Le conseil de l’Ordre a recensé 920 agressions de médecins au cours de l’année 2010. Contre 512 l’an passé. Quant au taux de victimisation, ce dernier a pratiquement doublé depuis l’année 2009, passant de 0,46 à 0,26. « Ces résultats sont extrêmement préoccupants. Il s’agit de la hausse la plus importante depuis le pic de 2007, qui révélait 837 agressions », insiste le président de l’Ordre, le Dr Michel Legmann, qui annonce par ailleurs la signature, ces prochains jours, d’un partenariat avec les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé, afin « de mettre en œuvre des solutions concrètes en faveur de la protection et de la sécurité des médecins » (voir entretien ci-contre).
Certaines d’entre elles reprennent d’ailleurs ce qu’ont déjà mis en œuvre, sur le terrain, des confrères qui exercent en zone urbaine sensible pour répondre aux agressions dont ils ont été victimes. Comme à Vénissieux, Villeneuve-la-Garenne où encore à Stains et Pierrefitte dans le 93 (voir témoignages en page suivante). On relèvera au passage, au regard des données de l’Observatoire, que ce département de Seine-Saint-Denis, reste, pour la quatrième année consécutive, en tête des déclarations d’incidents. Il compte ainsi 79 des 920 déclarations recensées cette année (contre 54 des 512 déclarations en 2009). À ce funeste « hit-parade » des départements, le Nord vient cette année se placer en deuxième place, avec un pic de sinistralité important (70 déclarations en 2010 contre 22 en 2009), suivi ensuite par le Val-d’Oise (49 déclarations), l’Isère (39), le Val-de-Marne (35 déclarations) et le Rhône (34 déclarations).
Premiers touchés, les généralistes
Autre information que livre l’institution ordinale – sans surprise celle-ci – cette année encore, ce sont les médecins généralistes qui sont les premières victimes de cette montée en puissance des actes de violence. Ils représentent en effet à eux seuls 62 % des médecins agressés, une proportion qui est stable depuis trois ans.« Un résultat lourd de sens lorsque l’on sait que la population des généralistes compte pour la moitié des médecins », relève le conseil de l’Ordre. Et qui pourrait, à moyen terme, avoir des « conséquences négatives sur l’installation des médecins en secteur libéral et au sein des territoires sensibles, au détriment de l’accès aux soins des patients ». L’Ordre n’est manifestement pas le seul à avoir cet avis, puisque son président rencontrait, en milieu de semaine, les édiles de l’association des maires de France pour discuter, entre autres sujets, de solutions pour répondre à cet autre visage de la désertification médicale.
Reste que cette année encore, le milieu urbain en centre-ville reste le terrain le plus propice aux agressions. Ce secteur draine, en effet, exactement une déclaration sur deux (contre 45 % l’an passé). La banlieue, souvent décriée, observe quant à elle une baisse du nombre de déclarations d’incidents, passant ainsi de 33 % en 2009 à 31 % en 2010. Tandis qu’avec 16 % de déclarations, le milieu rural reste stable et ne connaît aucune évolution depuis les précédents résultats.
Un pourcentage croissant de femmes
L’une des grandes nouveautés de ces statistiques concerne, en revanche, l’évolution du profil des victimes. En effet, les chiffres indiquent une augmentation du nombre de femmes victimes d’agressions : 37 % en 2009 et, désormais, 43 % en 2010. Certes, les médecins hommes restent, cette année encore, davantage victimes d’agression (57 %). Mais la proportion de femmes parmi les médecins agressés dépasse désormais la part qu’elles représentent dans le milieu médical libéral…
D’autres enseignements que révèlent les résultats de l’Observatoire sont néanmoins plus rassurants. Tout d’abord le premier caractère de sinistralité, bien qu’en hausse, (63 % en 2010 contre 57 % en 2009), concerne toujours les agressions verbales. Ces dernières viennent le plus souvent des patients eux-mêmes et il existe des solutions pour y répondre (lire page 21). Ensuite, le nombre des agressions physiques est en diminution (13 % en 2010 contre 16 % en 2009). Malgré tout, les vols et tentatives de vol représentent toujours un quart des déclarations.
Des procédures à revoir
Un état de fait qui n’a, semble-t-il, pas eu grande influence sur le comportement des victimes. Ainsi que le reconnaît le Dr Michel Legmann, le fait de déclarer une agression « n’est pas encore véritablement rentré dans la culture des médecins ». En effet, malgré un léger mieux, le taux de plainte n’a progressé que de trois points par rapport à l’an passé (38 % contre 35 %). La faute à la lenteur des procédures entre le moment du dépôt et la suite qui en est donnée.
En tout cas, le Dr Bernard Le Douarin, coordonateur de l’Observatoire pour la sécurité des médecins veut croire que les prochaines mesures que prendront les pouvoirs publics lèveront
cet obstacle. Et que la coordination entre les Ordres, via le CLIO (Comité de Liaison Inter-Ordinal), en matière d’incitations à la déclaration des plaintes pour l’ensemble des professionnels de santé, victimes « d’incidents », quels qu’ils soient, portera ses fruits. Notamment auprès des médecins libéraux. En effet, au regard des informations apportées par l’étude du conseil de l’Ordre, la médecine de ville est bien la première visée: 67?% des agressions se passent dans un cabinet libéral contre 22 % dans un établissement de soins.
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