IL EXISTE un contraste énorme entre la masse de données épidémiologiques et expérimentales autour des dyslipidémies comportant une diminution du cholestérol HDL (HDLc) et la pauvreté des essais cliniques dans ce domaine. Un retard que les travaux actuels vont peut-être enfin combler.
Augmenter le HDL cholestérol, une voie royale ?
On sait depuis trente ans qu’un taux bas de HDLc (inférieur à 0,40 g/l) est un facteur de risque cardio-vasculaire et que, parmi les malades qui présentent des dyslipidémies, ceux qui ont les taux les plus élevés de HDLc se portent statistiquement mieux que ceux qui ont des valeurs abaissées. La diminution du HDLc est d’ailleurs l’une des caractéristiques du syndrome métabolique. On a longtemps cru que c’était uniquement lié aux propriétés de transport du cholestérol par les HDL, entre les artères et le foie. Mais depuis une dizaine d’années, on a montré expérimentalement que les HDL ont d’autres fonctions protectrices importantes sur une multitude de processus cellulaires impliqués dans l’athérogenèse. C’est pourquoi les HDL font autant parler d’elles actuellement. Agir à leur niveau représente une nouvelle piste thérapeutique qui ne pouvait laisser les laboratoires pharmaceutiques indifférents ! Et ce d’autant que les fibrates existent de longue date. Mais le gemfibrozil pose des problèmes d’interactions médicamenteuses multiples et le fénofibrate connaît, à la suite d’un essai clinique controversé, des difficultés à faire la preuve de son efficacité en prévention cardio-vasculaire (étude FIELD).
Ainsi, une nouvelle classe de médicaments fait actuellement l’objet d’essais cliniques de phase III et IV. Il s’agit des inhibiteurs de la Cetp (Cholesteryl Ester Transfer Protein), une protéine plasmatique permettant l’échange réciproque de cholestérol estérifié et de triglycérides, des HDL vers les Vldl. Elle fait augmenter de façon assez spécifique et importante le HDLc, alors que, jusqu’à présent, en employant des fibrates, on arrivait à abaisser de façon plus radicale la triglycéridémie, mais l’effet sur le HDLc était modeste.
Encore beaucoup d’interrogations.
«La vraie question qui se pose aujourd’hui est donc de savoir si, en augmentant de façon spécifique le HDLc, on va réussir davantage à protéger les patients du risque cardio-vasculaire qu’avec les traitements classiques qui agissent sur plusieurs paramètres à la fois», insiste le Pr Moulin.
Le débat reste ouvert. Avec les inhibiteurs de la Cetp, on observe bien une amélioration des paramètres lipidiques sous ce nouveau traitement, mais, fait curieux, leurs conséquences sur les flux de cholestérol sont variables selon le contexte dans lequel le malade se trouve : s’il est en hypertriglycéridémie ou non, s’il a une hypercholestérolémie ou pas…
D’autre part, il existe des modèles naturels spécifiques de blocage de la Cetp. Les malades concernés ont bien un HDLc élevé, mais ils ne semblent pas en tirer de bénéfice cardio-vasculaire spectaculaire. Certaines études ont même montré qu’ils auraient un surcroît de risque vasculaire, ce qui va à l’encontre de ce que l’on pourrait espérer. «Tout cela montre la complexité des mécanismes en cause. Il n’est pas évident que, en augmentant pharmacologiquement les taux de HDLc, on obtienne automatiquement un bénéfice cardio-vasculaire dans toutes les situations cliniques. Il est donc essentiel de juger à l’aune des essais d’intervention qui sont en cours», ajoute le Pr Moulin.
D’autres pistes à explorer.
La mise au point des inhibiteurs de la Cetp n’est pas la seule piste thérapeutique dans les hypo-HDLémies. Il existe de nouvelles techniques reposant sur le recours à des HDL artificielles. Des essais d’utilisation de l’apoA1 recombinante – principale apolipoprotéine des HDL – ont d’ailleurs débuté. Des malades athéroscléreux ayant un syndrome coronarien aigu ont ainsi reçu de l’apoA1 recombinante, par perfusion, à raison de six séances hebdomadaires, avec des résultats intéressants. Un article paru dans le « Jama », sur une petite série, rapporte qu’il a été possible d’obtenir des images de régression de plaque et le Pr Moulin de conclure : «On peut imaginer, dans les années futures, qu’un courant puisse se développer, visant à employer des protéines apparentées à l’apoA1 pour générer des HDL spécialement protectrices et traiter ainsi les épisodes coronariens instables par voie périphérique et de façon moins invasive...»
* D’après un entretien avec le Pr Philippe Moulin, Fédération d’endocrinologie, diabétologie, nutrition, hôpital cardio-vasculaire Louis-Pradel, Lyon.
Maladie de Tangier : une énigme.
Il existe quelques situations pathologiques s’accompagnant d’un déficit majeur en HDLc du fait de mutations sur les gènes qui contrôlent les HDL. C’est le cas de la maladie de Tangier (déficit d’ABCA1). «Or ce qui est surprenant dans cette affection, remarque le Pr Moulin, c’est que malgré un taux de HDLc quasi nul, ces patients homozygotes ont certes de l’athérosclérose, mais pas de façon aussi dramatique qu’on pourrait s’y attendre.» Comparativement à une hypercholestérolémie familiale homozygote, où le risque de mourir d’infarctus du myocarde avant 25 ans, en l’absence de traitement, est majeur, avoir une maladie de Tangier homozygote est bien moins grave, puisque le risque de faire un infarctus ou un AVC ischémique se manifeste surtout après 60 ans (en l’absence de prise en charge ou de traitement). Il existe donc probablement des voies de transport du cholestérol par des sous-populations de particules, qui permettent de protéger les artères malgré un taux de HDL cholestérol, nul. Cet exemple illustre bien la complexité du système.
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