REFERENCE
1) Avec cette maladie et/ou ses traitements, ma fertilité est-elle normale ?
Chez les femmes ayant une maladie inflammatoire cryptogénétique de l'intestin (MICI), la fertilité est globalement normale, même si le nombre de grossesses recensées est inférieur à celui d'une population contrôle du fait d'une contraception plus fréquente. Néanmoins, la fécondité est diminuée en cas de MC active et après anastomose iléo-anale pour RCH.
Chez l'homme ayant une MICI, la fertilité est normale, en dehors des anomalies séminales induites par la sulfasalazine, réversibles à l'arrêt du médicament et non observées avec le 5-aminosalicylate (5-ASA) et ses dérivés. L'azathioprine ne modifie pas la fertilité masculine. L'éventuel retentissement sur la descendance ultérieure n'est pas connu.
2) Quels sont les risques de ma maladie pour ma grossesse et mon enfant ?
Pour l'ensemble des patientes, le pronostic de la grossesse au cours des MICI est sensiblement normal, en dehors d'un risque majoré de prématurité (11,5 % versus 5 à 9 % dans la population générale) et d'hypotrophie fœtale. Il n'y a pas plus d'avortements spontanés, d'embryopathies et de mortinatalité. Le risque abortif est, en revanche, augmenté en cas de MICI active lors de la conception, même si, dans certains travaux, le pronostic fœtal ne semblait pas dépendre de l'évolution de la MICI. Le taux de césariennes est plus élevé (38 % versus 13 %) : l'indication doit en être large si l'on craint une altération de la continence fécale (lésions anopérinéales actives ou anastomose iléoanale avec réservoir sur un périnée rigide et/ou non compliant).
3) Quels sont les risques de la grossesse pour ma maladie ?
Un point clé est l'évolutivité de la MICI lors de la conception. Si la MICI y est inactive, le risque de poussée (notamment au premier trimestre ou dans les trois mois du post-partum) est de 20-30 %, risque identique à celui de femmes non enceintes d'âge comparable. Si la MICI est active à la conception, elle a 60 à 80 % de chances de le rester pendant la grossesse : la décision ou le renforcement d'une corticothérapie peut être indiquée. L'arrêt du tabac est impératif au cours de la MC : il réduit le risque de poussée. Il n'y a pas de surmortalité liée à la MICI chez la femme enceinte.
Classiquement, après la grossesse, l'histoire naturelle des MICI ne se modifie pas. Certains résultats ont fait suggérer un possible effet protecteur - transitoire - du nombre de grossesses.
4) Quels sont les médicaments autorisés ou interdits pour ma grossesse ? Qu'en est-il de l'allaitement ?
L'idéal est de commencer une grossesse en période de quiescence stable (spontanée ou liée au traitement) de la MICI. La planification de la conception réduit (de 38 à 12 %) la fréquence d'activité de la MICI pendant la grossesse.
La corticothérapie par prednisone et prednisolone n'a pas de restrictions particulières : ces deux corticoïdes sont métabolisés par le placenta. Moins sûres sont la bêtaméthasone et la dexaméthasone, à faible métabolisme placentaire. L'information sur le budésonide oral à libération intestinale est encore fragmentaire : selon le Vidal 2003, il peut être prescrit, si besoin.
La sulfasalazine est parfaitement compatible avec la grossesse, à une dose < 3 g/24 heures : elle justifie un apport complémentaire d'acide folique.
Le 5-ASA et ses dérivés semblent sans risques (0,8 % de malformations majeures versus 3,8 % dans une population contrôle), mais sont à prescrire à des doses les plus faibles possible (inférieures ou égales à 2 g/24 heures de mésalazine). Récemment a été rapportée une augmentation du risque de mort fœtale et de prématurité, mais sans conclusion quant au rôle spécifique de l'activité de la MICI ou à celui du 5-ASA (B. Norgard et al. « Gut » 2003 ; 52 : 243-7).
Azathioprine et 6-mercaptopurine (6-MP). Théoriquement à éviter chez les sujets en âge de procréer, ils sont en fait de précieux médicaments préventifs des poussées, notamment de la MC. Lors de leur prescription, une contraception est indispensable (leur délai d'action est de trois à douze mois, et la stabilité de la quiescence obtenue est ensuite à vérifier sur une période plus prolongée). Le problème est donc habituellement celui d'une patiente en quiescence prolongée sous azathioprine ou 6-MP, désirant une grossesse ou se trouvant enceinte. Le point essentiel est de maintenir la quiescence :
a) si la patiente accepte de continuer l'immunosuppresseur, il doit être maintenu sous réserve d'une surveillance, notamment de la leucocytose maternelle ;
b) si, désirant une grossesse et étant correctement informée, elle veut absolument arrêter le médicament, un délai d'attente de trois à six mois pour la conception est à respecter. L'absence d'effet délétère significatif, sur la grossesse ou le nouveau-né, de la prise de 6-MP par la femme ou par l'homme a été récemment confirmée (A. Francella et coll. « Gastroenterology », 2003 ; 124 : 9-17).
Méthotrexate
Il est formellement contre-indiqué, en raison de sa tératogénicité. Sa prescription chez une femme jeune non enceinte impose une contraception efficace. Il doit être arrêté entre un et deux mois avant une conception programmée.
Autres immunosuppresseurs
La ciclosporine n'est pas tératogène mais est à éviter (hypertension, néphropathies tubulaires fœtales). L'infliximab ne semble pas avoir d'effet négatif sur la grossesse, mais le recul et l'expérience manquent.
Antidiarrhéiques
Le lopéramide peut être prescrit si besoin, mais de façon parcimonieuse. Il est à éviter en fin de grossesse. Le diphénoxylate est à éviter.
Antibiotiques
Le métronidazole peut être prescrit, mais seulement en cures courtes. Les quinolones, incluant la ciprofloxacine, sont à éviter en raison des risques articulaires.
Probiotiques
Ceux développés jusqu'à présent paraissent sans danger.
Allaitement maternel
Il est compatible avec les corticoïdes (le passage du budésonide dans le lait maternel n'a pas été étudié). Les immunosuppresseurs, de même que les quinolones, doivent faire proposer un allaitement artificiel. Le lopéramide peut être utilisé si besoin et à dose modérée.
5) Quels sont les risques de transmission de la maladie à mon enfant ?
On sait qu'en moyenne 10 % des MICI frappent plus d'un sujet par famille. Le risque absolu de transmission d'une MICI à l'enfant, si un seul parent (mère ou père) est atteint, n'est que de 1,5 à 3,5 % : parler de maladie héréditaire à la famille est donc un facteur d'angoisse inutile, dramatisant de façon injustifiée le faible risque de transmission.
Pour en savoir plus (ou pour la réponse à d'autres questions), quelques références récentes :
- Couve S., Seksik P., Elefant E., Jian R., Marteau P. Maladies inflammatoires de l'intestin et procréation. « Gastroentérol Clin Biol », 2003 ; 27 : 618-626.
- Olsen K.O., Juul S., Berndtsson, Oresland T., Laurberg S. Ulcerative Colitis : Female Fecundity Before Diagnosis, During Disease, and After Surgery Compared with a Population Sample. « Gastroenterology », 2002 ; 122 : 15-19.
- Tennenbaum R., Marteau P., Elefant E., Rambaud J.C., Modigliani R., Gendre J.P., Cosnes J. Pronostic de la grossesse au cours des maladies inflammatoires intestinales. « Gastroentérol Clin Biol », 1999 ; 23 : 564.
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