De notre envoyé spécial
à Kyoto
Le jaune d'uf est très riche en cholestérol, deux oeufs moyens couvrant les apports quotidiens recommandés en cas d'hypercholestérolémie (400 mg/j). Il paraît donc logique de limiter leur consommation, même si cela reste très théorique : en effet, la plupart des oeufs consommés le sont au sein de préparations culinaires. Il est impossible de savoir combien d'oeuf il y avait dans le plat de pâtes du midi, le biscuit qui accompagnait le café ou la petite sauce du soir. Malgré tout, des générations de médecins et de diététiciens conseillent à leurs patients la prise de deux oeufs au maximum par semaine. Cette recommandation ne repose sur aucune base scientifique.
La situation se complique un peu plus lorsque l'on sait que, chez la majorité des sujets, plus on mange de cholestérol, moins on l'absorbe. Elle devient carrément ingérable si on prend en compte le génotype, et en particulier celui de l'apolipoprotéine E. Il existe des hyperabsorbeurs de cholestérol, plus fréquemment chez les hypercholestérolémiques. Cela est un argument de choc pour les tenants de la limitation du jaune d'oeuf (aucune raison de limiter le blanc, donc, vive les oeufs à la neige... mais sans crème anglaise).
Le polymorphisme de l'apolipoprotéine E détermine les réactions aux apports alimentaires. Une nouvelle étude coréenne (R. Choue) confirme que les porteurs des allèles apoE3/3 sont plus sensibles aux modifications alimentaires.
D'autres polymorphismes sont décrits, ainsi celui du locus PPARA dans la population chinoise est un déterminant des associations alimentation-taux plasmatique des lipides (E. Chan).
L'équipe de Nakamura n'a pas tenu compte de ces subtilités, mais a analysé les données d'un registre japonais de morbi-mortalité coronarienne tenant compte de la consommation d'oeufs. Une étude similaire avait été menée précédemment à Framingham, concluant à l'absence de lien entre consommation d'oeufs, cholestérol plasmatique et maladie coronaire.
Le registre japonais concerne plus de 10 000 personnes des deux sexes âgés de 53 ans, qui, en 1980, ont eu une enquête alimentaire et des prélèvements biologiques, et ont été suivis pendant quatorze ans.
Pas d'effet dans la population masculine
Les résultats présentés vont dans le sens d'une absence d'effet de la consommation des ufs sur le cholestérol des hommes. Chez les femmes, il existe une association positive. Les consommatrices de moins d'un oeuf par semaine ont un cholestérol dosé à 1,88 g/l et celles qui en consomment plus de deux par jour ont un taux de 1,99 g/l.
La mortalité cardio-vasculaire et totale n'est pas influencée par la consommation d'oeuf chez les hommes. Chez les femmes, le taux de mortalité totale est plus important dans les deux extrêmes (moins d'un oeuf par semaine et plus de deux par jour) ainsi que la mortalité cardio-vasculaire. Entre un oeuf par jour et un par semaine, les taux de mortalité totale et cardio-vasculaire sont identiques.
Limites et réserves d'usage
On pourrait donc conclure de cette étude, avec toutes les limites et les réserves d'usage, qu'il ne sert à rien sur le plan cardio-vasculaire, dans la population générale masculine, de limiter la consommation d'uf. Pour les femmes, les conclusions sont moins évidentes, mais le seuil de deux ufs par semaine n'est pas justifié (mêmes résultats entre un et sept oeufs par semaine). Il reste à conduire la même étude chez des populations d'hypercholestérolémiques.
Kyoto. 13e Symposium international sur l'athérosclérose. D'après les communications de R. Choue (Corée) ; E. Chan (Singapour) ; Y. Nakamura (Japon).
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