Fécondation : le spermatozoïde semble attiré par le parfum de l'ovule

Publié le 27/03/2003
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De notre correspondante
à New York

On s'en souvient : un travail publié en février dans « Nature Medicine » montrait que, dans les trompes, les spermatozoïdes sont guidés par thermotactisme avant d'être attirés par l'ovule grâce à un chimiotactisme (« le Quotidien » du 4 février). C'est précisément de chimiotactisme dont il est question aujourd'hui dans « Science ».

« L'identification d'un vrai récepteur couplé à la protéine G sur le spermatozoïde mature, ainsi que d'un puissant agoniste et d'un antagoniste réversible efficace, représente un événement marquant », souligne, dans un article associé, le Dr Donner Babcock, de l'université de Seattle. Ce travail, ajoute-t-il, procure des outils pour mieux étudier le chimiotactisme du spermatozoïde.
La famille des récepteurs olfactifs (OR) comprend environ un millier de récepteurs distincts qui sont exprimés non seulement dans les neurones sensitifs du nez, mais aussi dans d'autres tissus non olfactifs. On sait ainsi depuis quelque temps que certains récepteurs olfactifs sont uniquement trouvés sur les spermatozoïdes, mais on ignore leur fonction.
Il a été proposé que ces récepteurs olfactifs pourraient permettre aux spermatozoïdes de « sentir » des substances chimiques qui dirigeraient leur mouvement vers l'ovule, dans la dernière phase de leur voyage dans les trompes.

L'exemple des invertébrés marins

Cette hypothèse s'inspire du modèle de la reproduction sexuée chez les invertébrés marins ; cette reproduction par fécondation externe dans l'eau doit sa réussite à la libération de millions de spermatozoïdes et d'œufs, mais aussi au comportement chimiotactique des spermatozoïdes qui sont guidés vers les œufs par des substances attractives.
L'approche de Spehr (université de Bochum en Allemagne) et coll. est novatrice. Ils ont tout d'abord découvert la séquence génétique (ARNm) d'un récepteur olfactif testiculaire humain non décrit jusqu'ici. Le gène de ce récepteur hOR17-4 est sur le chromosome 17. « Nous ne nous attendions pas à découvrir un récepteur pour la chimio-attraction », confie toutefois dans un communiqué le Dr Marc Spehr.
Ils ont cloné ce récepteur puis exprimé le récepteur fonctionnel dans des cellules humaines en culture (cellules rénales embryonnaires). L'activation de ces récepteurs induit un signal qui déclenche l'entrée de calcium, et ce signal calcium a été utilisé pour rechercher des ligands potentiels.
Ils ont ainsi identifié des agonistes, des substances odorantes connues sous les noms botaniques de bourgeonal, de lilial et de floralazone, qui activent ce récepteur, ainsi qu'un puissant inhibiteur de ces substances, appelé undecanal.
Testés sur le spermatozoïde, ces agonistes sont encore plus puissants pour déclencher le signal calcium, une solide preuve de la présence sur les spermatozoïdes du récepteur fonctionnel hOR17-4.
Enfin, Spehr et coll. montrent dans un biosystème que les spermatozoïdes migrent à partir de microcapillaires de verre vers une source de bourgeonal. L'analyse de la navigation des spermatozoïdes révèle que le bourgeonal est une substance attractive et qu'elle accélère la nage des spermatozoïdes.
Il reste maintenant à savoir si l'ovule produit une substance chimique similaire au bourgeonal ou si cette substance chimique est synthétisée ailleurs dans les voies reproductrices féminines. L'un des prochains objectifs des chercheurs est d'identifier l'équivalent du bourgeonal produit chez la femme.

Des conséquences pour la procréation et la conception

« Ces données suggèrent que le signal hOR17-4 gouverne potentiellement la communication chimique entre le spermatozoïde et l'ovule », concluent les chercheurs. « Ainsi, la voie du signal hOR17-4 pourrait être utilisée pour manipuler la fécondation, avec des conséquences importantes pour la contraception et la procréation », ajoutent-ils.
Des précisions sur les éventuels débouchés cliniques de cette recherche sont faites par le Dr Spehr dans son communiqué. « Certaines difficultés rencontrées dans les traitements de fécondation in vitro pourraient être liées à la qualité des spermatozoïdes », explique-t-il. « Le bourgeonal pourrait être utilisé dans l'avenir pour trouver les spermatozoïdes mobiles et rapides nécessaires pour la fécondation », dit-il, ajoutant toutefois que des recherches supplémentaires sont indispensables. Inversement, note-t-il, « si l'undecanal peut inhiber la communication ovule-spermatozoïde, ce médicament pourrait être utilisé, après de nombreuses recherches futures, pour prévenir les grossesses non désirées ».
Dernier point : d'autres récepteurs de chimio-attraction pourraient exister sur les spermatozoïdes. « Je ne m'attends pas à ce que la nature repose sur un seul type de récepteur », note le Dr Spehr. « Ce n'est pas, je pense, la façon dont la nature fonctionne. »

« Science » du 28 mars 2003, p. 2054.

Dr Véronique NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7304