Par le Dr François Dievart*
CE DEBAT D'ACTUALITE avait été suscité par les discordances apparues progressivement entre les recommandations thérapeutiques de sociétés savantes ou d'experts, les données de certains essais cliniques et les nouvelles indications thérapeutiques de certaines statines. Ainsi, en prenant le cas d'un patient en prévention secondaire de la maladie athérothrombotique [patient ayant une maladie coronarienne, un antécédent d'accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique et/ou une artérite], les recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies telles que celles de l'Afssaps proposent d'instituer une thérapeutique si le LDL est > 1,30 g/l, afin de l'abaisser en dessous de cette valeur. Les recommandations publiées en 2001 pour l'Amérique du Nord font la même proposition, mais la valeur de LDL constituant le seuil et la cible d'intervention est de 1 g/l. En parallèle, des études comme HPS et Ascot ont démontré que des statines peuvent procurer un bénéfice clinique même lorsque le LDL cholestérol est très bas (inférieur à 1 g/l) et la simvastatine (évaluée dans l'étude HPS) ainsi que l'atorvastatine (évaluée dans l'étude Ascot) ont eu, lors des derniers mois, des indications précisant qu'elles pouvaient être prescrites chez certains patients, « qu'il y ait ou non hyperlipidémie associée ». Ces indications sont en contradiction avec les recommandations thérapeutiques. De plus, outre le fait que les recommandations peuvent proposer des seuils et des cibles différentes, elles peuvent aussi se contredire l'une l'autre. Ainsi, en 2003, dans les recommandations pour la prise en charge de l'hypertension artérielle, la Société européenne d'hypertension (ESH) et la Société européenne de cardiologie (ESC) proposaient que, conformément aux données issues de l'étude HPS, « tous les patients jusqu'à l'âge de 80 ans ayant une maladie coronaire, une artérite des membres inférieurs, un antécédent d'AVC, un diabète de type 2 devraient recevoir une statine si leur cholestérol total est supérieur à 3,5 mmol/l (1,35 g/l) dans l'objectif d'obtenir une diminution de 30 % ».
Ces recommandations introduisaient deux éléments nouveaux : d'une part, en prenant comme seuil d'intervention un cholestérol total (CT) à 1,35 g/l (pratiquement tous les Européens ont une cholestérolémie totale supérieure à cette valeur), elles reconnaissaient que c'est davantage le statut clinique (le niveau de risque) du patient que son statut lipidique qui justifie la prescription d'une statine ; d'autre part, elles ne proposaient plus de diminuer le LDL jusqu'à une valeur absolue, mais d'obtenir dorénavant une diminution relative de la cholestérolémie.
Les risques encourus lorsqu'une cible de LDL est proposée.
Pour ma part, cette recommandation ESH/ESC a pris pleinement acte des implications essentielles des résultats de l'étude HPS et aussi probablement des risques reconnus lorsqu'il est proposé d'atteindre une cible au-delà de ce que permettent les posologies correctement évaluées des statines disponibles. En effet, proposer des seuils et des cibles lipidiques peut être une attitude risquée pour deux raisons :
- fixer un seuil et une cible d'intervention pour le LDL, 1 g/l par exemple, est une recommandation qui indique qu'il ne faut pas proposer de traitement par statine à un patient dont la valeur du LDL serait à 0,95 g/l, même si son risque cardio-vasculaire est élevé. Or, l'étude HPS a démontré qu'un traitement par une statine abaissant ce LDL de 30 % permet en cinq ans, une réduction de 25 % du risque d'événements cardio-vasculaires majeurs chez ce type de patient, indépendamment de la valeur de base du LDL ;
- inversement, proposer une cible à 1 g/l chez un patient pour lequel, malgré un traitement par une posologie de statine déjà élevée en plus d'une diététique supposée bien suivie, il n'a pas été possible d'atteindre une valeur de LDL inférieure à 1,5 g/l, va inciter à mettre en œuvre des mesures thérapeutiques dont la tolérance et le bénéfice effectifs ne sont pas évalués correctement. Et donc, à proposer à ce patient une stratégie thérapeutique potentiellement dangereuse : augmentation de la posologie de la statine, association de traitements hypolipidémiants du type statine-fibrate... sans garantie du bénéfice mais avec un risque potentiellement accru d'effets indésirables parfois graves.
Les nouvelles données de l'étude PROVE IT.
A ces éléments, Michel Farnier devait opposer une argumentation plaidant pour l'atteinte d'objectifs lipidiques précis. Cependant, comme il l'a reconnu, si sa présentation avait pu être faite quelques semaines plus tôt, son argumentaire était prêt, mais les données de l'étude PROVE IT, présentées au congrès de l'American College of Cardiology en mars 2004, sont venues une nouvelle fois modifier la façon de comprendre le traitement des dyslipidémies.
L'étude PROVE IT a comparé le pronostic à deux ans de 4 000 patients venant d'être victimes d'un syndrome coronaire aigu. Ces patients ont été randomisés pour recevoir soit 40 mg de pravastatine, soit 80 mg d'atorvastatine. Le LDL moyen dans le premier groupe de patients a atteint 0,95 g/l et, dans le second groupe, 0,62 g/l, et il y a eu significativement moins d'événements cardio-vasculaires majeurs dans le second groupe que dans le premier. Ces résultats sont essentiels car ils démontrent qu'une diminution importante, bien au-delà d'une cible de 1 g/l de LDL cholestérol, continue de procurer un bénéfice chez les patients à risque.
Dès lors, le débat qui aurait pu confronter un avis proposant d'abaisser la cholestérolémie LDL en dessous d'1 g/l pour l'un et de 30 % pour l'autre est devenu une interrogation partagée avec la salle : jusqu'où peut-on et doit-on diminuer le LDL cholestérol ? Faut-il une cible relative ou une cible absolue ? Comment déterminer l'une et l'autre ?
Baisser le cholestérol LDL en prévention secondaire.
La seule conclusion consensuelle de ce débat fut donc : en prévention secondaire de la maladie athéthrombotique, faisons en sorte que tous les patients aient une statine, qu'il y ait ou non une hyperlipidémie associée.
* Clinique Villette, Dunkerque.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature