Farabeuf : il n'y a pas que l'écarteur

Eponymes

Louis-Hubert Farabeuf (1841-1910) n'est pour ainsi dire jamais entré dans une salle d'opération. Pourtant, il a eu une très grande influence sur le perfectionnement de la technique opératoire et a tracé la route à de nombreuses générations de chirurgiens.

La grande œuvre de sa vie fut de réorganiser les études anatomiques car, avant lui, l'absence d'organisation de cet enseignement touchait au scandale. Il a fallu la ténacité, l'énergie et le feu sacré de cet homme pour le structurer. Il a défini les aspects matériels impératifs à cet enseignement : obtenir des cadavres en plus grand nombre, les conserver dans des dépôts adaptés, équiper les pavillons de dissection de vestiaires, de lavabos à eau chaude, y adjoindre des estrades et tableaux noirs pour les leçons, des pièces anatomiques dans les vitrines et des planches sur les murs. Cette nouvelle infrastructure sera couplée à une véritable démarche d'enseignement de l'anatomie. Les élèves commencent par l'étude du squelette humain. On leur enseigne ensuite l'anatomie des membres (muscles, articulations, vaisseaux et nerfs). Ce n'est que dans un troisième temps que les étudiants étudieront les régions plus difficiles (la tête, les viscères).

Un admirable dessinateur

A côté de l'organisation de cette Ecole Pratique, Louis-Hubert Farabeuf n'a jamais cessé de poursuivre ses travaux anatomiques. Il disséquait admirablement et fut un professeur sans pareil. Par des comparaisons originales, des expressions pittoresques, des trouvailles inattendues, il gravait dans l'esprit des auditeurs ce qu'il voulait leur apprendre. Il dessinait admirablement et ses démonstrations s'éclairaient encore d'une foule de dessins d'une exactitude irréprochable. Il a dessiné plus de 200 planches pour rendre cet enseignement plus objectif.
C'est ainsi qu'il enseignait l'anatomie et cela est aussi vrai pour l'enseignement de la médecine opératoire qu'il a créé de toutes pièces et pour lequel il a écrit un « Précis de manuel opératoire ». Car, pour lui, l'anatomie humaine n'était pas seulement une science morphologique. C'était l'introduction à une partie de la physiologie, de la médecine et de la chirurgie. Dans son manuel, il guide la main et l'instrument du commencement à la fin de chaque opération. Et, selon un de ses élèves, Jean-Louis Faure « l'œuvre de Farabeuf doit une partie de sa valeur, non seulement à la précision des détails qui relient les déterminations opératoires aux dispositions anatomiques mais à l'exactitude et à l'incomparable effet démonstratif qu'il illustre à chaque page. Ces dessins sont le résultat d'études approfondies et de dissections multiples permettant d'obtenir une vérité anatomique ».

Charrière, ouvrier de génie

Farabeuf a inventé de nombreux d'instruments construits par son ami Joseph-Frédéric Charrière (1803-1876). Ouvrier de génie, ce dernier fréquentait les cliniques et les amphithéâtres, faisait - de ses mains et à ses frais - essai sur essai pour réaliser ses conceptions ou celles des autres. Le soir, sa journée de travail terminée dans son atelier de coutellerie et une fois la boutique fermée, l'infatigable artisan forgeait toutes les pièces utiles aux interventions chirurgicales. Son génie fut de substituer l'acier au fer qui rendait les instruments très pesants, sans ressort, ni rigidité. On comprend qu'avec la collaboration d'un tel artisan, Farabeuf qui connaissait toutes les techniques opératoires et tous les gestes, utiles, dangereux ou superflus des chirurgiens, ait pu rénover l'arsenal des instruments chirurgicaux. La liste est très longue et l'écarteur n'en est que le plus célèbre.

Références : Jean-Louis Faure : éloge de Farabeuf prononcé le 16 janvier 1924 à la Société de chirurgie de Paris. Marie-Laure du Sorbières de la Tourrasse : Farabeuf , thèse de médecine, Paris-Cochin 1971 n°78.
Le précis de manuel opératoire de L.-H. Farabeuf est en vente à la Librairie la 42e ligne (quatrième édition augmentée de 150 pages et de 112 figures).