Depuis une vingtaine d’années, le 28 mai est la Journée internationale d’action pour la santé des femmes. Mais qui s’en soucie vraiment à une époque où les Missing Women (femmes non nées ou mortes par manque de soins, par discrimination, par avortement sélectif) représentent encore 100 millions de personnes dans le monde ?
Le Women’s Leadership Initiative a profité de cette journée phare pour rappeler, lors de son forum – Femmes et santé en France, quelles réflexions partager et promouvoir –, les spécificités de la femme et les politiques de santé qui devraient en découler. Médecins, spécialistes et politiques partagent leur approche prospective en levant tabous, fausses idées et contrevérités sur les femmes.
Disparités et inégalités
Les situations de santé ne découlent pas uniquement des différences physiologiques homme/femme. En fait, elles s’expliquent aussi et surtout par les disparités socio-culturelles, responsables d’inégalités flagrantes. Catherine Le Gales, directeur de recherche à l’Inserm et ex-directrice adjointe à la Direction générale de l’OMS (Genève), nous fait part de ce « conte » révélateur (d’après l’OMS, 2003). C’est l’histoire de deux fillettes. « L’une est née en France et l’autre en Sierra Léone. A la naissance, l’une a une espérance de vie de 84,4 ans et l’autre de 36. A 6 ans, l’une est en classe, l’autre aurait bien aimé…. A 17 ans, l’une est toujours à l’école, l’autre a accouché de son deuxième enfant. A 30 ans, l’une accouche de son premier enfant, l’autre est séropositive. A 65 ans, l’une a une espérance de vie de 22,3 ans, l’autre est morte depuis près de trente ans. »
Les risques auxquels doivent faire face les femmes
Deux types de « dangers » existent pour les femmes. En premier lieu, les dangers « connus » depuis longtemps mais « non maîtrisés ». Il s’agit principalement de la grossesse et de l’accouchement. Dans le monde, le taux de mortalité lié à l’un de ces deux « événements » est de 400 pour 100 000 naissances versus 7 pour 100 000 en France (dont 50 % évitables…). Les maladies infectieuses ne sont pas en reste (Sida, tuberculose, paludisme) : 61 % des adultes vivant avec le VIH en Afrique sub-saharienne sont… des femmes. En second lieu, on peut parler des dangers « reconnus plus récemment » : maladies respiratoires, troubles mentaux, violence, accidents, traumatismes, tabagisme, obésité et sédentarité, diabète, cancers et maladies cardiovasculaires*.
La situation en France
On vient de le voir, en France, les femmes ne sont pas les plus mal loties. En effet, leur espérance de vie est parmi les plus élevées du monde. Et si l’on cite l’exemple du cancer, les taux de décès sont inférieurs à ceux de la moyenne européenne. Pourtant, comme le rappelle Catherine Le Gales, « des gains sont possibles en mortalité évitable ». Et cette économiste de la santé de préciser plusieurs chiffres liés à des pathologies connues : « Le taux de décès par cancer du poumon (dû au tabagisme) des femmes de moins de 65 ans a doublé en dix ans alors qu’il a diminué de 14 % chez les hommes ; 11% des femmes sont obèses – pourcentage en augmentation– ; 27,3 % des femmes ont un taux de LDL-cholestérol supérieur à 1,6 g/L ou un traitement par un hypolipidémiant (56,5 % des 65-74 ans). La prévalence de l’HTA est de 27,7 % chez les femmes. »
Alors, que font les femmes françaises pour leur santé ?
Ce n’est pas une légende : « les femmes vont plus souvent consulter leur médecin généraliste (idem pour les spécialistes) que les hommes », martèle Catherine Sermet, directrice adjointe de l’Institut de recherche et de documentation en économie de santé (Irdes). Elles dépensent plus d’argent aussi : 26 % de plus en moyenne. Et de préciser : « Ces différences de recours, concernent essentiellement l’âge adulte en particulier en raison des soins liés à la procréation et la période d’activité génitale qui permettent aux femmes un contact plus précoce avec le système de santé ». Le recours aux médicaments suit le même leitmotiv : « plus d’une femme sur deux consomme des médicaments : 55 % des femmes versus 36 % des hommes ; 1,7 médicament par personne versus 1,2 ». Pour preuve également, les classes thérapeutiques « plébiscitées » par les femmes : produits génito-urinaires, hormones sexuelles, autres hormones. En termes de prévention, les campagnes de dépistage semblent porter leurs fruits. En effet, « le frottis de dépistage du cancer du col de l’utérus est désormais largement pratiqué parmi les femmes âgées de 20 à 69 ans […] et les enquêtes récentes montrent une augmentation de la pratique de la mammographie ».
Toutefois et toujours dans l’idée de l’amélioration de la prévention « des efforts restent à faire pour diffuser la pratique des frottis chez les femmes après 50 ans au moment où l’incidence des cancers augmente», insiste Madame Sermet.
Enfin, il utile de rappeler que même si les femmes sont soucieuses de leur santé et de celle de leur famille, 14 % des assurées renoncent aux soins, faute d’argent.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature