS) et guitariste-chanteur du groupe rock'n roll Ulcère (tout un programme pour un gastro-entérologue d'origine) ne seront pas présents simplement parce qu'il faut travailler demain : « Les concerts d'Ulcère nous entraînent tard dans la nuit, jusqu'au petit matin et il n'est pas question de jouer en dehors des week-ends. »
Le Dr Le Mercier a créé Ulcère en 1979 avec, à l'époque, deux autres médecins. « Ulcère, parce que le rock, ça fait mal au ventre, ça prend aux tripes, ça saigne. Aujourd'hui, je ne peux plus me passer de l'excitation que me procure le rock, un euphorisant tel que quand on joue, on n'a vraiment pas besoin de consommer de l'alcool. Et puis faire de la musique nous maintient jeunes. Et nous permet de garder le contact avec la génération des 18-25 ans. » Cet ulcère-là est un vrai bain de jouvence.
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