«EST-CE QUE vous aimeriez autant ma gueule si j’étais séropositif?», interroge Johnny sur l’une des affiches de la nouvelle campagne de sensibilisation lancée par l’association Aides à la fin du mois d’octobre. Avec le concours de plusieurs personnalités, Johnny Hallyday, Jean-Pierre Foucault, Claire Chazal, Muriel Robin ou Laurent Ruquier, la campagne mise en oeuvre par l’agence Tbwa/Paris vise à sensibiliser le grand public sur le thème : « C’est le sida qu’il faut exclure, pas les séropositifs. »
La lutte contre les stigmatisations sera la priorité de l’association pour les années à venir, conformément au voeu exprimé par les militants lors du congrès de Nice en juin 2005. La 3e Convention des cadres, qui s’est déroulée à Rouen le week-end dernier, en est le prolongement. Ce rendez-vous est l’occasion tous les deux ans de réfléchir aux nouvelles orientations de l’association face aux enjeux de la lutte contre le VIH/sida en France et dans le monde.
Faire bouger la perception des contemporains.
Dans un contexte d’année électorale, le discours d’ouverture de son président Christian Saout s’est voulu résolument offensif. «Une énorme chape de plomb s’est abattue sur les personnes séropositives dans notre société contemporaine, a-t-il souligné. A croire que notre état de droit, pourtant protecteur, ne reflète pas les mentalités d’un peuple qui pense encore qu’à la différence d’autres pathologies on ne se contamine pas par hasard! Nous n’arrivons pas à bouger la perception de nos contemporains... Nos constats sont sans appel, d’enquête en enquête, il se confirme qu’être séropositif c’est être condamné à l’exclusion dans son milieu social, dans son entreprise, dans sa famille et dans son couple.»
La campagne qui va être lancée à la fin du mois d’octobre tente de faire changer les choses, même si le président d’Aides regrette : «Ce sont des personnes dont nous ne savons pas le statut sérologique qui s’engagent.
C’est déjà un grand pas, mais probablement y en aura-t-il d’autres à faire, comme celui qu’a franchi Annie Girardot lorsqu’elle a avoué être atteinte de la maladie d’Alzheimer. Nous n’avons pas en France un personnage doté d’une autorité importante dans le domaine public qui ait avoué sa séropositivité, comme cela a été le cas aux Etats-Unis avec le basketteur Magic Johnson», explique-t-il au « Quotidien ». L’idée n’est pas de forcer les gens à dire qu’ils sont séropositifs, mais à leur permettre de le dire s’ils en ont envie.
En matière de prévention, «c’est extrêmement important», insiste Christian Saout, autrement, les personnes se tairont. Des décisions de justice à l’encontre de séropositifs semblent indiquer que si une personne se sait séropositive, elle doit le dire : «Comment peut-on exiger de le dire alors que ce n’est pas dicible?», poursuit-il.
En dehors de l’acceptabilité sociale, le 3e Convention des cadres d’Aides s’est beaucoup interrogée sur la démocratie sanitaire. Selon l’association, si la loi sur les droits des malades a constitué une sorte de reconnaissance, l’heure est plutôt à la régression. «Nous avons l’impression que ledroit à participer des usagers du système de santé et des associations de patients n’est qu’un droit de papier. Par-ci, par-là, on met deux ou trois patients. Du coup, on a l’impression d’être un peu là pour la garniture comme la feuille de salade qui accompagne le steak sur l’assiette», regrette le président.
Pêle-mêle, il cite la modification du régime des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) pour les molécules nouvelles qui devront être étendues aux autres pathologies, mais avec un délai allongé, modification pour laquelle ils n’ont pas été consultés ; le référentiel sur l’hépatite B de la Haute Autorité de santé sur lequel leur avis n’a été sollicité qu’une fois le texte terminé. A cet égard, la mise en place des CoreVIH (commissions régionales de lutte contre le sida) devrait constituer un test. «Soit on est effectivement aux responsabilités, en tant que président d’un CoreVIH, secrétaire ou membre du bureau, soit on est relégué au fond de la classe.» A cela, l’association restera attentive : «Nous ne laisserons pas faire. Nous nous battrons», insiste son président.
Le préservatif à 20 centimes.
Enfin, si les progrès ont été réalisés quant aux soins, Aides regrette la démobilisation de l’Etat pour ce qui est de la prévention, notamment à l’école : «En décembre dernier, nous étions chez le président de la République avec le ministre de l’Education et celui de la Santé qui promettaient des distributeurs de préservatifs à 20centimes dans les collèges et les lycées. La mesure devait être annoncée à la rentrée. Rien ne s’est passé. C’est un constat d’échec. »
Finalement, c’est l’association qui va mettre en oeuvre une partie de cette mesure grâce à un accord passé avec les buralistes : les préservatifs vont bientôt être distribués dans les tabacs à 20 centimes d’euro.
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