NOUS AVONS DÉJÀ ABORDÉ la question des déclarations de Nicolas Sarkozy et de l'usage qu'en font ses adversaires. Nous l'avons expliquée par la position unique de M. Sarkozy, qui, à la fois, fait la course en tête et prononce chaque jour des propos sujets à polémique. Nous avons attribué cette singulière attitude à la volonté du candidat de la droite de récupérer au moins une partie de l'électorat de l'extrême droite, ce qui n'est pas une honte si on considère les électeurs de Jean-Marie Le Pen comme des citoyens à part entière. Ce que, bien entendu, ils sont.
Un test pénible.
Le problème pour M. Sarkozy, c'est l'électorat qui lui est déjà acquis et qu'il soumet à un test de loyauté pénible. Comme le candidat de l'UMP a des électeurs assez divers, beaucoup ne lui pardonneront pas facilement d'avoir sur la pédophilie une explication exclusivement génétique ; ni de laisser entendre que les parents d'élèves n'ont pas à intervenir dans l'éducation scolaire de leurs enfants ; ni de proposer quatre franchises différentes dans le système d'assurance-maladie, qui a besoin de faire des économies, mais aussi de fonctionner dans la clarté. Parmi ceux qui s'apprêtent à voter pour lui, peu sont enthousiasmés par le projet de ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale ou par la rumeur, probablement infondée, qu'il aurait conclu un accord avec Jacques Chirac pour épargner au président actuel les rigueurs de la justice lorsqu'il sera redevenu un simple citoyen.
DANS LE DELUGE DES CRITIQUES TOUS AZIMUTS, SARKOZY SEMBLE DEMEURER INVULNERABLE
Chacun de ces sujets soulève un dossier volumineux : on ne peut pas les traiter sur un coin de table ni même au détour d'un entretien avec un journal. Pour certains sujets, les parents d'élèves et la pédophilie, M. Sarkozy s'est presque rétracté, ou a atténué sa pensée. Pas pour d'autres. Bien que Simone Veil, qui lui a accordé son soutien, se soit vivement opposée à l'idée de création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, il a défendu son projet tout en insistant sur l'importance qu'il accorde à l'identité nationale, qui est une valeur, pas un instrument de l'ostracisme. Ce qui a fait bondir les gens, c'est le rapprochement entre cette valeur et l'immigration, mais pourquoi ne pas admettre que, pour vouloir s'installer en France, il faut d'abord admirer ce qu'elle apporte ?
Les thèmes qui fâchent.
On nous répondra que c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide : tout dépend des intentions profondes de M. Sarkozy et de la patience de la partie la moins à droite de son électorat, sensible à l'argument selon lequel il divise plus les Français qu'il ne les apaise.
Un autre problème de M. Sarkozy, c'est sa propension à soulever les thèmes qui fâchent, quelquefois avec maladresse et, en tout cas, comme s'il n'avait cure de l'usage qu'en font ses rivaux. Or il lui font d'autant moins de cadeaux qu'ils sont largement distancés par lui. La semaine dernière, la campagne a pris un tour presque violent : Mme Royal, qui voulait une campagne digne, estime que, par ses commentaires, M. Sarkozy l'a libérée de cet engagement. Et il est vrai qu'il ne l'a jamais attaquée personnellement. Prenant prétexte du danger qu'il représenterait pour la République, elle se livre désormais, et plusieurs fois par jour, à des attaques ad hominem contre le candidat UMP. Chez les socialistes, un système a été mis en place qui consiste à surveiller toute la presse écrite, parlée et télévisée, pour riposter ou attaquer à chaque intervention de Sarkozy. C'est de cette manière qu'ils ont déniché l'entretien avec le philosophe Michel Onfray dans « Philosophie Magazine », une revue qui ne tombe pas dans toutes les mains. Dans cet entretien, M. Sarkozy s'aventurait sur le périlleux terrain de la pédophilie. Et c'est de la même manière que, quelque 48 heures plus tard, Elisabeth Guigou a découvert dans le texte des déclarations de Nicolas Sarkozy sur l'Allemagne nazie : il reproche au peuple allemand d'avoir contribué à la solution finale voulue par ses dirigeants nazis et il semble déceler une spécificité germanique dans cette tragédie historique ; Mme Guigou, qu'on imagine en train de rouler des yeux effarés, voit dans ces propos, qu'elle qualifie d'« indignes », le comble de l'irresponsabilité européenne et la «négation de la réconciliation franco-allemande».
Certes, M. Sarkozy aurait pu ajouter que les Allemands d'aujourd'hui n'ont aucune responsabilité dans ce qu'ont fait les nazis d'autrefois ; il manque d'ailleurs à chacune de ses déclarations le bémol qui viderait de sa force la protestation à venir. Mais Mme Guigou, à son tour, s'embarque, non sans imprudence, dans un débat sulfureux. Car ce que dit M. Sarkozy n'est pas faux : l'amitié franco-allemande et la construction européenne n'enlèvent rien deleur horreur aux atrocités nazies, que n'ont cessé de dénoncer tous les gouvernements allemands d'après-guerre. L'ancienne ministre estime que M. Sarkozy n'est pas digne de devenir président de la République, mais on pourrait lui rétorquer qu'il n'a fait que poser une question que des millions de personnes, parfois des Allemands, se posent ; et qu'un président adepte du révisionnisme historique ne serait pas meilleur. A force de lui chercher des poux, Mme Guigou court le risque d'être critiquée pour n'avoir pas rappelé combien la solution finale soulève encore en nous (et en elle aussi, on l'espère) d'horreur et d'indignation. Elle aussi s'est privée d'une importante nuance.
Un argument perfide.
Une autre critique, venue cette fois de M. Le Pen, sert plus les intérêts de M. Sarkozy que ceux de l'agresseur. Le chef du Front national, plus fidèle à lui-même que l'image que sa fille veut donner de lui, reproche maintenant au candidat de l'UMP de n'être pas totalement français puisqu'il a des ancêtres hongrois. Avec sa finesse exquise, M. Le Pen rappelle que Henry Kissinger et Arnold Schwarzenegger ne peuvent être élus président des Etats-Unis car ils sont nés à l'étranger. Or il se trouve que M. Sarkozy est né en France et que l'argument qui, perfidement, associe un juif et un Autrichien, est nul et non avenu. C'est bien la première fois que M. Le Pen exprime le souhait d'appliquer à la France une disposition américaine.
Il demeure que le candidat de la droite ne doit pas attribuer les critiques dont il fait l'objet à la seule fièvre électorale. On s'est parfois gaussé de l'impréparation de Ségolène Royal à la campagne, de ses contradictions, de son ignorance et de ses erreurs. Mais M. Sarkozy en commet lui aussi et, s'il est attaqué avec la même violence par la gauche, l'extrême gauche et l'extrême droite, il lui appartient de ne pas provoquer ces attaques. Certes, il reste bien peu de jours pour corriger le tir. Pourtant, une chose est sûre : on veut clairement faire de M. Sarkozy le monstre qu'il n'est pas et on parvient à ébranler la granitique solidité de son électorat. Mais aucun des cent trente sondages (ou plus) publiés depuis le début de l'année ne lui attribue une autre place que la première.
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