QU’EST-CE QUI SÉPARE, en matière de politique de santé, les trois candidats à l’investiture socialiste à l’élection présidentielle du printemps prochain ? Les adhérents et les militants du PS, qui votent aujourd’hui pour désigner leur champion ou leur championne et qui retourneront aux urnes la semaine prochaine si aucun n’atteint ce jeudi la majorité absolue, ne fonderont sans doute pas leur choix sur ce thème de campagne qui n’a d’ailleurs guère été évoqué, sauf au cours de leur premier débat télévisé (« le Quotidien » du 20 octobre).
Néanmoins, les discours des uns et des autres ne sont pas superposables.
«Dominique Strauss-Kahn est celui qui a abordé le plus souvent et avec le plus de clarté, de détermination, les problèmes de santé, attaque d’entrée son porte-parole en ce domaine, le Dr Jean-Marie Le Guen. Il s’est prononcé avec beaucoup de force pour la mise en place d’une réelle politique de santé publique, avec des plans et des objectifs précis, dans le domaine de l’alimentation, des personnes âgées, de la santé au travail, de la prévention notamment.» Pour ce supporter sans failles, «DSK a une approche différente des problèmes de santé, car, s’il estime qu’il faut combattre toutes les inégalités dans ce domaine, il n’hésite pas non plus à affirmer que les dépenses de santé sont un moteur de croissance pour l’économie et donc pour l’emploi».
Pour le Dr Claude Pigement, délégué national en charge de la Santé et de l’Assurance-maladie au PS, qui s’exprime ici en son nom propre, et soutient Ségolène Royal, «la politique de la candidate en matière de santé s’inscrit dans le cadre du projet socialiste». C’est dans cet esprit « qu’elle s’engage à réduire les inégalités en matière de santé, qu’il s’agisse d’inégalités géographiques, d’inégalités sociales, d’inégalités dans l’accès aux soins». Autre priorité, insiste Claude Pigement – qui rappelle qu’il a déjà travaillé sur ces thèmes avec Ségolène Royal lorsqu’elle était conseillère sociale à l’Elysée sous la première présidence de François Mitterrand –, la remise à plat de la réforme de l’assurance-maladie, «afin que le malade et assuré ne soit plus le seul à êtretouché par les mesures décidées par le gouvernement».
Le problème de la démographie médicale.
Dans cet esprit, «il faudra supprimer le forfait de 18euros pour les actes dont le coût dépasse 91euros et revenir sur l’ensemble des forfaits et des déremboursementsqui touchent d’abord les plus défavorisés»,poursuit-il . Du côté de Ségolène Royal, on s’inquiète aussi «des dépassements tarifaires des médecins, ce qui pénalise les patients» eton se prononce pour une renégociation de la convention pour tenir compte des résultats aux Urml (unions régionales des médecins libéraux).
Le Dr Gérard Bapt, supporter de Laurent Fabius, s’inquiète aussi «de ces dépassements tarifaires qui aggravent les inégalités sociales». Laurent Fabius, insiste-t-il, «veut promouvoir une réforme de l’organisation de la santé publique qui permette d’améliorer le niveau de la prévention et de la qualité des soins».
Mais il ne s’agit pas de remettre totalement en cause la réforme de l’assurance-maladie et le dispositif du médecin traitant. «Il faut que chaque ministre de la Santé cesse de vouloir qu’une réforme de l’assurance-maladie porte son nom», ironise Gérard Bapt.
Reste le problème de la démographie médicale qui ne fait pas l’unanimité chez les candidats. Si Ségolène Royal, après avoir été ferme en la matière, a adouci quelque peu son discours en prônant des mesures incitatives et fiscales pour attirer les médecins (et notamment les jeunes) dans des zones sous-médicalisées, Laurent Fabius, lui, reste très directif en la matière. «La liberté d’installation a ses limites, explique Gérard Bapt, et quand rien n’y fait, il faut bien des mesures pour garantir l’accès des soins à tous.» D’où le projet, contesté, on le sait, du conventionnement sélectif.
Du côté de Dominique Strauss-Kahn, on est plus prudent, même si, confirme le Dr Jean-Marie Le Guen, le candidat à la candidature a toujours dit «qu’il fallait garantir l’accès aux soins».
«Lorsque toutes les mesures incitatives se seront déclarées vaines, il faudra bien en venir aux décisions plus dures pour empêcher que ne grandissent le déserts médicaux»,explique Jean-Marie Le Guen qui rejoint un tant soit peu Gérard Bapt.
Pour Claude Pigement, qui redit l’opposition de Ségolène Royal au principe même de conventionnement sélectif, il faut mettre en place toute une série d’incitations fiscales, d’aides financières pour les médecins, multiplier les soutiens aux collectivités territoriales, délivrer des bourses aux étudiants qui s’engageraient à exercer ensuite dans leur région d’études, afin de résoudre ce problème récurrent de la démographie médicale. «Ce n’est que si cette politique échoue, insiste-t-il, qu’il faudra agir autrement.» Une position qui n’est pas finalement très éloignée de celle des deux autres candidats, même si la piste du conventionnement sélectif n’est à l’évidence pas celle que préfèrent Dominique Strauss-Kahn et, surtout, Ségolène Royal.
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