Dans le débat sur la fin de vie, François Hollande veut-il aller de l’avant ou revenir en arrière sur ses propositions de campagne ? Après l’annonce mardi de sa décision de confier une mission sur la fin de vie à Didier Sicard, les commentaires étaient en tout cas aussi nombreux que variés dans l’interprétation à tirer des propos présidentiels. Visitant hier un important centre de soins palliatifs –Notre Dame du lac à Rueil Malmaison- François Hollande a d’abord rendu un hommage appuyé de la loi Leonetti, qui «autorise déjà, et c'est un grand progrès, toute personne malade à refuser un traitement dont elle estime qu'il est devenu déraisonnable et donne aux médecins le droit d'interrompre ou de ne pas entreprendre les traitements qu'il estime inutiles». Avant de s’interroger tout haut devant ses interlocuteurs : « Ne peut-on aller plus loin dans les cas exceptionnels où l'abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients aux prises avec une douleur irréversible et qui appelle un acte médical assumé au terme d'une décision partagée et réfléchie?» La question vaut ordre de mission pour le Pr Sicard, qui doit donc rendre ses conclusions à la fin de l’année. Mais elle ne dit pas grand chose des intentions du gouvernement pour la suite. «Je trouve que c'est une bonne question. Mais ce n'est pas parce qu'on pose une question qu'on y répond positivement,» relève, malicieux, le Cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence des évêques de France, qui était reçu mardi après-midi à l’Elysée.
Si la méthode Hollande peut s’expliquer par la nécessité de rechercher la concertation et de ne pas brusquer l’opinion sur un sujet par définition sensible, elle tranche pourtant avec la promesse de campagne du candidat socialiste, qui, même s’il n’avait jamais prononcé le mot « euthanasie » s’était montré assez précis sur la réforme qu’il appelait de ses vœux pour que «toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander dans des conditions précises et strictes à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité».
La nomination de Sicard diversement appréciée
Interviewé mercredi dans « Le Monde», le Pr Sicard n’a pas permis de lever davantage le voile sur les intentions actuelles du président. Visiblement, l’ancien président du Comité d’Ethique démarre sa mission sans a priori. A propos de la loi Leonetti de 2005, il estime notamment : «c’est une grande loi : doit-elle être adaptée, je n'en suis pas sûr, et ce n'est pas à moi de le dire... Il y aura peut-être nécessité de modifier un ou deux articles, mais pour cela, il faut d'abord recueillir l'avis des Français. » En même temps, il admet que «certains jours, je trouve inacceptable que quelqu'un disant souhaiter en finir n'obtienne pas de réponse.»
Sa mission et le choix de sa personne pour la mener a provoqué les commentaires les plus divers, dans le camp des « antis » comme dans celui des « pros » euthanasie, ce qui est en dit long sur les attentes, les espoirs et les craintes des uns et des autres. Jean-Luc Romero, chef de file des militant de l’euthanasie de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) est visiblement très inquiet d’une possible volte face de la part de la nouvelle majorité. «Bon les missions maintenant ça va ! On n'a pas besoin d'avoir encore une mission sur la fin de vie. Qu'il fasse un référendum ! Qu'il demande leur avis aux Français», a t-il expliqué à l’Agence France presse. Le président de l’ADMD se montre surtout critique sur le choix de Didier Sicard. Un «mauvais signal», selon lui, s’agissant d’une personnalité qu’il juge «proche de la théologie morale catholique.» Jean-Luc Romero craint par aillleurs que cette mission ne devienne «une énième mission relative à la fin de vie qui esquivera le véritable enjeu: celui du respect absolu des volontés individuelles».
De son côté, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), hostile à une éventuelle dépénalisation de l’euthanasie, applaudit des deux mains et estime que la mission Sicard « favorisera l’indispensable débat citoyen nécessaire pour éclairer le plus précisément possible le législateur.» Dans le même sens, le « Groupe national de concertation sur la fin de vie» créé notamment par le collectif « Plus digne la vie » estime retrouver dans cette mission le grand débat démocratique qu’il appelait de ses vœux en mai dernier et voit d’un très bon oeil la désignation de Didier Sicard pour y présider.
Côté politiques, Jean Léonetti, père de la loi de 2005, réagit plutôt positivement, même s’il appelle à élargir le débat au-delà de la question de l’euthanasie : «La fin de vie interpelle notre société sur la fragilité, la vulnérabilité, la dépendance, le respect de la dignité de la personne humaine et le sens même de la vie, et doit donc être abordée dans la diversité de ces sujets», souligne-t-il. Inversement, Christine Boutin voit dans l’initiative de François Hollande une franche volonté de légaliser l’euthanasie : «Créer une commission qui débatte de la possibilité de légaliser l'euthanasie, comme le propose François Hollande, est indigne en soi,» s’insurge l’ancienne ministre.
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