EN FRANCE, AU COURS de l'année dernière, 168 personnes vivant en couple sont décédées, dont 137 femmes, sous les coups de l'un des deux conjoints. Une femme meurt toutes les soixante-douze heures et un homme tous les treize jours. Sur les 29 femmes ayant donné la mort, quinze étaient violentées par leur partenaire. Les scènes ayant lieu dans le cadre familial, onze enfants, âgés de un à douze ans, ont été également victimes des violences mortelles exercées par l'homme, et quatorze mères ont été tuées en présence de leur fille ou de leur fils. En incluant les suicides de 48 bourreaux et les homicides de tiers, le bilan s'élève à 228 décès, rapportent les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie.
Ce sont les couples mariés qui ont le plus de morts, 78 sur 168, contre 66 chez les concubins et 24 parmi les séparés ou les divorcés. La séparation apparaît toujours comme une cause principale du passage à l'acte, et donc une période à risque, avec 64 cas. Viennent ensuite la dispute (56), la jalousie (29) et la dépression (17).
Hors du couple, les homicides de femmes par l'amant, le petit ami ou l'ex- sont au nombre de 11, et de 5 pour les hommes par des concubines jalouses. L'alcool joue un rôle dans un quart des faits.
En ce qui concerne les tueurs, la tranche d'âge 40-50 ans est la plus exposée avec 52 actes, et 27 % n'ont pas la nationalité française. Quant aux victimes, les 30-50 ans (80) sont les plus touchées, parmi lesquelles 15 étrangères. D'autre part, dans 82 couples affectés par une mort violente, les deux conjoints sont sans emploi. Sinon, la profession la plus fréquente est celle des employés, avec 28 meurtriers et 40 tuées. Enfin, l'arme blanche est utilisée dans 58 meur-tres et l'arme à feu dans 52. La violence dans le couple intervient pour un septième dans les homicides commis sur le plan national, hors suicides et morts d'enfants. La petite et grande couronne parisienne et le Nord - Pas-de-Calais sont les territoires les plus durement touchés. La Seine-Saint-Denis et les Yvelines comptent respectivement huit et sept décès, le Nord et le Pas-de-Calais chacun sept, suivis par le Var avec six, la Gironde cinq, la Haute-Garonne cinq, et le Bas-Rhin cinq.
Par rapport aux autres pays européens, la France a 2,7 tués par million d'habitants, devant l'Angleterre (2,1), l'Italie (1,7) et l'Espagne (1,5), alors que les Pays-Bas caracolent en tête avec un taux de 9,3, devant la Norvège (6,5), le Danemark (5,3) et la Suède (4,5).
Une campagne nationale.
Ce fléau a incité le ministère délégué à la Cohésion sociale et à la Parité à lancer une campagne nationale d'information sur le nouveau service téléphonique unique destiné aux victimes et témoins de violences conjugales : le 39.19 (prix d'une communication locale). Géré par la fédération nationale Solidarité Femmes, ce numéro garantit une qualité de la réponse uniforme sur tout le territoire, avec une écoute professionnelle, anonyme et personnalisée, et, le cas échéant, une orientation adaptée à des horaires* répondant au mieux aux besoins des femmes victimes de violences. Un film choc sera diffusé du 17 mars au 7 avril, notamment sur TF1, France 2, France 3, Canal+, Arte et M6. Sur un paysage marin apaisant, une voix féminine dit : «Mon mari m'a battue et humiliée pendant dix ans. Il m'a cassé plusieurs fois le nez, les côtes, les dents... Mais depuis quinze jours, c'est enfin terminé»; la caméra recule alors et montre une tombe. «En France, tous les trois jours, une femme meurt. Parlez-en avant de ne plus pouvoir le faire: appelez le 39.19», indique une autre voix.
Outre ce spot, une affiche sera placardée sur les murs et un dépliant énumère de manière exhaustive les démarches à entreprendre, les recours possibles et les coordonnées utiles pour les victimes, les proches et les témoins de violences conjugales. «Il est important de faire constater par un médecin généraliste», ou par le praticien d'une unité médico-judiciaire avec réquisition d'un officier de police judiciaire, voire au service des urgences, «les violences subies, à la fois physiques et psychologiques. Le certificat médical est un élément de preuve utile dans le cadre d'une procédure judiciaire, même si celle-ci a lieu plusieurs mois après. Il décrit, au besoin à l'aide de schéma et si possible avec des photos à l'appui, toutes les lésions, leurs conséquences physiques et psychiques et les traitements recommandés. Il comporte un résumé de l'agression racontée par la victime. En fonction de la gravité des faits, il peut être accompagné d'une évaluation de l'incapacité totale de travail (ITT) , que la victime exerce ou non une activité professionnelle. L'évaluation de l'ITT doit traduire l'origine et la durée des incapacités consécutives aux traumatismes subis. Elle a une incidence sur la qualification juridique des faits et la peine encourue».
* Ouvert du lundi au samedi de 8 heures à 22 heures et les jours fériés de 10 heures à 20 heures.
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