La situation était conflictuelle. Chez les femmes enceintes, ayant une vaginite bactérienne ou une flore anormale, les divers traitements n'avaient pas montré d'action préventive sur les fausses couches ou les accouchements prématurés. Augustin Ugwumadu et coll. (Londres) en analysant les études leur ont trouvé des faiblesses : traitements tardifs ou locaux, faibles effectifs ou métronidazole uniquement. Ils ont donc formulé une hypothèse et l'ont testée : un traitement précoce par clindamycine orale devrait réduire l'incidence de ces pathologies. Leur travail mené auprès de 485 femmes suivies entre novembre 1996 et février 1999 leur donne raison.
En pratique, 6 120 femmes enceintes ont été dépistées dans deux maternités londoniennes, entre 12 et 22 semaines de grossesse (15,6, en moyenne). Une recherche de vaginite bactérienne ou d'anomalie de la flore vaginale a été effectuée, puis classée selon les critères de Nugent. Parmi ces patientes, 494 ont été considérées comme positives. Un traitement par clindamycine (300 mg deux fois par jour, 5 jours) a été proposé à 244 d'entre elles ; les 241 autres ont reçu un placebo. L'analyse a été faite en intention de traiter.
Sur les 485 patientes qui ont pu être suivies, l'effet bénéfique du traitement est significatif. Parmi celles sous clindamycine, les auteurs ont relevé 13 fausses couches ou accouchements prématurés, contre 38 dans le groupe placebo. Soit une différence de 10,4 %.
Comme ce travail semble être le premier à parvenir à une telle conclusion, les Britanniques avancent des explications. Puisque la vaginite bactérienne est associée à une endométrite infraclinique, la menace pour la grossesse risque d'exister dès le tout début, voire avant la nidation. Le traitement antibiotique précoce peut donc fournir les meilleures chances d'éviter ces complications. De plus, la clindamycine orale, outre une action anti-inflammatoire, présente l'avantage d'une efficacité sur les mycoplasmes atypiques et les mobiluncus. A noter que ces derniers sont responsables du plus mauvais score de Nugent (10), et que le bénéfice thérapeutique y est le meilleur dans ce cas.
La surprise, désagréable, vient d'une légère surincidence de prééclampsies chez les femmes traitées (5 cas, contre 2 sous placebo). Inexpliquée, puisque la clindamycine n'est pas connue pour favoriser cette pathologie.
Les auteurs reconnaissent deux limites à leur travail, dont ils s'empressent de dire qu'elles n'influent pas sur sa validité. Tout d'abord, les données sur les ruptures prématurées des membranes avant terme n'ont pas été analysées. En outre, la randomisation n'a pas réparti de façon harmonieuse les femmes aux antécédents de fausse couche, elles étaient plus nombreuses dans le groupe placebo.
Reste à déterminer le moment optimal pour dépister et traiter la vaginite ou l'anomalie de la flore vaginale. « Ce pourrait bien être avant la grossesse », concluent les médecins britanniques.
« Lancet », vol. 361, 22 mars 2003, pp. 983-988.
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