La question de la rémunération des praticiens hospitaliers est, pour la tutelle publique, un dossier piège par excellence. Il faut naviguer entre de multiples contraintes accrues par la complexité apparente du système actuel. Pourtant, il semble de plus en plus urgent d’agir. Le manque d’attractivité du secteur public devient en effet préoccupant et se chiffre donc aujourd’hui à 10 000 postes vacants de praticiens statutaires. La rémunération n’est certainement pas responsable de tous les maux, mais l’évolution de la démographie professionnelle, avec le départ à la retraite des générations du baby-boom, accentue les tensions sur ce marché de l’emploi bien spécifique, attisant du même coup la compétition entre public et privé. Depuis deux ans, les congrès de l’Isnih (Inter syndicat national des internes des hôpitaux) se sont transformés en véritables opérations de séduction à destination des internes. Les moyens dont disposent ces derniers pour organiser leur rassemblement au Cnit à Paris en attestent. Les fédérations hospitalières sont toutes présentes, les groupes de cliniques aussi. Les uns et les autres ont chacun leur stratégie pour se présenter sous leurs plus beaux atours. Et il faut bien reconnaître que pour l’instant, le privé est plus offensif.
Un secteur public mal armé pour séduire les jeunes internes
La Fédération hospitalière de France (FHF) a toutefois décidé de réagir en septembre en lançant une campagne de communication à l’intention des jeunes internes. L’idée principale était d’élargir le discours et de ne pas considérer uniquement la rémunération ou ses éléments associés comme la protection sociale, le temps de travail, etc. La grande richesse de carrière grâce à la possibilité d’associer activités de soins, d’enseignement et de recherche a largement été mise en avant. La FHF voulait aussi faire passer l’idée que depuis la loi HPST, la fonction hospitalière a gagné en souplesse et dispose d’une véritable boîte à outils permettant à chacun de se concocter une carrière sur mesure. La possibilité d’un exercice mixte public - privé ou encore celle d’opter pour le nouveau statut de clinicien hospitalier ont été présentées comme des points particulièrement positifs. Il est trop tôt pour mesurer la portée de ces messages. Toutefois, la boîte à outils ne semble pas si mirifique que cela. « Personne, à ma connaissance, n’a encore choisi le statut de clinicien hospitalier, souligne, dubitatif Pierre Faraggi, président de la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH). Le statut rend le praticien trop dépendant du directeur d’établissement. De plus, il est de courte durée. »
Et comme le soulignent tous les syndicats de PH (lire ci-après), le secteur public est particulièrement mal placé en terme de rémunération des jeunes praticiens. De plus, les souffrances liées aux restructurations, la baisse de la croissance de l’Ondam (réduite à +2,3 % pour 2012) ou encore le discours confus sur l’évolution des effectifs à l’hôpital n’aident pas les établissements publics à attirer les foules. La toute récente affaire des deux millions de RTT stockées ne donne pas l’image d’un secteur respectueux des conditions de travail, ni particulièrement attentif aux ressources humaines…
Un différentiel de 40 % sur la carrière
Il est donc peu probable que la boîte à outils évoquée par la FHF suffise à remettre l’hôpital public dans la course. La case rémunération ne peut pas être ignorée. La mission sur l’exercice médical à l’hôpital, lancée en octobre 2010 par Roselyne Bachelot, un an après l’adoption de sa loi, a rendu, en septembre dernier, à Xavier Bertrand un rapport qui reconnaît d’ailleurs l’existence d’une « différence moyenne de 40 % » entre le privé et le public « en surface de rémunération sur la carrière. » Dès lors, souligne le rapport, « un rapprochement des rémunérations entre praticiens du secteur public et ceux du secteur privé doit, à activités et responsabilités comparables, être recherché ». Et de poser comme principe que « la valorisation financière doit permettre la reconnaissance transparente et contractuelle de l’ensemble des activités exercées : activités de soins d’abord et, au-delà, activités indirectement liées aux soins ».
Si certains syndicats (lire ci-après) parlent d’introduction de la notion de performance et sont prêts à certaines modifications de la structuration de la rémunération, tous sont finalement assez satisfaits d’un système qui ne fonctionne pas trop à « la tête du client ». On voit donc bien que les syndicats ne prônent pas la révolution, mais militent pour le réajustement du niveau des rémunérations, à l’aune de celles en vigueur dans le secteur concurrentiel. La question est donc de savoir quels efforts les pouvoirs publics sont prêts à faire pour réduire l’écart avec le privé, et ainsi conserver un hôpital public performant. En ces temps de fragilité du triple A, la réponse risque d’être longue à venir.
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