Modifications secondaires et complications

Evolution après chirurgie de la myopie

Publié le 23/01/2008
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Histoire

La chirurgie de la myopie est née dans les années 1980. La réduction du pouvoir dioptrique de la cornée a été le premier concept utilisé. La correction des myopies faibles et moyennes (jusqu'à 6 dioptries) s'est tout d'abord faite par les kératotomies radiaires. La correction des fortes myopies a d'emblée fait appel aux techniques de sculpture du stroma cornéen par des moyens mécaniques (techniques de kératomileusis). A la fin des années 1980, la technique des implants intraoculaires phakes (implant ajouté dans un oeil conservant son cristallin) est devenue une alternative au kératomileusis pour les fortes myopies.

L'avènement du laser excimer a révolutionné la chirurgie de la myopie au cours des années 1990, et consacré la supériorité du principe de la sculpture de la cornée par photoablation tissulaire en termes d'efficacité, de précision, de stabilité et de sécurité de résultats. A la photoablation de surface par la technique de la photokératectomie réfractive (PKR) destinée principalement aux myopies faibles et moyennes jusqu'à 6 dioptries pour se substituer à la kératotomie radiaire s'est ajoutée secondairement la technique du Lasik consistant à sculpter la cornée par photoablation dans le stroma sous un volet préparé chirurgicalement. Cette technique réduit la réaction de cicatrisation, semble plus efficace, et est donc indiquée pour les myopies faibles aux myopies assez fortes (jusqu'à 10 dioptries). Ces techniques «laser» représentent aujourd'hui 98 % des indications chirurgicales avec quinze ans de recul. L'observation clinique, les progrès rapides et constants dans la connaissance biologique des conditions de cicatrisation, dans l'exploration complémentaire et dans les plates-formes techniques chirurgicales ont radicalement transformé en vingt ans la sélection des indications et les conditions de réalisation de cette chirurgie, améliorant sans cesse ses résultats à long terme.

Modifications et complications propres à chaque technique

• U ne hypermétropisation secondaire a été observée dans 15% des cas après kératotomie radiaire.

Chez 15 % des patients opérés par kératotomie radiaire, une accentuation continue de l'effet correcteur se traduit par une hypermétropisation secondaire, due à l'affaiblissement de la résistance mécanique de la cornée lié à l'absence de consolidation des cicatrices, d'où l'abandon de la technique au cours des années 1990. Ces patients ont une presbytie précoce (vers 40 ans) nécessitant une correction optique complémentaire (par lentilles de contact rigides ou lunettes). Les possibilités de correction chirurgicale secondaire sont très réduites et aléatoires.

Des régressions myopiques ont été observées dans plus de 50% des cas après kératomileusis (sculpture du stroma par moyens mécaniques).

Les patients opérés par kératomileusis, qui étaient des forts myopes, ont souvent présenté des régressions myopiques secondaires en raison des petites zones optiques utilisées à l'époque. Leur correction nécessite lunettes ou lentilles de contact. La qualité de leur vision est conditionnée par l'évolution de leur fonction rétinienne, directement liée à l'importance de leur myopie initiale et à l'âge. Les possibilités de nouvelle correction chirurgicale sont réduites et sont fonction de chaque cas particulier.

Implants intraoculaires phakes et baisse de densité cellulaire endothéliale de la cornée.

La proximité des rapports anatomiques entre l'implant et les tissus avoisinants est rapidement apparue et reste difficile à surmonter. Le problème le plus délicat pour les implants de chambre antérieure est celui de la tolérance de l'endothélium de la cornée, couche unicellulaire sans renouvellement, recouvrant la face postérieure et contrôlant l'hydratation, donc la transparence cornéenne. Une réduction progressive de cette densité exposant au risque d'oedème reste toujours possible, même si elle est plus rare avec les dernières générations d'implants. Elle nécessite une surveillance systématique en microscopie spéculaire afin de décider d'une explantation en cas de déperdition cellulaire continue. Les implants de chambre postérieure sont très proches du cristallin. Des cataractes précoces sont possibles essentiellement par contact. Les techniques d'implantation restent toujours cantonnées à des indications très sélectives posées après un bilan complémentaire anatomique et biométrique le plus précis possible, à la condition de pouvoir réaliser une surveillance systématique jusqu'à l'explantation (inévitable à l'âge d'apparition de la cataracte).

Qu'en est-il des techniques de photoablation?

Les photoablations de surface (PKR et techniques dérivées) pour les myopies faibles et moyennes n'ont généré aucune complication spécifique, réfractive ou anatomique à long terme. Des régressions réfractives ont été observées, principalement lorsque l'indication avait été posée en cas de myopie forte. Elles sont devenues rares avec la sélection des indications aux myopies faibles, l'élargissement des zones de traitement et l'optimisation des profils de photoablation.

Le Lasik, une technique très sûre dans ses indications.

Cette technique, pratiquement toujours réalisée de façon bilatérale en un temps, concerne actuellement plus de 90 % des indications du fait du confort de ses suites et de la rapidité de la récupération. Comme pour les photoablations de surface, les résultats visuels et réfractifs ont bénéficié, pour leur qualité et leur stabilité, de larges zones de traitement et de l'optimisation des profils de photoablation. Le temps chirurgical de la préparation du volet cornéen antérieur est devenu de plus en plus sûr et précis avec les dernières générations de microkératomes, et surtout depuis l'apparition du laser femtoseconde.

Les limites d'indications sont principalement liées à l'épaisseur de la cornée. Il faut en effet éviter un affaiblissement de la résistance mécanique de la cornée lié à un amincissement excessif.

La contre-indication absolue est le kératocône qui doit être systématiquement recherché par une analyse topographique de la cornée. L'ectasie cornéenne secondaire est une complication rare qui survient dans un délai de un à trois ans. Elle correspond le plus souvent à un kératocône infraclinique initialement méconnu et secondairement évolutif. Elle se traduit par une baisse progressive de l'acuité visuelle associée à une régression myopique ou à la progression d'un astigmatisme myopique. Son diagnostic est topographique. Le traitement est celui du kératocône (lentilles de contact, puis segments d'anneaux intracornéens, puis greffe de cornée en cas d'échec). Sa prévention passe par le dépistage topographique préopératoire obligatoire des kératocônes frustes et suspects.

Modifications secondaires non liées aux antécédents

Les modifications réfractives ou visuelles secondaires non liées aux antécédents sont principalement liées à l'âge du patient.

La myopie d'origine axile (augmentation de la longueur axiale du globe oculaire) se stabilise habituellement entre les âges de 21 et 27 ans.

Au-delà de cet âge, même rare et de faible amplitude, une évolution est toujours possible, notamment en cas de myopie forte ou au décours d'un accouchement. Elle est imprévisible. Les modifications réfractives d'origine cristallinienne sont constantes après 40 ans. Elles sont de deux types, la presbytie et la myopie d'indice. La baisse progressive du pouvoir d'accommodation est inévitable et évolutive jusqu'à 60 ans. Elle est responsable de la presbytie qui entraîne une baisse de l'acuité visuelle de près sans correction. Elle doit être compensée par une correction additionnelle en lunettes. La myopie d'indice cristallinienne est un témoin du vieillissement cristallinien. Il est plus ou moins précoce chez le myope et évolue de façon fréquente vers l'opacification, c'est-à-dire la cataracte. Enfin, des modifications visuelles en rapport avec des altérations rétiniennes maculaires liées à l'âge sont fréquentes et plus précoces chez le fort myope.

Conclusion

Les critères d'indications et les moyens techniques de la chirurgie de la myopie ont constamment évolué depuis vingt ans. Cette chirurgie est devenue très performante grâce aux méthodes de photoablation du tissu cornéen. Depuis la mise au point de ces méthodes chirurgicales, l'évolution des résultats réfractifs à très long terme est principalement dépendante des modifications anatomiques et physiologiques oculaires liées à l'âge, les antécédents chirurgicaux n'influencent pas cette évolution.

Référence:
Jean-Jacques Saragoussi et Jean-Louis Arné : « Chirurgies de la réfraction », Masson éditeur Paris 2006.

> Dr JEAN-JACQUES SARAGOUSSI Clinique de la vision (Paris) et service d'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu (Paris)

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8296