Tabagisme pendant la grossesse

A femme enceinte fumeuse, enfant fumeur

Publié le 28/11/2006
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UNE ÉTUDE longitudinale prospective publiée par des Australiens confirme qu’un tabagisme maternel pendant la période de la grossesse risque d’entraîner une dépendance ultérieure chez les enfants. Une raison supplémentaire d’inciter les futures mères à cesser de fumer.

Au cours de l’histoire naturelle du tabagisme, il y a deux périodes critiques pour le développement d’une dépendance à la nicotine : l’exposition inutero et l’adolescence.

Les travaux très nombreux publiés à ce jour montrent que les enfants nés de mères qui ont fumé pendant leur grossesse présentent un nombre très important de problèmes de santé et cognitivo-comportementaux : asthme, infections respiratoires, troubles déficits de l’attention, hyperactivité (Tada), difficultés avec la lecture, les mathématiques… Désormais, il est prouvé qu’ils ont aussi un risque plus important de devenir dépendants à la nicotine et, donc, de développer les complications associées ultérieures.

Le cerveau en développement.

La nicotine et les autres composants de la fumée peuvent passer à travers le placenta et exercer un effet direct sur le cerveau en développement. A une période critique, la nicotine peut modifier le système dopaminergique impliqué dans les comportements de renforcement, sur lesquels agissent les différentes drogues responsables de dépendance, et modifier les réponses de ce système à la nicotine.

«A notre connaissance, c’est la première étude ayant recherché de manière prospective si le tabagisme d’une mère pendant la grossesse est prédictif d’une dépendance ultérieure chez son enfant», indiquent Abdullah Al Mamun et coll.

Les chercheurs ont utilisé les données de l’étude MUSP (Mater-University of Queensland Study of Pregnancy), une cohorte de naissances comprenant 7 223 mères et leurs enfants, enrôlés à partir de 1981 à Brisbane en Australie. Ce qui donne un recul suffisant pour évaluer la prévalence du tabagisme chez les enfants à l’âge de 21 ans, en fonction des différents degrés du tabagisme des mères.

L’analyse a porté sur les 3 058 couples mère-enfant dont le statut vis-à-vis du tabac a pu être enregistré à 21 ans pour l’enfant et jusqu’à ce que l’enfant ait 14 ans pour la mère. Globalement, «la proportion des jeunes adultes qui fument régulièrement, que ce soit en commençant tôt ou bien plus tardivement, est significativement plus importante lorsque les mères ont fumé pendant la grossesse, comparativement à ceux dont les mères n’ont jamais fumé».

En revanche, les schémas de comportement vis-à-vis du tabac des enfants des mères qui ont cessé de fumer pendant la grossesse, mais qui ont fumé à d’autres périodes de la vie de l’enfant et des mères qui n’ont jamais fumé sont identiques.

L’analyse multivariée montre que les enfants dont la mère a fumé pendant la grossesse ont un risque relatif de 2,74 d’être fumeurs réguliers avant 14 ans, et de 2,11 de le devenir après cet âge, comparativement à de jeunes adultes dont les mères n’ont jamais fumé.

Les résultats sont robustes et persistent après ajustements pour des covariables potentiellement confondantes (consommation d’alcool, alimentation au sein, dépression…).

« Tobacco Control », 2006 ; 15 : 452-457.

> Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8061