LA TRÈS BONNE nouvelle est le retour d'Angelin Preljocaj au narratif qui marqua ses débuts de grand chorégraphe avec des chefs d'oeuvre comme « l'Anoure » (1995) et « Roméo et Juliette » (1990). Sa création 2008, présentée en première mondiale à la Maison de la danse, aura été l'événement de cette édition du vingt-cinquième anniversaire de la Biennale de la danse à Lyon.
Il revient aux sources mêmes de ce conte passé à l'état de mythe, même et surtout si sa lecture s'est faite au prisme de celle du psychanalyste autrichien Bruno Bettelheim, qui en a souligné le caractère éminemment oedipien. Quand s'ouvre dans une semi-pénombre cette pièce pour vingt-six danseurs qui dure près de deux heures, on est au plus près de la fable et de son extraordinaire concision : « Un jour, c'était au beau milieu de l'hiver et les flocons de neige tombaient du ciel comme un duvet, une reine était assise auprès d'une fenêtre encastrée d'ébène noir, et cousait ».
Preljocaj donne à voir et introduit dans le fil de l'histoire de rares modifications pour la rendre plus lisible par le biais de la danse et touche avec une précision chirurgicale à des sujets d'aussi brûlante actualité que la préoccupation de vivre toujours plus longtemps, toujours plus beau, ainsi que la rivalité compétitive entre parents et enfants, aujourd'hui sans cesse rendue plus forte dans les nouveaux schémas familiaux émergents.
Ces contes, issus d'un patrimoine populaire et archaïque, ont étés colligés par les premiers romantiques germaniques comme von Arnim ou Grimm, lesquels ont inspiré le romantisme tardif des premières symphonies de Gustav Mahler, créateur d'espaces sonores infinis, évocateur idéal de forêts profondes. Ainsi s'est imposé le choix musical, rehaussé d'un soupçon de musique électronique, pour le plus grand bonheur d'une chorégraphie qui respire le bonheur de danser et de raconter.
Des costumes et un décor spectaculaires.
Le récit s'appuie sur quelques images fortes, dans lesquelles entre en scène Jean Paul Gaultier. Il a imaginé quelques costumes forts en signifiant fantasmatique, comme la robe de Blanche Neige, dont un pan ramené en arrière qui lui donne un aspect d'enfant langé, souligne l'état initiatique qu'elle vit dans le conte. La marâtre reine est spectaculaire en femme dominatrice où prédomine le très sexuel rouge avec deux cat women noires rampantes à son service.
Le décor de Thierry Leproust est spectaculaire et réserve quelques surprises de taille. Et le travail de Preljocaj est proprement stupéfiant, tant sur le plan des idées chorégraphiques que de leur réalisation technique. Le duo entre Blanche Neige et son salvateur prince sur l'Adagietto pour cordes et harpe de la Cinquième, un moment de pure grâce en apesanteur.
Et, puisque c'est elle qui est au centre de ce conflit oedipien qui se résout pour le mieux à son grand désavantage, Preljocaj réserve à la méchante reine, magistralement interprétée par Céline Gali, les scènes les plus spectaculaires. Les interrogations au miroir, quasi-cinématographiques, un solo d'une sensualité bestiale, le duo de la pomme empoisonnée et la scène finale de la mort dans des mules d'acier chauffées sur des charbons ardents (image fort peu anodine dans l'imaginaire d'un danseur), sont les clous d'un spectacle dont la plus grande vertu est d'embarquer le spectateur de la première image jusqu'à ce dénouement heureux dans un voyage à la fois magnifique pour les sens et initiatique pour l'esprit.
Théâtre de Chaillot (01.53.65.30.00 et www.theatre-chaillot.fr) du 10 au 25 octobre. Tournée en France : Rouen (30-31. 10), Saint-Quentin en Yvelines (6 au 9. 11), Aix-en-Provence (12 au 16.11), Arcachon (6-7.12), Sceaux (11 au 14.11), Montpellier (17-18.12), Grenoble (7 au 9.1), Dijon (15-16.1), Annecy (20-21.1), Valence (24-25.1), Créteil (29.1 au 1er.2), Maubeuge (5-6.2), Blagnac (27.2 au 1er.3), Metz (6-7.3), Clermont-Ferrand (11 au 13.3), Caen (16 au 20.12).
La Biennale 2008
La 13e édition de la Biennale de la danse de Lyon avec ses 165 représentations et plus de 84 000 spectateurs dans les salles aura été riche en événements avec des spectacles forts comme le « Gershwin » de la compagnie Montalvo-Hervieu, coproduction avec le CNN de Créteil, la reprise de « Blue Lady » de Carolyn Carlson par le danseur-chorégraphe finlandais Tero Saarinen et la création 2008 du même « Next of Kin », la reprise des « Petites Pièces de Berlin » de Bagouet que l'on pourra voir dans la saison du CNN Ballet de Lorraine à Nancy.
On a pu voir, outre une création à l'opéra de Lyon de la danse érotique d'Abou Lagraa (« D'Eux Sens », duo), les débuts absolus en France de la danseuse de flamenco moderne Rafaela Carrasco au théâtre de La Croix -Rousse. Avec son partenaire Daniel Doña, quatre musiciens et deux extraordinaires chanteurs, elle a montré « Del amor y outras cosas », pièce qui raconte par les moyens du flamenco, danse et chant, une histoire très prenante. Les événements en plein air comme le cours de danses latines place des Terreaux et le traditionnel défilé de rue ont montré la succès croissant de la face la plus populaire et festive de la Biennale.
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