BIEN QUE LES RECHERCHES en nanosciences et en nanotechnologies se soient développées depuis vingt ans, la plupart des réalisations envisagées sont largement futuristes comme les promesses de médicaments vectorisés et ciblés. Comment envisager une approche éthique sur des scénarios qui relèvent parfois encore du domaine de la science-fiction ? Pour le comité d’éthique du Cnrs (Comets), l’important est de pouvoir anticiper les conséquences et réguler le développement des nanosciences et des nanotechnologies. La révolution des nanosciences est marquée, d’une part, par son extrême pluridisciplinarité et, d’autre part, par son évolution très rapide qui se compte quelquefois à l’échelle du mois. Pour le Comets, l’éthique ne concerne pas seulement la bonne conduite des chercheurs. «L’attention aux objets de la recherche, à leur statut, à leurs usages, à leur devenir dans la société comme dans la nature est une autre dimension essentielle. D’où la nécessité pour les chercheurs de rester vigilants au cours de leurs recherches, et de s’interroger, en amont, sur les conséquences possibles de leurs résultats.»
Prévention des risques.
La prévention des risques concerne notamment les nanoparticules, s’agissant de leur toxicité et de leur devenir. Des chercheurs français ont décidé d’étudier pendant trois ans la toxicité des nanotubes de carbone, des microscopiques tubes déjà largement présents dans l’industrie. «Echaudés par la découverte bien trop tardive de la toxicité de l’amiante, les chercheurs ont cette fois voulu étudier très en amont les risques éventuels des nanotubes de carbone tant sur la santé que sur l’environnement», indique Emmanuel Flahaut, chercheur au Cnrs et coordinateur de cette étude. Une vingtaine de chercheurs de quatre laboratoires (dont deux du Cnrs à Toulouse, un de l’Inserm à Bordeaux et le laboratoire Macrophages de l’université de Toulouse) y sont associés.
Les nanotubes de carbone, qui se présentent comme des tubes de quelques nanomètres de diamètre, sont déjà présents dans les pneumatiques et sont essayés par les constructeurs automobiles Renault et Peugeot pour renforcer les pièces de carrosserie. Ils seront bientôt présents dans les écrans plats. Ils ont fait leur entrée, pour la première fois, lors du dernier tour de France dans la composition d’un cadre de vélo. Pour Emmanuel Flahaut, le risque de toxicité des nanotubes de carbone pourrait se poser sur le plan de l’inhalation ou du contact dermique. Les analyses porteront sur l’étude de cellules humaines et sur des souris.
En outre, des travaux préliminaires ont commencé il y a un an, dans le domaine environnemental, sur des larves d’amphibiens très sensibles aux polluants. «Le signal d’alarme qu’on essaie de tirer est que, petit à petit, on va mettre en décharge ces produits –un reste de vieux vélo, un écran plat hors d’usage–, et ils risquent de libérer dans la nature des nanotubes de carbone», explique Emmanuel Flahaut. «Sans tirer de conclusions trop hâtives, précise-t-il toutefois , on peut dire que, à ce jour, on n’a pas trouvé de toxicité.»
Mais la gestion des risques ne saurait être limitée aux nanoparticules. Le comité d’éthique du Cnrs souligne les impacts possibles sur les individus ou l’organisation sociale. En somme, suggèrent les membres du comité, l’enjeu est moins de «développer une recherche éthiquement correcte, à travers une série de normes ou d’interdits à respecter dans une pratique tout entière focalisée sur les moyens et les résultats positifs de la recherche, que de développer une vigilance éthique par une série de mesures destinées à encourager la réflexion sur les valeurs et les fins de la recherche».
Essai de définition
Définir le champ de recherches « nanosciences et nanotechnologies » n’est pas chose aisée, affirme le comité d’éthique du Cnrs. Le préfixe « nano » fait référence à une échelle de grandeur : le milliardième de mètre (un nanomètre équivaut à 10 atomes mis côte à côte, c’est mille fois plus petit qu’une cellule. Les nanosciences sont donc l’étude des objets nanométriques qui ont la particularité de posséder des propriétés différentes de celles observées à plus grande échelle. L’origine du terme est attribuée à Richard Freynman, prix Nobel de physique en 1965 qui lors d’un congrès annuel de l’American Physical Society (1959) évoque l’idée nouvelle que les principes de la physique pourraient permettre à l’homme de manipuler la matière à l’échelle nanométrique. Les nanosciences et les nanotechnologies traversent l’organisation actuelle de la recherche, au carrefour de la chimie, la physique, la biologie, la science de l’information ou la science des matériaux. Les nanotechnologies sont à la fois les outils qui permettent de comprendre les phénomènes, mais aussi les applications issues des nanosciences. Les retombées potentielles couvrent plusieurs domaines, la santé, l’environnement, l’information...
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