Le mode de rémunération des généralistes, basé essentiellement sur l'utilisation de deux lettres clés - le C et le V - qui rémunèrent tous les actes et dont la valeur est identique pour tous les médecins, est-il encore adapté ? Le débat actuel sur les revenus des médecins de famille ne peut faire l'économie de cette question.
L'heure, certes, n'est plus aujourd'hui à exiger la suppression du paiement à l'acte auquel la majorité des médecins libéraux est très attachée. Pendant longtemps, la gauche s'est lancée dans d'implacables philippiques contre ce mode de paiement. A la fois pour des raisons idéologiques - le paiement à l'acte était associé à un libéralisme honni, alors que le salariat était associé à l'image du médecin hospitalier désintéressé. Et pour des motifs économiques : les socialistes, et beaucoup d'autres aussi, accusaient le paiement à l'acte d'être inflationniste et d'inciter à la multiplication des consultations. Cette vieille querelle est aujourd'hui révolue - même si certains critiquent toujours l'aspect inflationniste de ce mode de rémunération. La gauche n'a plus envie de mettre à mort le paiement à l'acte, pas plus qu'elle ne souhaite la généralisation de centres de santé intégrés avec des médecins salariés dont elle avait fait naguère l'un de ses chevaux de bataille. Le voudrait-elle qu'elle sait bien que cela serait impossible.
La fin de cette guerre de tranchées idéologique n'empêche pas de nombreux responsables de la profession de s'interroger sur l'efficacité du mode de rémunération des généralistes et sur son évolution. Plusieurs problèmes se posent.
Notamment celui de l'utilisation de deux lettres clés, le C et le V, qui servent à coter la quasi-totalité des actes alors que les consultations exigent un investissement et représentent une charge de travail fort variable. « Quand je fais une consultation pour annoncer à un patient qu'il est séropositif et lorsque je vois quelqu'un pour une pharyngite, c'est le jour et la nuit », fait remarquer un généraliste parisien. D'où l'idée de diversifier les tarifs des actes. MG-France suggère que certains types de consultation soient mieux payés (par exemple les consultations accompagnées d'un acte de dépistage, les consultations d'écoute particulièrement longues pour les actes d'accompagnement psychothérapeutique, les consultations pour le suivi d'un enfant).
Pour certains, le tarif de la consultation ne doit pas être seulement modulé en fonction de son contenu mais aussi en fonction du généraliste qui la fait. Claude Le Pen (voir page 4) se prononce pour un système de la sorte qui permettrait aux médecins d'avoir une évolution de carrière (en fonction de leur compétence et non de leur ancienneté) et de savoir que leur acte ne sera pas payé au même tarif tout au long de leur carrière. Encore faut-il déterminer les modalités de ce mécanisme qui reviendrait à rétablir un système de droit permanent à dépassement pour certains praticiens (tel qu'il existait avant 1981).
Autre piste de réforme soutenue surtout par MG-France et qui suscite des sentiments mitigés dans la profession : le développement de rémunérations forfaitaires complémentaires pour certaines actions.
Le problème des généralistes référents
C'est déjà le cas pour les généralistes référents qui reçoivent un forfait par assuré. Ce pourrait l'être pour la permanence des soins (avec une indemnisation forfaitaire de l'astreinte pour les médecins de garde), pour la participation à des actions de santé publique. « Ce sont là, explique Pierre Costes, président de MG-France, des fonctions exercées par le généraliste pour lesquelles la rémunération forfaitaire est la mieux adaptée ».
Les autres syndicats ne refusent pas le recours à des rémunérations forfaitaires complémentaires mais estiment visiblement que cette formule doit rester très minoritaire (pour la permanence des soins par exemple). « Cette forme de rémunération complémentaire ne répond pas à la problématique, affirme le Dr Michel Chassang, président de l'Union nationale des omnipraticiens français. Le problème, c'est d'avoir un tarif de consultation en rapport avec la qualité du service rendu. Ce n'est pas d'avoir des rémunérations complémentaires en échange de missions supplémentaires que l'on nous demanderait d'accomplir. La rémunération forfaitaire doit rester marginale. » Le SML, lui, semble moins hostile aux rémunérations forfaitaires. Le nouveau système conventionnel prévoit ce type de paiement pour certaines actions. Reste à savoir dans quelles proportions.
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