Controverse

Faut-il rechercher la microalbuminurie chez tous les hypertendus ?

Publié le 19/01/2006
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XXVe Journées de l'hypertension artérielle

15-16 décembre 2005 à Paris

LA MICROALBUMINURIE (MA) est un facteur de risque rénal, mais c’est aussi un indicateur puissant et indépendant du risque cardio-vasculaire.

Le pour.

L’exposé de Jean-Michel Halimi visait à démontrer que la MA peut être considérée comme un « intégrateur » du risque cardio-vasculaire dans la mesure où elle est associée à la plupart des autres facteurs de risque tels que pression artérielle élevée, HDL cholestérol bas, LDL cholestérol ou triglycérides élevés, diabète, hypertrophie ventriculaire gauche, obésité, syndrome métabolique, tabagisme, vitesse de l’onde pulsée, épaisseur intima-média...

La présence d’une MA doublerait le risque cardio-vasculaire, mais dans quelle population ? En fait, dans pratiquement toutes les populations : patients diabétiques ou non, hypertendus ou non, femmes ménopausées, sujets à haut risque ou à bas risque cardio-vasculaire, et même en situation de prévention secondaire. L’élévation de l’excrétion urinaire de l’albumine (EUA) est un facteur de risque cardio-vasculaire, même lorsqu’elle reste inférieure au seuil définissant la MA (de 20 à 200 mg/l, ou 2,5 mg/mmol chez la femme, et 3,5 mg/mmol chez l’homme) ; et elle est corrélée positivement avec l’incidence des événements cardio-vasculaires, de même qu’avec le risque de décès d’origine cardio-vasculaire ou non.

La recherche d’une MA a d’autant plus d’intérêt que l’incidence de l’insuffisance rénale augmente considérablement dans tous les pays, développés ou non, et aux Etats-Unis en particulier où l’incidence de l’insuffisance rénale terminale s’accroît parallèlement à celles de l’hypertension et du diabète dans toutes les classes d’âge. Or les recommandations nationales et internationales préconisent de rechercher annuellement la présence d’une MA chez tous les patients diabétiques…

Les recommandations françaises de la Haute Autorité de santé indiquent que la recherche d’une MA ne doit pas être systématique chez l’hypertendu, mais qu’elle peut permettre d’affiner l’estimation du risque cardio-vasculaire chez les patients dont le risque est difficile à évaluer (bien sûr, le dépistage de la MA n’a pas d’intérêt chez le patient qui a fait un infarctus ou un accident vasculaire cérébral par exemple) ; et sa présence peut faire passer un patient à une catégorie de risque supérieure. Evidemment, il ne saurait être question de rechercher une MA chez les 8 millions d’hypertendus français.

Dans les recommandations américaines, la recherche d’une MA chez les patients hypertendus est optionnelle et, pourtant, les problèmes de coût ont encore davantage d’importance aux Etats-Unis qu’en France (le coût du dosage de la MA est identique dans les deux pays : environ 13 euros).

En dehors de son coût – qui peut être limité car un dosage sur 24 heures n’est pas indispensable : un dosage sur les urines du matin suffit –, on reproche au dosage de la MA la variabilité de ses résultats ; on peut cependant limiter cet inconvénient en l’effectuant dans de bonnes conditions (en l’absence d’infection urinaire ou de syndrome grippal, par exemple), et en déterminant le rapport albumine/créatinine. Mais se dispense-t-on de mesurer la pression artérielle alors que, chez un même sujet, elle peut varier de 25 mmHg d’une mesure à l’autre ?

En tout état de cause, la recherche systématique d’une MA a un intérêt certain, tout au moins en prévention primaire, chez le sujet hypertendu qui n’a pas d’autre facteur de risque évident, même si son intérêt n’est sûrement pas comparable en prévention secondaire.

Le contre.

Pour Jean Ribstein, le dosage de la MA est sujet à diverses causes d’erreur malgré toutes les précautions, et les limites de la normale peuvent varier non seulement en fonction du sexe, mais aussi en fonction de l’âge ; or la majorité des patients hypertendus est relativement âgée. De plus, dans les différentes études, les valeurs « seuils » et les valeurs « cibles » de la MA sont variables. Par ailleurs, les méthodes de dosage actuellement utilisées font appel à des techniques immunologiques, et les dosages effectués à l’aide de la méthode de référence (chromatographie liquide à haute performance) montrent qu’une partie de la microalbumine n’est pas immunoréactive.

En outre, si la présence d’une MA témoigne d’une altération de l’endothélium glomérulaire, elle peut également témoigner d’altérations tubulaires puisque la majeure partie de l’albumine excrétée par le glomérule (99 %) est réabsorbée au niveau du tubule proximal, ce qui peut limiter la valeur de la MA en tant que marqueur de l’atteinte microvasculaire.

Il ne semble donc pas judicieux de doser la MA chez tous les hypertendus ; elle témoigne en effet d’une atteinte d’organe, et si, dans le diabète de type 1, par exemple, il existe une corrélation entre ce marqueur et les lésions anatomiques, la MA ne peut être considérée en dehors de cette situation que comme un marqueur de risque sur un plan épidémiologique et non sur un plan individuel.

Une attitude pragmatique serait donc d’envisager d’intégrer la microalbuminurie à un arbre décisionnel lorsque cela peut aider à préciser la prise en charge thérapeutique.

D’après les communications des Prs Jean Ribstein et Jean-Michel Halimi lors de la session « Controverse » : faut-il mesurer la microalbuminurie chez tous les hypertendus ? ».

> Dr SERGE GARDENER

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7881