De notre correspondant
George W. Bush a déjà débloqué 1,1 milliard de dollars pour la lutte contre le bioterrorisme à laquelle les scientifiques du NIH sont étroitement associés. Non seulement les fonds ont été accordés mais le ministère des Affaires sociales (Health and Human Services) dirigé par Tommy Thompson les a distribués la semaine dernière aux cinquante Etats américains.
Mais, déclare un médecin du NIH, si de nouveaux fonds sont votés par le Congrès en faveur de la lutte contre le bioterrorisme, comme le souhaite la Maison-Blanche, les élus seront plus avares pour les travaux sur les grandes maladies, comme l'Ebola, le paludisme, le SIDA et la tuberculose. Et ce sont les pays d'Afrique et d'Asie, où ces maladies sont le plus répandues, qui en pâtiront. « L'attaque au bacille de charbon a fait cinq morts aux Etats-Unis, déclare ce chercheur au "Quotidien", mais la grippe en a fait quinze mille l'année dernière. »
Hasard et nécessité
Il estime par ailleurs que, s'il ne faut pas sous-estimer la menace d'une ou de plusieurs attaques bioterroristes, la recherche dans ce domaine est lente et le risque réel appartient au calcul des probabilités. « Le gouvernement a commandépour cinq cents millions de dollars de vaccins antivarioliques, explique-t-il, mais il ne sait pas s'il aura l'occasion de les utiliser. Le NIH, et surtout le CDC (Center for Disease Control and Prevention, Atlanta), n'ont pas pour fonction d'approfondir la recherche sur la variole, mais de mettre en place un système de protection pour circonscrire à l'épicentre l'épidémie déclenchée par des terroristes. Pour cette fonction, on n'a besoin que de peu d'argent et de beaucoup de moyens d'alerte. En revanche, la recherche de vaccins anti-SIDA ou antipaludiques ne peut pas attendre. »
D'autres experts estiment que le gouvernement des Etats-Unis a cédé à la pression des médias et de l'opinion. L'attaque au bacille de charbon de la fin de l'année dernière a plongé la population américaine dans l'hystérie, de sorte que M. Bush a voulu démontrer non seulement qu'il prenait le danger au sérieux, mais qu'il mobilisait les moyens pour le contrecarrer. D'un point de vue strictement populaire, M. Bush est toujours au mieux de sa forme quand son langage et ses actions prennent des formes martiales, comme il l'a montré lors de son discours sur l'état de l'union, jeudi dernier.
Pourtant, ces Américains qui ont si peur de la toxine du charbon s'exposent aux cancers et aux maladies cardio-vasculaires sans trop se faire de souci. C'est pourquoi plusieurs associations de consommateurs réclament du président qu'il maintienne les budgets de recherche pour les pathologies classiques et qu'il consacre des fonds à des campagnes de prévention contre le tabagisme, l'exposition au soleil et l'obésité.
36 agents infectieux
Au NIH, on a recensé 36 microbes et virus susceptibles d'être utilisés par des terroristes pour déclencher des épidémies, depuis le virus d'Ebola jusqu'à celui de la variole. Un travail considérable est nécessaire pour combattre sur ces 36 fronts. Et le vrai problème est qu'il est difficile, sinon impossible, de faire en sorte que les Etats-Unis soient préparés à trente-six attaques différentes utilisant un seul de ces agents infectieux. C'est pourquoi certains chercheurs souhaitent que la préparation se fasse non pas pour chacun de ces agents mais d'une manière générale pour tous les virus, microbes et bacilles, avec la possibilité d'accélérer les efforts une fois que l'agent infectieux utilisé aura été identifié.
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