DEPUIS UNE VINGTAINE d'années, les connaissances acquises dans le domaine de la biologie des cancers ont permis de définir des approches pharmacologiques qui ont pour cible des protéines activées dans la cellule tumorale. Ces cibles protéiques sont impliquées dans les voies de régulation des processus néoplasiques. Elles sont très variées et peuvent concerner l'indépendance vis-à-vis des signaux de prolifération, la perte du contrôle du cycle cellulaire, la perte de la capacité d'apoptose, l'acquisition du phénotype d'immortalité, les capacités d'invasion et de métastases ou encore une angiogenèse spécifique à la tumeur.
Un des champs d'investigation les plus importants concerne le ciblage des cascades enzymatiques où les kinases assurent la transmission des signaux de la membrane jusqu'au noyau. L'inhibition sélective des kinases peut être obtenue en bloquant le récepteur par un anticorps monoclonal. Une autre possibilité consiste à inhiber compétitivement le site tyrosine kinase par des enzymes.
L'imagerie radiologique peut ainsi détecter des modifications de l'environnement tumoral par IRM et par scanner X, mais aussi les conséquences cellulaires du traitement par l'imagerie moléculaire en tomographie par émission de positons (TEP) (1).
En effet, contrairement à ce qui est observé en cas d'utilisation de cytotoxiques, l'effet initial des thérapeutiques ciblées ne se matérialise pas d'emblée par une réduction du volume tumoral. Les critères radiologiques fondés sur l'appréciation du volume tumoral mettant en oeuvre les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors) sont ainsi tardifs.
L'imagerie moléculaire permet, en revanche, de visualiser un effet biologique. Elle peut donc être intégrée dans l'arsenal des marqueurs d'activité de ces nouvelles thérapeutiques.
De nombreux traceurs peuvent être utilisés pour explorer la prolifération cellulaire, l'hypoxie tumorale, source de résistance à la radiothérapie, ou les modifications du microenvironnement tumoral. Actuellement, toutefois, le fluoro-déoxy-D-glucose marqué au fluor 18 (18F-FDG) est le seul disponible en France, hors essai clinique, permettant l'exploration par TEP pour l'évaluation de la réponse thérapeutique. Son utilisation a été bien documentée dans des pathologies variées, comme les cancers du poumon non à petites cellules, de l'oesophage, de la tête et du cou et les lymphomes.
De l'effet métabolique à l'effet cytostatique.
Cette évaluation impose de prendre en considération les facteurs impliqués dans la fixation du traceur, comme sa fixation non tumorale. L'évaluation de la réponse tumorale pourrait être réalisée très précocement, comme cela a été suggéré dans des études cliniques portant sur des lymphomes. En effet, des altérations du métabolisme glucidique peuvent être mises en évidence par TEP au FDG avant tout effet cytostatique. Des travaux expérimentaux montrent que la diminution de la fixation du FDG matérialisant la réponse métabolique au traitement peut être objectivée dès la quatrième heure. Néanmoins, ces travaux ne permettent pas de mettre en évidence un effet-dose.
De plus, le lien entre la diminution de la fixation du FDG révélée par la TEP, l'expression membranaire des transporteurs du glucose et l'apoptose ne devrait pas être considéré comme systématique (2).
Ainsi, la compréhension du rôle et de la place de la TEP pour l'évaluation de ces nouvelles classes thérapeutiques demande aux médecins nucléaires d'intégrer des notions de biologie cellulaire en rapport avec les mécanismes d'action de ces molécules. Par ailleurs, la documentation des effets des thérapeutiques ciblées sur des modèles animaux ou des lignées cellulaires apparaît nécessaire. D'autres effets biologiques observables en TEP devraient faire l'objet de travaux en raison de la diversité des cibles thérapeutiques potentielles.
D'après un entretien avec le Dr Frédéric Courbon, services de médecine nucléaire, CHU Toulouse-Rangueil, institut Claudius-Regaud, INSERM U563, université Paul-Sabatier Toulouse-III.
(1) Courbon F. « Médecine Nucléaire » 2007;31(9):521-5.
(2) Delord JP, Courbon F, Vergez S et coll. « Targ Oncol » 2007;2:129.
Une appréciation pertinente
Sur le plan moléculaire, l'intensité de la fixation du FDG au niveau tumoral dépend de l'augmentation de l'expression membranaire des transporteurs du glucose et de l'hexokinase. En effet, le FDG est un analogue du 2-déoxy-D-glucose transporté, comme le glucose, par les transporteurs membranaires GLUT, et phosphorylé en position 6 par l'hexokinase. L'appréciation des thérapeutiques, ciblant les récepteurs à l'EGF par exemple, est pertinente. En effet, il existe un lien entre la régulation de la glycolyse et celle de la prolifération cellulaire. Les voies de signalisation de la phosphatidyl-inositol-3-kinase sont par exemple activées par les récepteurs à activité tyrosine kinase et sont impliquées dans le métabolisme cellulaire.
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