Le troisième millénaire n'a pas tari la source des discours sur les femmes à dominante biomédicale. Certes, les ouvrages sur la biologie et la pathologie féminines continuent de fleurir, tel ce livre signé de deux Américaines convaincues de l'incapacité des hommes à comprendre les maux féminins, de la responsabilité des hormones dans les humeurs et les troubles psychiques dont les femmes sont les victimes incomprises, enfin de leur capacité propre à détenir toutes les solutions à ces maux.
Le nouvel âge d'or
Certes, minceur et jeunesse restent pour les femmes, surtout après la ménopause, des impératifs exprimés dans de gros livres de conseils émanant de spécialistes éminents ou, de plus en plus, de femmes militantes, sous des titres pleins d'optimisme : quelle femme ne se satisferait du « nouvel âge d'or » qui lui est promis après la ménopause par une brillante journaliste sur le départ pour un tour du monde en bateau ? On peut en revanche se demander si la promesse de rester « femme pour toujours » grâce aux traitements de la ménopause sous-entend que celles qui ne sont pas traitées ne sont plus des femmes. Le contenu du livre, signé d'une femme « consultant en communication », ne lève pas tout à fait l'ambiguïté, mais fait tout de même la place à d'autres petits moyens que le THS pour aider à rester « femme pour toujours ».
En matière de ménopause, cette phase toujours plus longue offerte aux femmes des pays riches, circule, à côté du torrent THS, un courant « nature » discret, mais vivace, auquel contribue par exemple un ouvrage signé d'un couple allemand, consacré à l' « approche médicale et symbolique des maux féminins », et très opposé au THS. Le Dr David Elia, au contraire défenseur ardent du THS, n'est pourtant pas resté complètement insensible aux charmes montants des phytoestrogènes, auxquels il a consacré un livre. Il est cependant beaucoup moins enthousiaste que son éditeur vis-à-vis de ces produits dont l'action est encore fort mal précisée et ne constitue en tout cas pas la « révolution » annoncée en couverture.
La révolution apportée dans la vie des femmes par la contraception et l'avortement ne fait en revanche pas de doute, rappelle Xavière Gauthier, journaliste, chercheur au CNRS, dans un livre intitulé « Naissance d'une liberté ». Son enquête lui a permis de faire revivre de tristes épisodes parmi ceux qui ont justifié cette « lutte historique »« des femmes au XXe siècle », puis de retracer les grandes étapes de cette lutte et de souligner la nécessité de la poursuivre dans bien des pays du monde.
Mères et filles
On peut voir la femme sous l'angle d'une liberté sexuelle conquise ou à conquérir ; on peut aussi la voir sous un angle plus psychologique, et plus particulièrement sous l'angle des relations mères-filles, angle jusqu'ici peu exploré, si l'on en croit Caroline Eliacheff et Nathalie Heinich. La psychanalyste et la sociologue ont en effet uni leurs compétences pour analyser les différentes formes de relations qui peuvent s'instaurer entre mères et filles. Pour ce faire, elles ont préféré recourir aux enseignements de la fiction plutôt qu'à ceux de la clinique ou de l'enquête sociologique, ce qui contribue à l'agrément de la lecture. On rencontre donc, grâce aux écrivains et aux cinéastes, toutes sortes de « mères plus que femmes » et de « femmes plus que mères », de « mères extrêmes », de mères trop présentes, de mères empêchantes, de femmes en deuil de leur fille ou de leur mère et, finalement, bien du malheur. Mais comme le soulignent justement les auteurs, la fiction étant « un excellent révélateur des situations de crise », il est vraisemblable que la réalité soit plutôt moins noire. L'important est que cette réalité puisse bénéficier des enseignements de la fiction. Sans viser la définition d'un type de relation idéale entre mères et filles, les auteurs mettent malgré tout en évidence quelques points susceptibles de contribuer à l'établissement de relations « acceptables » : il apparaît ainsi que « l'amour ne suffit pas », qu'il est souhaitable de reconnaître les différentes formes de l'inceste, aussi désastreuses les unes que les autres, que la voie est étroite entre identification et différenciation de la fille vis-à-vis de sa mère, et que dans tous les cas, la place d'un tiers s'impose entre mère et fille.
La domination de l'homme
Malgré un titre qui semble donner place égale aux deux sexes, le livre intitulé « Femmes et hommes dans le champ de la santé » parle d'abord et avant tout des femmes, considérées cette fois par des sociologues. Leur il de chercheur a ainsi observé les réponses apportées à des femmes italiennes victimes de violences conjugales, la vision médicale de l'alcoolisme féminin ou des troubles psychiques attribués à la ménopause, ou les différences de morbidité et de mortalité entre hommes et femmes, faisant du domaine de la santé un champ privilégié d'étude des « rapports sociaux de sexe ». La domination de l'homme sur la femme apparaît comme un axiome de départ et un point d'arrivée assez évidents dans leurs études, qui soulignent aussi combien est encore fréquente dans la société une vision biologisante de la femme, comme être de nature et non de culture.
Les choses apparaissent plus complexes quand il s'agit d'analyser les carrières et pratiques des pharmaciennes et des médecins femmes, par comparaison avec celles de leurs homologues masculins, ou de repérer dans diverses pratiques de soins de la sphère privée les spécificités féminines. Différences et inégalités apparaissent avec plus de netteté, mais souvent moins caricaturales qu'on pourrait les attendre et, surtout, appelant de nouveaux approfondissements pour une appréhension plus adaptée - et une éventuelle correction - des rapports sociaux de sexe.
« Humeurs de femmes », Dr Deborah Sichel, Jeanne Watson Driscoll, Le Jour éditeur, 495 pages, 22,87 euros.
« Forme et minceur au féminin », Alisa Bauman, Sari Harrar, Marabout pratique, 445 pages, 15,95 euros.
« Guide pratique de gynécologie », Dr Henri Rozenbaum, Solar, 320 pages, 16,77 euros.
« La Femme de 40 ans », Dr Henri Rozenbaum, Editions Eska, 128 pages, 18,29 euros.
« Le Nouvel Age d'or de la femme », Claudie Lepage, Ramsay, 410 pages, 22,71 euros.
« Femme pour toujours », Françoise Kramer, Ambre Editions, 240 pages, 15 euros.
« Blessures de femmes », Margit et Rüdiger Dahlke, Volker Zahn, Editions du Rocher, 452 pages, 22,56 euros.
« 50 ans au naturel », Dr David Elia, Robert Laffont, 283 pages, 19,67 euros.
« Naissance d'une liberté », Xavière Gauthier, Robert Laffont, 437 pages, 22,70 euros.
« Mères-filles, une relation à trois », Caroline Eliacheff, Nathalie Heinich, Albin Michel, 420 pages, 21,90 euros.
« Femmes et hommes dans le champ de la santé », sous la direction de Pierre Aïach, Dominique Cèbe, Geneviève Cresson, Claudine Philippe, Editions ENSP (avenue du Professeur-Léon-Bernard, CS 74312, 35043 Rennes Cedex), 336 pages, 25 euros.
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