LE CONGRES international sur les traitements du cancer et ses cibles moléculaires qui se tient à Philadelphie apporte son lot de nouveautés. Avec une originalité : rien de neuf dans ces nouveautés. Plus exactement, plusieurs équipes mettent au goût des jour des molécules déjà connues dans une nouvelle indication ou en association à des thérapeutiques anticancéreuses. Cinq principes actifs ont été ainsi présentés.
• Dans le cancer de la prostate, le thalidomide fournit une nouvelle option thérapeutique. Il permet surtout d'éviter le recours aux antiandrogènes avec leurs effets collatéraux. L'équipe de Robert J. Amato (Houston, Texas) l'a associé à un facteur de croissance le GM-CSF (facteur de croissance des colonies de granulocytes macrophages).
Un essai de phase II a été mené auprès de 7 sujets ayant eu une prostatectomie radicale, 6 une irradiation simple et 5 les deux traitements. Ces patients naïfs de traitement médicamenteux ont reçu 3 doses par semaine de GM-CSF et le thalidomide en une prise quotidienne. Le taux de PSA a été évalué toutes les six semaines. Grâce au traitement, il s'est abaissé d'au moins 26 % chez tous les patients, avec une réponse médiane de 59 %.
Le thalidomide est un polyphényl susceptible d'inhiber l'angiogenèse (ce qui expliquerait en partie sa toxicité fœtale). Il se montre en plus capable de majorer la réponse immune. Deux façons de compléter l'action du GM-CSF, cytokine qui favorise la production de cellules présentatrices d'antigènes, telles que les cellules dendritiques.
• Dans le cancer du pancréas, un insecticide et ses dérivés ont intéressé l'équipe d'Antonio Jimeno (Johns Hopkins). La benzoylphénylurée (BPU) a été conçue comme insecticide. Deux de ses dérivés, BPU-410 et 430, ont montré, chez l'animal une aptitude à inhiber d'environ 40 % les greffes de tumeurs pancréatiques humaines. Ils freinent la viabilité cellulaire et l'aptitude à établir des colonies, in vitro.
L'efficacité de ces deux insecticides a été liée, au cours des essais, à la capacité des cellules à exprimer de la protéine MAPT (protéine tau associée aux microtubules). Les cellules pancréatiques saines étaient indifférentes à la présence de BPU pour exprimer la protéines MAPT. En revanche, la croissance de celles issues de tumeur pancréatique était la plus inhibée par les BPU 410 et 430 lorsqu'elles exprimaient les taux les plus bas de MAPT.
L'efficacité thérapeutique, chez l'humain, ne peut être envisagée que dans le sous-groupe de patients dont le niveau d'expression de MAPT sera établi sur un profil protéomique.
• Une substance extraite des graines de coton pourrait être utilisée comme adjuvant thérapeutique dans les cancers de la tête et du cou. La forme lévogyre du gossypol, un polyphénol nommé (-)-gossypol, peut inhiber la croissance cellulaire des carcinomes à cellules squameuses, résistants au cisplatine. La molécule restaure l'activité de l'anticancéreux.
Il faut savoir que ces cellules cancéreuses résistantes surexpriment une molécule, Bcl-xL. Elle-même capable d'interférer sur la liaison entre le cisplatine et l'ADN tumoral, de perturber les mécanismes de réparation cellulaire et d'induire la mort cellulaire. En pratique, Bcl-xL aide les cellules à survivre alors qu'elles devraient disparaître.
L'équipe de Joshua Bauer (Michigan) a pu montrer que le cisplatine suivi du (-)-gossypol a détruit 70 % de ces cellules tumorales de la tête et du cou résistantes. Le cisplatine seul arrivait à 7 %, le (-)-gossypol à 30-40 %. La même association (quel que soit l'ordre) appliquée à des cellules non résistantes arrive à une destruction de 90 % (70 % pour le cisplatine isolément).
• L'arsenic aussi est ressorti des placards, sous sa forme organique. Son cousin inorganique, le trioxyde, étant bien plus toxique. La molécule testée par l'équipe de Luis H. Camacho (Houston), le ZIO-101, est huit fois plus apte à pénétrer dans les cellules et montre une activité anticancéreuse de 100 à 400 fois supérieure à celle du trioxyde. Sans en avoir les conséquences cardiaques. Le ZIO-101 semble efficace au cours des leucémies et contre d'autres cancers communs.
Dans l'essai mené par l'équipe américaine, il a agit en activant les voies de l'apoptose cellulaire. Il fonctionne également en inhibant la croissance par blocage des mitoses.
• La dernière fausse nouveauté, c'est la chloroquine et ses cousins. Craig Thompson et coll (Pennsylvanie) ont constaté qu'ils agissent sur les cellules cancéreuses qui pratiquent l'autophagie. Il s'agit pour ces cellules de se nourrir d'une partie d'elles-mêmes qu'elles ont séquestré afin de participer aux grandes dépenses énergétiques nécessaires à leurs croissance et prolifération. Ce sacrifice fournit un substrat aux mitochondries convertible en ATP. L'autophagie s'accompagne d'un stress oxydatif facteur de mutations génétiques, elles-mêmes cancérogènes. Par chance, ces cellules sont extrêmement sensibles aux drogues inhibant l'autophagie.
De nouvelles voies dans les anticancéreux
Faire du neuf avec de l'ancien
Publié le 17/11/2005
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> Dr GUY BENZADON
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7845
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