De toutes les maladies neurodégénératives connues, la maladie d'Alzheimer est la plus fréquente, et par conséquent, la plus médiatisée. La prise de conscience de l'importance de ce problème de santé publique se généralise, parallèlement à une mobilisation associative croissante. A la veille de la Journée mondiale Alzheimer, vendredi dernier (« le Quotidien » du 20 septembre), la fondation Médéric Alzheimer a organisé un colloque à Paris pour faire le bilan des connaissances dans ce domaine, qui, il faut le reconnaître, demeurent limitées.
Méconnue il y a quelques décennies, la maladie d'Alzheimer reste une énigme pour la médecine, qui hésite sur les causes réelles de la neurodégénerescence et qui ne dispose que de moyens thérapeutiques limités. Selon Xavier Emmanuelli, président de la fondation Médéric Alzheimer, « le paradoxe est cruel. Plus les progrès de la médecine permettent de prolonger la vie, plus le risque de développer la maladie augmente ». Créée par le groupe mutualiste Médéric et reconnue d'utilité publique en août 1999, cette fondation est consacrée à « l'aide aux aidants » des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Les aidants, ce sont les parents proches, les bénévoles et les professionnels. Pour leur fournir quelques repères utiles, la fondation publie son premier ouvrage : « Vivre avec la maladie d'Alzheimer. L'aide aux aidants en France : identifier, comprendre, agir ».
Parents de leurs parents
Aujourd'hui, 400 000 Français sont atteints ; en 2020, ils seront vraisemblablement 600 000. Au total, près d'un million de parents seraient concernés par la maladie. Quand on sait que 80 % des malades demeurent à domicile, on saisit la nécessité d'aider les familles à comprendre un peu mieux leur quotidien d'accompagnant. Le livre met des mots sur le ressenti de l'entourage. Les dégradations successives de la personne malade sont vécues comme « le deuil d'un proche pas encore mort ». Les enfants expriment souvent le sentiment paradoxal d'être devenus « parents de leur parent ». Les conséquences d'un tel investissement personnel sont multiples pour l'aidant familial : dégradation de la santé, des relations familiales et professionnelles. Quand le coût moyen de l'accompagnement par la famille se chiffre à environ 150 000 F par an, il devient difficile de ne pas craquer. Faut-il arrêter de travailler, payer des aides, faire appel aux bénévoles ? Il faut noter un certain retard français en matière d'aide matérielle aux familles. Certains pays d'Europe du Nord accordent un maximum de droits aux proches : congés, rémunérations, vacances obligatoires, protection sociale, droit à la retraite. Autant de mesures absentes du système français, qui devraient prochainement être mises à l'étude.
Des relais entre domicile et institution
Pour le moment, les aidants familiaux, pour continuer à agir au quotidien, doivent accepter un soutien psychologique « pour tenir ». Les familles qui ont choisi la vie à domicile du malade peuvent opter ponctuellement pour des solutions soulageantes : les relais entre domicile et institution. Il s'agit d'établissements adaptés tout spécialement aux malades d'Alzheimer, qui proposent un accueil à la journée ou temporaire. Fruits d'initiatives locales, ces établissements se sont multipliés ces dernières années. Actuellement, 17 de ces structures d'accueil sont soutenues financièrement par la fondation Médéric Alzheimer et 70 dossiers sont à l'étude. Ont déjà vu le jour, par exemple, des maisons communautaires de quartier à Valenciennes, une « maison de tous les jours » à Brest, des groupes de parole à Toulouse, de petites unités de vie à Dijon.
Chaque fois, l'accent est mis sur le respect des désirs des malades. Et sur un mode de vie simple, proche de la nature. Ainsi, nombreux sont les centres d'accueil qui possèdent des animaux ou un jardin potager, reconnus comme stimulants pour les patients.
Un exemple significatif : l'association Tarn-et-Garonne Alzheimer qui, depuis 1993, gère un accueil de jour. Le manque de places limite sa capacité à huit patients alors que plus de 1 200 personnes sont malades dans le département. D'où le projet de construire un nouveau bâtiment, capable d'accueillir seize personnes. Moyennant 180 F la journée, les familles pourront confier de temps à autre leur proche à une équipe motivée, spécialement formée pour accompagner les malades d'Alzheimer. Claude-Nelly Allard, responsable de l'association, a été profondément touchée par la confession d'un malade qui lui a avoué ne pas vouloir « se faire voler sa vie ». « Quelle que soit la gravité de son état, explique-t-elle, un malade est une personne à part entière avec des besoins, des goûts, des habitudes, des désirs. Tout doit donc être mis en uvre pour son bien-être et son plaisir. »
D'autres associations, telles l'association France Alzheimer, le Lion's Club, le Rotary Club, tentent également d'aider les personnes à vivre avec la maladie d'Alzheimer. « La spécificité de la fondation Médéric Alzheimer, c'est d'attaquer le problème sous son angle social, souligne Michèle Frémontier, directrice de la fondation. Nos actions sont complémentaires. » La mobilisation de la fondation ne cesse de se développer. Rendez-vous est fixé en septembre 2002 pour un nouveau colloque-bilan et la sortie d'un ouvrage plus affiné sur la maladie d'Alzheimer en France.
Pour soumettre un projet à la fondation Médéric Alzheimer ou pour commander le livre : www.fondation-mederic-alzheimer.org, 30, rue de Prony, 75017 Paris.
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