DEPUIS 2005, l'AFSSET a été saisie à trois reprises par les ministères de l'Écologie, de la Santé et du Travail sur les nanomatériaux et leurs effets sur la santé. Pour le directeur général de l'AFSSET, Henri Poinsignon, le fait que l'on associe, «pour la première fois» un développement technologique avec la prévention des risques sanitaires potentiels est en soi «une bonne nouvelle». Le jeu est toutefois bien inégal : comme toujours, face à la rapidité de l'innovation industrielle, la recherche sur les risques (sanitaires et environnementaux) semble faire du sur-place.
Quelque 2 000 nanoparticules manufacturées sont déjà commercialisées et on dénombre leur présence dans plus de 600 produits de consommation (oxyde de titane dans les crèmes solaires, nanoparticules d'argent dans les produits d'hygiène ou les jouets, silice dans les pneus, raquettes de tennis en nanotubes de carbone...). Si les avancées scientifiques des nanomatériaux manufacturés ( «qui sont produits intentionnellement à des fins de recherche ou d'usage industriel») sont largement traitées dans des publications scientifiques, celles concernant les études toxicologiques et écotoxicologiques sont encore peu nombreuses et disparates, même si leur nombre augmente d'année en année. «Cela représente environ 1% de la littérature sur les nanotechnologies», indique Éric Gaffet, directeur de recherche au CNRS et président du groupe d'experts Nanomatériaux et sécurité au travail. Par ailleurs, les études de toxicologie disponibles posent des «problèmes d'exploitabilité» : les nanomatériaux sont très variables dans leur composition chimique, leur taille, la forme et l'état de leur surface, et les toxicités mises en évidence sur l'animal ne sont pas forcément extrapolables à l'homme. Les difficultés posées par la mesure des expositions humaines aux nanoparticules et le manque de recul épidémiologique compliquent encore la tâche.
Inflammations et cancers.
Pour autant, on sait «avec certitude» que certaines nanoparticules inhalées peuvent traverser la paroi des poumons, atteindre la circulation sanguine et les ganglions lymphatiques, puis s'accumuler dans certains organes comme les reins ou le cerveau. Plusieurs expérimentations ont également montré des réactions du mésothélium à certaines nanoparticules. Selon Gérard Lasfargues, professeur de santé au travail au CHU de Tours, ils pourraient causer des inflammations au niveau du coeur, du poumon ou du rein, des fibroses pulmonaires, voire provoquer des effets toxiques sur les gènes, avec des «effets cancérogènes potentiels».
Pour l'AFSSET, le principe de précaution s'impose donc et notamment pour les quelque 10 000 travailleurs les plus exposés, par voie respiratoire mais aussi par voie digestive ou cutanée. «Au vu des incertitudes quant aux effets sanitaires des nanoparticules, il est plus prudent de les déclarer comme niveau de danger inconnu et de les manipuler avec la même prudence que les matières dangereuses», soulignent les experts. L'Agence recommande de renforcer les mesures de prévention «déjà ébauchées par bon nombre d'industriels» et propose la trame d'un guide de bonnes pratiques destiné aux employeurs (voir encadré). Elle rappelle «à nouveau» l'importance d'une meilleure coordination des expertises à l'échelle nationale ainsi que la pertinence de la création d'une base de données recensant les nanomatériaux, les personnels potentiellement exposés et les mesures de protection mises en place. Concernant les risques encourus par les consommateurs, l'AFSSET indique qu'elle présentera de prochaines recommandations à la fin du deuxième trimestre 2009.
Publication consultable sur afsset.fr.
Les principes de la nanosécurité
Mise en place d'une stratégie de sécurité STOP pour Substitution (remplacement de la substance toxique), Technologie (établir une barrière entre l'opérateur et les procédés potentiellement dangereux par l'utilisation de système confinés statiques ou dynamiques), Organisation (réduire les interactions du personnel avec les nanomatériaux), Protection (équipements de protection individuelle et bonnes pratiques).
Signalisation des risques « nano-objets » en fonction de deux niveaux de situation, à faible ou fort risque d'aérolisation ou de dispersion et grâce à un pictogramme de signalisation universel.
Traçabalité et archivage des informations concernant l'exposition résiduelle et les conditions de travail des salariés vis-à-vis du risque « nano-objets » par l'intermédiaire d'une fiche d'exposition individuelle.
Campagnes de mesurages de l'ambiance des locaux ou du personnel pour évaluer l'exposition des opérateurs.
Suivi médical et formation des travailleurs par rapport aux aspects spécifiques des nanomatériaux.
Dispositions de prévention pour le transport au même titre que celui des marchandises dangereuses.
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