«LE CRIME du XXIesiècle.» C'est ainsi que les douaniers qualifient aujourd'hui le marché de la contrefaçon. Et c'est même d'un double crime dont il s'agit lorsqu'il concerne le monde du médicament. Car au délit commercial qui touche la propriété industrielle s'ajoute souvent celui, bien plus grave, qui porte atteinte à la santé publique. C'est de ce trafic-là dont il sera question ce soir dans le long reportage intitulé « Les nouveaux visages de la contrebande ».
Les journalistes ont suivi heure par heure les opérations d'une équipe de la douane judiciaire basée à Vincennes (Val-de-Marne). «Une dizaine d'affaires de faux médicaments sont actuellement traitées par nos services, dont deux tiers en région parisienne», témoigne Bruno Dalles, le patron du SNDJ (Service national de douane judiciaire). De fait, c'est à Belleville que les douaniers mènent la traque depuis des mois. Et leur patience se révèle gagnante. Au cours d'une impressionnante perquisition suivie par les caméras de France 2, les dix hommes du SNDJ découvrent chez un herboriste chinois, derrière la porte d'un local à ordures, un énorme stock de médicaments contrefaits (corticoïdes, contraceptifs, antalgiques, anticancéreux, antibiotiques, pilules du lendemain…).
«Même si elles étaient d'authentiques médicaments, ces spécialités fabriquées en Chine sont interdites à la vente en France car elles ne sont pas distribuées par une officine de pharmacie», rappelle l'un des enquêteurs, en montrant la boîte d'un anti-inflammatoire, l'aminopyrine, molécule, elle, totalement interdite en France. «Importation de marchandise prohibée, c'est dix ans ferme!», indique-t-il au « gérant » de la pharmacie clandestine.
Cinq autres « points de vente » organisés en réseau seront mis au jour. Plus de 6 000 boîtes de médicaments seront ce jour-là saisies par la douane judiciaire. Une belle prise qui vient gonfler le nombre des saisies du même type réalisées en 2008. En 2007, près de 800 000 boîtes avaient été soustraites par les douanes françaises au commerce illégal, un tiers de plus qu'en 2006.
L'essentiel des importations occultes viennent de Chine ; quant à la revente, elle est réalisée sous le manteau dans la communauté chinoise, mais pas seulement, souligne Bruno Dalles, qui révèle que ces ventes concernent de plus en plus des populations marginalisées qui n'ont plus accès aux pharmacies.
Dangereuses impuretés.
Pour limiter les effets désastreux du trafic de médicaments, le groupe sanofi-aventis a trouvé la parade. Il s'est doté à Tours d'un laboratoire central anticontrefaçon (LCAC), le premier du genre en Europe (« le Quotidien » du 9 septembre). Une contrefaçon du Plavix, produit phare du laboratoire, est suivie pas à pas par les journalistes, depuis la commande sur le Net jusqu'au laboratoire de Tours. Si le prix est effectivement divisé par trois, le nombre des impuretés présentes dans la contrefaçon sont multipliées par un facteur bien plus important. «Des impuretés qui sont susceptibles d'entraîner chez le consommateur des allergies, des complications rénales, voire, en l'absence totale de principe actif, de procurer une protection inefficace et d'entraîner indirectement la mort», explique Jacques Franquet. Et l'ancien préfet et directeur central de la police judiciaire, auquel a été confiée la direction de la nouvelle unité, de prévenir : «Nous ne nous priverons pas d'alerter sur ce type de contrefaçon, tant pis si le message a des conséquences sur l'image de la marque, nous irons jusqu'au bout de notre démarche.»
Média détonateur de ce nouveau trafic, le réseau Internet en est aussi la vitrine. Au SNDJ, pour les besoins du reportage, on a ainsi suivi le parcours sinueux d'une commande passée à Paris. «La commande réalisée en France transite par l'Afrique du Sud, elle sera traitée en Amérique latine, les produits arriveront de Chine après avoir été reconditionnés au Canada. L'argent de la transaction sera, lui, encaissé dans un paradis fiscal.»
* Jeudi 2 octobre à 20 h 55 sur France 2.
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