Décidément, les médecins libéraux ne font rien comme les autres. Le sondage que nous publions à la veille des élections européennes montre qu’en comparaison du reste de la population, la profession perçoit très différemment ce scrutin. Cela se ressent d’abord au regard du taux de participation. Alors que dimanche, on ne fera pas la queue devant les bureaux de vote – seuls 4 électeurs sur 10 devant a priori se déplacer — les généralistes et spécialistes de ville, au contraire, se rendront massivement aux urnes : selon notre sondage Stethos, ils seraient entre 77 et 89 % à se déplacer pour voter !
Cela confirme une attitude citoyenne déjà mise en évidence par le passé. Et c'est peut-être aussi le signe que les «Docteurs» ont un profil plus europhile que l'électeur lambda. Fin mars, un sondage Odoxa évaluait à 75 % en moyenne le taux de participation du corps médical aux élections en général, soit davantage qu’en population générale, mais pas un niveau aussi élevé que celui constaté cette fois.
Un médecin sur deux En marche
Les médecins de ville se distingueront aussi de la population générale par les bulletins qu’ils mettront dans l’urne. Et c’est le parti du président qui rafle la mise : 48 % des praticiens – un peu plus chez les généralistes (51 %) que chez les autres spécialistes (44 %) - feront ce choix. C’est 25 points au-dessus des intentions de vote prédites par les sondages dans le grand public ! Alors que sa cote de popularité s’est érodée auprès des Français depuis le début du quinquennat, Macron semblerait donc se refaire une santé auprès des blouses blanches : en mars 2017, selon un sondage IFOP pour le Quotidien du Médecin, il n’était en effet qu’à 35 % d’intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle auprès de ces derniers…
La droite a, en revanche, perdu des plumes auprès de nos lecteurs. Tant chez les généralistes que chez les autres libéraux, seuls 23 % iront voter dimanche pour la liste LR : un score historiquement bas dans la profession. Même si la liste Les Républicains arrive en deuxième position chez les médecins -avec presque 10 points d'avance sur l'ensemble du corps électoral- la droite a encore beaucoup à faire pour récupérer le leadership dans un électorat qui lui a été si longtemps acquis…
70% pour Bellamy ou pour Loiseau
Reste que au total plus de 70 % des voix de la profession se partageront entre LREM de Nathalie Loiseau et LR de François-Xavier Bellamy. Cela atteste d’une forte concentration des votes dans cette catégorie au profit de deux listes dont le point commun est d'être assez europhiles. Tous les autres, parmi ceux que nous avons proposées au choix, sont loin derrière. À commencer par le Rassemblement National, que les médecins – c’est une constante — continuent de bouder : seuls 6 % de confrères se montrant séduits par le parti de Marine Le Pen et par le jeune homme qui porte, cette fois, les couleurs de l’extrême droite. C’est trois à quatre fois moins que dans le reste de l’électorat…
À côté, les écologistes (6 %) ne font pas mieux. À droite, le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan atteint tout de même les 5 %. C’est mieux que les centristes de l’UDI (4 %). Mieux aussi que les listes de gauche, qu’elles appartiennent au PS (4 %), à France Insoumise (3 %) ou du Parti communiste (1 %).
Buzyn fait le buzz
L’explication du vote modéré de la profession tiendrait-elle au rapport qu’elle entretient avec sa ministre de la Santé ? Peut-être bien. La cote d’Agnès Buzyn reste en effet élevée. Deux ans après son accession avenue de Ségur, son action est approuvée par 53 % de nos sondés, soit à peu près le même score (54 %) qu’il y a un an. Les médecins généralistes se montrent particulièrement satisfaits (59 %) de son bilan. Et au total, seuls 38 % des praticiens libéraux se montrent critiques vis-à-vis de l’hématologue.
Bien sûr, ce n’est pas un plébiscite, mais cela atteste d’une très bonne cote pour une ministre de la Santé, surtout si on la compare aux scores exécrables de ses deux prédécesseurs - Marisol Touraine et Roselyne Bachelot- auprès des soignants. Ce soutien des professionnels contraste par ailleurs avec les 35 % de nos concitoyens qui – selon le dernier Tableau de bord des personnalités Paris Match-IFOP – portent un jugement positif sur celle qui gère la santé dans l'Hexagone.
L’engouement de la profession pour les listes LREM peut-il s’expliquer par la popularité auprès des médecins de celle qui faillit bien être la tête de liste du parti du président ? Peut-être. En tout cas, un sondé sur deux par Stethos (47 % des généralistes pour 55 % des spécialistes) estime que son choix pour les Européennes tiendra compte de la politique de santé menée par le gouvernement. A bon entendeur...