L A FAO, organisme mondial de lutte contre la faim, projetait de tenir congrès à Rome, ville où elle a son siège. Quoi de plus légitime ? Sauf que le gouvernement italien, durement éprouvé par la réunion du G7 à Gênes et par des émeutes qui ont saccagé son centre historique, ne souhaite pas renouveler une expérience extrêmement coûteuse.
Il a donc demandé à la FAO de tenir sa réunion ailleurs. Elle cherche un endroit assez abrité ou lointain pour décourager les casseurs qui, à la faveur des manifestations organisées par les antimondialistes, se livrent à la destruction et au pillage.
Une distinction
La conférence de Gênes a beaucoup fait réfléchir les amateurs de grands-messes internationales. Tout d'abord, avec une mansuétude remarquable, les chefs d'Etat et de gouvernement ont établi une distinction claire entre manifestants et émeutiers et se sont tous efforcés d'exprimer leur compréhension pour les masses populaires hostiles aux effets pervers de la mondialisation.
Ensuite, un certain nombre de gouvernements ont admis que le G7, imaginé en 1975 par Valéry Giscard d'Estaing pour coordonner les politiques économiques des pays les plus puissants, est devenu, d'année en année, une sorte de vitrine étincelante de la prospérité des pays les plus riches, ce qui peut être embarrassant quand on songe à la misère du monde, et où le pays hôte cherche à impressionner ses invités par un faste exceptionnel, ce qui n'est pas non plus du meilleur goût.
On pense donc à renvoyer le G7 à sa vocation première, qui consistait en une sorte de séance de travail extrêmement sérieuse et dépourvue d'apparat. Il reste à trouver un lieu à l'abri des casseurs ; et on a déjà pensé à des régions particulièrement éloignées mais peu propices au confort des invités, comme le grand nord du Canada ou, pourquoi pas, l'Arctique. Ce qui mettrait à l'épreuve la passion dévastatrice des antimondialistes. Peut-être renonceraient-ils alors à aller chercher les participants dans ces lieux au climat peu tempéré.
La solution de l'excentrisme géographique serait néanmoins difficilement applicable aux sommets européens qui n'ont aucune légitimité pour être tenus au pôle Nord ou en Terre de Feu et pour toutes les autres réunions internationales que les antimondialistes ont inscrites à leur répertoire.
C'est pourquoi il est temps de se poser une question, tout à fait fondamentale, sur la nécessité de ces conférences. Pourquoi ne pas y renoncer ? On ne nous a jamais prouvé qu'elles avaient une influence décisive sur les relations internationales, ou sur le sort des plus démunis, où sur la prospérité des pays industriels. Même les Européens pourraient se contenter de téléconférences. Et s'il est vrai que des contacts par téléphone sont nécessairement réservés à un petit nombre, on n'a pas prouvé davantage que plus il y a de délégués, plus les résultats de la réunion sont convaincants. Il nous semble en tout cas que les moyens de communication sont désormais tellement perfectionnés que l'abolition des conférences où les pays sont physiquement représentés par de fortes délégations devient envisageable.
Car on perçoit aussitôt les avantages de ce renoncement : d'abord des économies non négligeables en billets d'avion, chambres d'hôtel et plats gastronomiques ; ensuite, le gel de toutes les actions antimondialistes, avec ou sans violence ; enfin la certitude que le cur des grandes villes sera préservé, pour la grande satisfaction de ses habitants. Les Génois ne se sont pas encore remis d'une gêne qui leur a été infligée sans qu'ils fussent un tant soit peu concernés par les thèmes du G7.
Comme la pluie
Et on éviterait non seulement les exactions commises par les voyous, mais tous les risques politiques liés à bon nombre de réunions internationales et dont le triste congrès mondial de Durban vient de nous donner l'éclatant exemple, en désignant comme raciste le peuple qui, dans l'histoire, a le plus souffert du racisme.
Certes, les sommets européens ou le G7 ne tomberont jamais dans un tel travers, mais on s'y querelle énormément et il s'y crée de faux suspenses au cours desquels tout semble perdu, l'unité européenne ou une résolution en faveur des pays en développement, jusqu'à ce que, par miracle et au bout d'une nuit de négociations, l'essentiel soit sauvé, mais à quel prix.
Mais qui, des peuples du G7 ou de l'Europe, a vraiment besoin de ce spectacle souvent dérisoire et parfois indigne ? Le plus important sera de priver les casseurs de leur os à ronger. Ils n'iront plus démolir le centre des grandes villes, et leur frustration sera immense.
Bien entendu, la plupart d'entre eux crieront victoire et se flatteront publiquement d'avoir mis un terme aux agissements mondialistes des gouvernements. Ils ne savent pas que la mondialisation est comme la pluie ; c'est un phénomène naturel, un mouvement qui dépasse les Etats. On peut toujours trouver désagréable que la pluie mouille, mais on ne peut pas l'empêcher.
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