Depuis trois ans, la rougeole occupe le devant de la scène. Plus de 18 000 cas ont été déclarés depuis le début de l’épidémie en France en 2008, dont plus de 12 000 survenus entre octobre 2010 et mai 2011. Avec dix décès au total. « Cette résurgence était tout à fait attendue, la faute principalement à l’application imparfaite de la vaccination depuis l’inscription du trivalent ROR au calendrier vaccinal en 1983 » analyse le Pr Daniel Floret, président du Comité Technique des Vaccinations (CTV). Les premières années de la mise en place de la recommandation, la vaccination a réduit très sensiblement l’incidence de la maladie et à même laissé croire à sa future élimination. « Non seulement il n’en n’est rien, poursuit Daniel Floret, mais il s’est constitué un important réservoir de personnes non vaccinées et qui ont échappé à la maladie ». Une situation dangereuse, car il suffisait alors que le germe soit réintroduit en France pour qu’une épidémie survienne, ce qui s’est effectivement passé. Aujourd’hui, pour enrayer l’épidémie, toutes les personnes nées depuis 1980 doivent recevoir deux doses de ROR.
Mais au delà de l’épidémie de rougeole qui sévit, cette insuffisance dans la couverture vaccinale du ROR risque de retentir sur les oreillons. « Il est en effet très vraisemblable que des épidémies d’oreillons apparaissent dans quelques années », anticipe Daniel Floret, comme cela s’est déroulé dans des lycées et universités aux Etats-Unis en Grande-Bretagne. Si la vaccination ROR a presque complètement supprimé les formes infantiles d’oreillons et permis d'éviter à peu près deux millions de méningites, un million de surdité et une cinquantaine de décès, elle peut paradoxalement, augmenter le nombre de cas chez l'adulte jeune, souvent vacciné de façon incomplète.
En revanche, la situation n’est pas actuellement préoccupante pour la rubéole. Si le ROR n’a pas totalement éliminé la rubéole congénitale, les cas sont cependant rares et une seule dose de vaccin semblerait déjà efficace. A noter, cependant, que l’objectif d’élimination de la rougeole et de l’infection rubéoleuse congénitale auquel la France avait souscrit pour 2010 n’a pas été atteint.
Par ailleurs, il n’y a pas que la stratégie de vaccination par le ROR qui montre ses limites. D’autres pathologies infectieuses, pour lesquelles il existe une vaccination préventive, pourraient faire de nouveau parler d’elles. Comme notamment, la tuberculose. Très récemment d’ailleurs, 23 cas de tuberculose ont été déclarés à Clichy sous bois (93), un début d’épidémie, peut être, qui a mené les pouvoirs publics à organiser une vaste opération de dépistage dans le quartier concerné . « La crainte est l’augmentation du nombre de cas de tuberculose chez les enfants contaminés par les adultes, la couverture vaccinale des personnes à risque ne dépassant pas les 80% en Ile de France et 60% sur le reste du territoire explique le Pr Floret pour qui « il est donc légitime de se demander s’il ne va pas y avoir une recrudescence de méningites tuberculeuses chez les enfants ». Toutefois, le vaccin BCG influence très peu l’épidémiologie de la maladie. La protection vaccinale est individuelle et il n’y a pas d’intercommunication du germe par les enfants.
Infections à méningocoque C : vigilance
Autre résurgence possible : les infections à méningocoque C (IIMC). Ces infections étaient prévenues par une stratégie de vaccination groupée des sujets contacts. Mais celle ci s’est avérée insuffisante face à une létalité importante. D’autre part, on a vu l’émergence, depuis quelques années, d’une nouvelle souche très virulente (C : 2a : P 1.7,1/complexe clonal ST-11), qui promettait d’augmenter la mortalité. En 2008, l’incidence des IIM C a été estimée à environ 0,26/100 000 et les souches de groupe C ont représenté 23% des sérogroupes de Neisseria meningitidis. La létalité globale des cas d’IIM C était de 16 % sur cette période, ce qui représente en moyenne près de 30 décès par an et au moins autant de sujets présentant des séquelles physiques permanentes.
Devant ces faits, les autorités ont changé de tactique. Depuis deux ans, la vaccination contre les IIM de sérogroupe c est recommandée. Une seule dose de vaccin méningococcique C conjugué est recommandée systématiquement chez tous les nourrissons âgés de 12 à 24 mois, une mesure étendue aux adultes âgés de 24 ans révolus avec un vaccin monovalent dans l’optique de créer une immunité de groupe. Mais pour l’instant, l’adhésion est médiocre, en dépit d’une couverture vaccinale qui augmente chez les enfants entre 1-2 ans. Selon les rares données, moins de 15 % des sujets de 1 à 24 ans ont été vaccinés depuis l’admission au remboursement des vaccins méningococciques C. Et le rattrapage se fait de façon très molle. Pourtant, les patients ne semblent pas réticents à cette vaccination, à condition qu’on leur propose, comme en témoigne un médecin généraliste de Tours (Indre et Loire). « Depuis août 2011 mais surtout septembre, je propose systématiquement le vaccin contre les infections à méningocoque C à tous les parents pour leur enfant, à l’occasion de l’examen annuel ou des certificats médicaux, indique-t-il. Je leur présente les données, que le vaccin vise la méningite la plus dangereuse même si ça n’est pas la plus fréquente. Je leur demande d’y réfléchir. Je me tiens à leur disposition pour en rediscuter et les avise qu’à ce jour, l’important recul de son utilisation à l’étranger n’a fait émerger aucun effet négatif. Pour l’instant les retours des parents sont favorables ». Pour les jeunes, jusqu’à 24 ans révolus, ce médecin procède de la même façon : « je les vois à chaque rentrée scolaire pour leur certificat de non contre-indication au sport. J’inscris dans leur carnet de santé « vaccin contre la méningite C à réfléchir », afin de conserver une trace », détaille-t-il, en reconnaissant toutefois ne pas avoir assez de recul pour estimer l’impact de sa démarche d’information.
Bientôt un vague de cas d’hépatite B ?
L’hépatite B pourrait elle aussi être plus présente en France pour une tout autre raison. Cette vaccination a fait l’objet d’une polémique qui a fortement retenti sur la couverture vaccinale. Et pendant plusieurs années, en dépit d’études épidémiologiques rassurantes sur la relation entre la vaccination et les maladies démyélénisantes, la vaccination contre l’hépatite B a été boudée des Français. Une recrudescence de l’incidence des cas d’hépatite B en France est logiquement à redouter, car la couverture vaccinale des sujets à risques qui vont atteindre la tranche d’âge 20-30 ans est très faible, de l’ordre de 60%. Cette vaccination insuffisante contre l’hépatite B explique la persistance de la contamination annuelle de 2500 à 3000 personnes. Néanmoins, l’espoir est permis : les données des certificats de santé du 24ème mois montrent une augmentation régulière depuis 2004 (enfants nés en 2002) de la couverture vaccinale hépatite B « 3 doses » chez le nourrisson de 24 mois. Celle-ci était en 2008 (enfants nés en 2006) de 47%. Tout le problème réside donc dans ce rattrapage des grands enfants et des adolescents, une population difficile à capter, d’autant plus qu’elle se rend peu chez le médecin.
A l’opposé certaines pathologies présentent un faible risque de résurgence. C’est le cas notamment pour la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Tout d’abord, pour la diphtérie, la couverture vaccinale est correcte, de 98,5% et les spécialistes ne sont pas inquiets vis-à-vis des enfants. On en peut pas en dire autant des adultes où la couverture vaccinale chute.
Ensuite, pour le tétanos, la couverture vaccinale est de l’ordre de 80% chez les sujets de 16- 25 ans mais ce pourcentage chute à 60% chez les personnes de plus de 65 ans. 41 cas de tétanos ont été déclarés en 2005-2007 parmi lesquels 13 sont décédés, soit une létalité de 32 %.
Enfin, en ce qui concerne la poliomyélite, la couverture vaccinale atteint 98,3% à trois doses, et le problème de résurgence ne se pose pas. Tout comme la vaccination Haemophilus influenza de type b, pour laquelle on peut parler de réel succès vaccinal (96,6% à trois doses) et avec des cas d’infection qui sont devenus rares.
Coqueluche en manque de cocooning
Pour la coqueluche, la situation semble un peu plus complexe. On ne peut parler de résurgence ni même de progression de la maladie en France. En revanche, nous ne sommes pas parvenus à éliminer les cas de coqueluche chez les petits nourrissons dont 69% (chiffres provisoires de 2009 selon le réseau de surveillance Renacoq) ont été contaminés par leurs propres parents. « Il est difficile de juger, modère Daniel Floret, du fait des fluctuations selon les années, certaines avec des épidémies et d’autres avec moins de cas. En outre, la surveillance est non exhaustive. » Mais les enfants sont correctement vaccinés (97,9% sont vaccinés avec les trois doses (sources Drees-InVS). Les recommandations du CTV, notamment la stratégie du cocooning autour du nourrisson instaurée en 2004 sont mal appliquées. « Nous disposons de peu de retombées de cette mesure si ce n’est que chez les sujets de 26 à 28 ans qui n’avaient pas reçu de dose de vaccin, la couverture vaccinale a remonté très significativement (40% des mères vaccinées dans certaines études), sans posséder d’études chiffrées en dehors de quelques enquêtes », explique-t-il. Sept fois sur dix, la contamination du nourrisson est due à un parent, dont l’âge moyen est passé de 19 ans en 1996 à 29 ans en 2005.
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