DIFFICILE DE FIXER le cap dans un climat politique et professionnel aussi instable et incertain : c'est pourtant ce défi que doit relever, ce week-end à Paris, la Csmf, premier syndicat de médecins libéraux, qui réunit son assemblée générale annuelle en présence d'une centaine de délégués des syndicats départementaux et « verticaux » (représentant chaque spécialité).
Incertitude sur la réforme de l'assurance-maladie d'abord. Alors que la phase de concertation officielle s'accélère (19 délégations diverses reçues au ministère de la Santé cette semaine), que les ateliers de travail s'enchaînent, et que les contacts plus discrets se poursuivent, le Dr Michel Chassang, président de la Confédération, redoute « des mesurettes qui ne résoudraient rien ». Le recours aux ordonnances pour réformer la « Sécu », qui renvoie déjà le monde médical au passé douloureux du plan Juppé, jette un trouble supplémentaire, que n'éclaircissent pas les rumeurs récurrentes de départ de Jean-François Mattei après les élections régionales.
Incertitude aussi sur les deux dossiers cruciaux pour les médecins libéraux : la réforme de la nomenclature d'une part (en période d'austérité budgétaire, les moyens financiers seront-ils au rendez-vous pour lancer sans casse la nouvelle classification commune des actes médicaux ? Le calendrier sera-t-il respecté ?), et la permanence des soins d'autre part. Sur ce dernier point, l'éventualité d'une reprise des négociations conventionnelles avec l'assurance-maladie n'a rassuré personne tant le dossier des gardes et astreintes bute depuis des mois sur la question centrale du financement.
C'est dans ce « brouillard angoissant et perturbateur » que le président de la Csmf est appelé à rassembler ses troupes autour d' « objectifs clairs » pour 2004 et à confirmer la stratégie confédérale : celle d'un nouveau « partenariat exigeant » avec le gouvernement, rompant avec des années d'opposition frontale, une posture plus confortable.
Quelques semaines seulement après le « coup de gueule » interne des spécialistes confédérés (Umespe), exhortant le président de la Csmf à défendre davantage leurs revendications, ce dernier a décidé de tenir un langage fédérateur. « Cette AG, c'est l'occasion unique de savoir ce que ressentent les médecins de terrain, explique le Dr Chassang. Beaucoup d'entre eux se demandent avec inquiétude quel est l'avenir de la médecine libérale de proximité, et quel est leur propre avenir dans le système de santé car les réformes actuelles sont soit incomprises, soit anxiogènes. Mais, dans toute période de crise, il faut éviter certains pièges : ne pas marquer contre son camp, ne pas tomber dans la division - généralistes contre spécialistes, secteur I contre secteur II... - et surtout ne pas perdre son âme et ses principes. » En clair, la Csmf n'est pas disposée à radicaliser son discours pour « coller » aux exigences d'une minorité ou des coordinations. « La Confédération a son propre projet, son propre programme, avec des objectifs qui seront redéfinis pour 2004 », martèle le Dr Chassang. Après avoir interrogé les départements en préparation de cette AG, la Csmf va donc se prononcer sur les thèmes qu'elle juge déterminants pour l'exercice médical : liberté d'installation, promotion de la qualité, modes de rémunération, espaces de liberté tarifaire et choix de secteur d'exercice, prévention, formes de coordination des soins et pilotage de l'assurance-maladie. « Tout sera fait pour que les projets de réforme collent à nos idées ou s'en imprègnent, annonce le Dr Chassang. Et nous préciserons les lignes jaunes qui ne doivent pas être franchies. » Le gouvernement, quel qu'il soit, est prévenu.
Les spécialistes en appellent au président de la République
Après un mois de février agité, le Dr Jean-François Rey est rassuré. Le « coup de gueule » du président de l'Umespe a été entendu par le Dr Michel Chassang. Renforcé par le soutien de son comité directeur, le Dr Rey entend faire adopter par l'assemblée générale de la Csmf, qui définira la ligne politique du syndicat pour les mois à venir, les exigences spécifiques des médecins spécialistes (« le Quotidien » du 17 mars). Des exigences que le président de l'Umespe a adressées à Jacques Chirac dans une lettre ouverte de quatre pages. Les médecins spécialistes libéraux font part de leur « profond désarroi » au président de la République. Ils affirment manquer de considération de la part des caisses d'assurance-maladie, mais aussi du gouvernement. « Des mesures indispensables ont été prises pour nos confrères médecins de famille, des sommes importantes attribuées pour la restructuration de l'hôpital public mais, en ce qui nous concerne, il n'y a eu ni incitation forte du ministre de la Santé pour faire aboutir une convention avec les caisses, ni reconnaissance du rôle important que nous jouons au quotidien dans l'offre de soins. » L'Umespe demande au chef de l'Etat d'intervenir pour mettre en place la réforme des actes techniques, évaluée à 180 millions d'euros. Le syndicat souhaite également que la classification commune des actes cliniques soit instaurée dans les délais prévus, au 1er janvier 2005. Enfin, elle demande que, dans le cadre de la réforme, de nouveaux modes de rémunération puissent voir le jour, y compris en passant des contrats avec les organismes complémentaires. « Les spécialistes libéraux ne comprendraient pas de se retrouver finalement les seuls pour lesquels les promesses électorales du candidat Jacques Chirac, n'aient pas été tenues. »
> CHRISTOPHE GATTUSO
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