POURQUOI NE PAS VOTER pour un homme intègre, sincère, pragmatique, qui veut en finir avec les démons idéologiques, avec les scléroses de la société française et avec les combines d’appareil qui brouillent la démocratie ? Non sans une certaine candeur, François Bayrou est même indigné que les médias ne fassent pas à son projet toute la place qu’il mérite. Il s’en est pris à Claire Chazal avec une virulence un peu surprenante alors que, le week-end dernier, elle l’accueillait sur son plateau pour célébrer l’annonce officielle de sa candidature. Il est vrai que M. Bayrou a un contentieux avec TF1. Mais les téléspectateurs ne sont pas obligés de le savoir et peut-être auront-ils été quelque peu choqués par une critique impitoyable de TF1 et des médias dont Mme Chazal a accueilli le choc avec sang-froid, comme si elle s’y attendait, et sans donner la réplique à M. Bayrou, comme si sa colère ne méritait pas de marquer durablement les esprits.
En tout cas, nous nous permettrons de conseiller à M. Bayrou de faire attention dans les débats : s’il est parfois un orateur hors pair à l’Assemblée, il peut devenir grinçant avec les journalistes et, à la télévision, c’est toujours l’agressé qui a la sympathie du téléspectateur.
Plus important, si l’on ose dire, est le fond du problème : qu’est-ce que M. Bayrou apporte à la campagne électorale ? Beaucoup de choses, à commencer par une dénonciation des habitudes qui nous ont fait tant de mal, notamment dans la vie des partis politiques, leurs compromissions petites ou grandes, la volonté de pouvoir monomaniaque de la plupart de nos dirigeants, et cette façon qu’ils ont, chacun à sa manière, de contourner les règles posées par la démocratie. M. Bayrou est, de ce point de vue, un excellent démystificateur, mais il fonctionne à la manière d’un journal d’opposition ou satirique : il dénonce, il dénonce, et la vie continue. On pourrait ajouter, un peu injustement, qu’il sait mieux nous dire ce qui ne va pas en France que ce qu’il ferait pour que ça aille mieux. Et, au fond, sa position très particulière dans le paysage politique décrit mieux son programme que le discours qu’il tient : il changerait sans doute les choses, mais sera-t-il jamais président ?
M. Bayrou, en effet, ne souffre pas seulement de l’indifférence qu’il attribue aux médias, mais de sa propre honnêteté : comme il refuse les compromis, il s’est dressé avec force contre l’OPA de l’UMP sur l’UDF. Il a combattu la prétention des chiraquiens de créer une sorte de parti unique regroupant toutes les droites, centre compris. Au lendemain du 21 avril, qui eût dû conduire M. Chirac à s’inspirer aussi de ceux qui ne votèrent pour lui au deuxième tour qu’en désespoir de cause, François Bayrou a refusé l’hégémonie chiraquienne, mais il a perdu des troupes, ralliées à la nouvelle UMP. Il a mené, depuis, une bataille où il est seul contre tous, parfois même contre ses anciens amis de l’UDF, tel Gilles de Robien, qui a failli être excommunié. Ou Philippe Douste-Blazy qui, lui, s’est converti. Certes, la résistance de M. Bayrou l’honore : la suite a montré que le monolithisme UMP n’a pas conduit la France au bonheur. Le parti presque unique, dont l’idée n’est pas conforme aux principes démocratiques, a attiré sur lui des critiques de fond, a déclenché des allergies durables et a provoqué des manifestations, puis des émeutes.
S'IL GOUVERNAIT, M. BAYROU INNOVERAIT; TANT QU'IL NE GOUVERNE PAS, ON NE VOIT PAS OU IL VAMagnifique prêcheur.
M. Bayrou a donc raison, tellement raison que beaucoup d’honnêtes gens, sensibles à son analyse, à son intégrité, à son courage, voteront pour lui au premier tour. Ce qui ne manquera pas de nuire au candidat de l’UMP, qui sera déjà privé des nombreuses voix qui vont à Jean-Marie Le Pen. Il a tellement raison, M. Bayrou, qu’il ressemble, sous plusieurs aspects, à Pierre Mendès-France : il prêche magnifiquement, mais dans le désert. Et son objectif, évidemment, n’est pas de faire gagner l’extrême droite contre la droite classique. Il répète à l’envi qu’il se présente pour devenir président, qu’il y aura une surprise, qu’il ne faut pas croire les sondages, qu’il ne faut pas lire la presse, et qu’il sera au second tour !
Il affirme que l’heure de ses idées est venue ; par exemple, dit-il, regardez l’Allemagne : les Allemands, par un vote subtil, ont forcé les conservateurs et les sociaux-démocrates à gouverner ensemble. Mauvais argument : un tel cas de figure sonnerait le glas de tous les centristes de France ; en outre, les peuples ne sont pas collectivement malins : le vote allemand n’a pas forcé la CDU et le SPD à coopérer, il a renforcé une bipolarisation qui, jusqu’alors, était moins prononcée en Allemagne qu’en France. De sorte qu’Angela Merkel a tiré la leçon logique d’une victoire de la CDU qui était plus qu’imparfaite et d’une défaite du SPD qui n’était pas complète.
Enfin, et même si l’UMP le mérite, la critique de Bayrou a atteint un niveau sonore qui confine à la stridence et elle s’assortit d’un comportement parlementaire de l’UDF voisin de celui de l’opposition. L’UDF ne vote pas le budget, ne vote pas le Plfss, de sorte que, en définitive, elle accroît encore l’impression que l’UMP est un parti unique. Et il y a dans l’appel goguenard que les socialistes lancent à M. Bayrou pour qu’il rejoigne leurs rangs, plus que de l’ironie, une question qu’il doit se poser.
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