Dix années se sont écoulées depuis la fameuse loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Pas un seul acte médical hospitalier qui ne soit soumis au consentement éclairé du patient, pas un seul service qui n’affiche sa charte du patient hospitalisé, pas un seul hôpital qui n’ait sa commission des relations avec les usagers. Pas une seule ARS où ils ne soient représentés. Et, pourtant, en 10 ans, très peu de signes de rapprochement entre les associations de patients et la médecine générale. Et sur 24 heures de direct de Téléthon, pas une seule intervention de généralistes.
Entre généralistes et usagers, un mariage de raison
Dysfonction du système ou évolution normale des choses ? Didier Tabuteau, directeur de la Chaire Santé à Sciences Po Paris, et auteur de la loi de 2002 qui « n’a pas ciblé uniquement l’hôpital mais défini des principes généraux qui sont tout autant applicables en ville. Qu’il s’agisse du droit d’accès au dossier médical, de l’information a posteriori ou de l’indemnisation des accidents médicaux. Ce sont les principes du droit du malade qui ont été énoncés. En pratique, ils sont plus souvent appliqués à l’hôpital parce que les prises en charge sont plus lourdes et les besoins d’accéder aux dossiers médicaux sont plus fréquents. »
Selon une des rares études menée sur le partenariat entre les associations d’usagers et les généralistes, orchestrée en 2006 par le Dr Gwenola Levasseur (département de médecine générale de Rennes), peu d’associations ont des liens avec les médecins libéraux et, en particulier, avec les généralistes car leurs interlocuteurs privilégiés sont avant tout des spécialistes, notamment hospitaliers. Pourtant, les associations de patients atteints de maladies chroniques sont les plus représentées et, à ce titre, elles pourraient constituer un relais naturel pour la médecine de ville. L’étude rennaise a montré que si deux tiers des médecins déclarent avoir des contacts avec des associations, elles se limitent à figurer dans un répertoire ! Elles sont surtout utiles en cas de maladies rares ou orphelines. « Autrement dit lorsqu’elles sont utiles, les associations le sont d’abord pour le patient et son entourage mais peu pour le médecin », souligne l’étude.
« Un lien marginal »
Le Pr Pierre-Louis Druais (président du Collège de médecine générale) partage ce sentiment : « Le lien avec les associations est marginal. Les circonstances où on est amenés à délivrer des informations à leur propos concernent géné-
ralement des pathologies graves, handicapantes, comme les maladies orphelines. Les parents sont souvent perdus et le généraliste n’a pas d’expertise. Les associations aident alors les familles à se soustraire de l’ingénierie de la maladie et à se concentrer sur la vraie vie ». Il est, en revanche, plus sévère à l’égard d’associations qui traitent de pathologies chroniques. « Elles peuvent susciter la méfiance des généralistes. Certaines sont devenues des groupes de pression. Et, de ce fait, elles remplissent insuffisamment leur rôle d’aide aux patients et aux familles dans la vie de tous les jours. Elles concentrent trop leur énergie sur la recherche et le secteur hospitalier. »
Pourtant, les Conférences Régionales de la Santé et de l’Autonomie (CRSA) réunissent dans les ARS patients et médecins de tous horizons. Sylvain Fernandez, chargé de mission santé au CISS (Collectif interassociatif sur la santé) affirme : « Nous avons fait paraître une proposition de loi au moment des législatives en faveur de la création de CRUQ ambulatoires (Commission des Relations avec les Usagers et la Qualité de la prise en charge) sur le modèle de celles qui existant à l’hôpital. Et nous avons demandé aux ARS de délimiter des territoires car il ne peut pas y avoir un représentant d’usager dans chaque cabinet ! »
Les choses iraient-elles finalement dans le sens de l’histoire ? Si les liens ne sont pas si naturels, tous s’accordent à penser que les associations pourraient être des relais d’éducation à la santé. Pour Emmanuel Bagourd, président de l’Isnar IMG, nourri au biberon de la loi patients, « on nous a sensibilisés à prendre en compte l’avis du patient et à l’Isnar, je ne conçois pas de penser le système de soins sans penser association de patients. Pour autant notre formation ne nous a pas enseigné à travailler avec elles. »
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