Les Américains appellent spin cette manière très emphatique qu'ont parfois les gouvernements de s'autoféliciter. Le passage à l'euro nous en donne un exemple édifiant.
De tous les coins de l'Europe ne nous parviennent que des cris d'exclamations : le succès de l'opération, l'adaptation extrêmement rapide des Européens à la monnaie unique, leur curiosité pour l'euro, leur hâte de se débarrasser de la monnaie nationale, le civisme des peuples européens, l'extraordinaire intelligence des gouvernements qui ont conçu et mis en œuvre sans la moindre anicroche l'avènement de l'euro, les profits engrangés par les Etats (40 milliards d'euros en ancienne monnaie ne seront pas changés par leurs propriétaires qui les garderont soit comme souvenirs, soit parce qu'ils n'osent pas se présenter aux banques avec du liquide), les économies de change qui vont être réalisées, le coup de fouet au commerce, les avantages innombrables, mais clamés de façon répétitive de l'idée géniale qui a germé dans les cervaux éblouissants de nos dirigeants : la liste des avantages liés à l'euro est interminable ; et ce serait un tel bonheur pour les Européens qu'ils en finiraient par oublier leurs autres soucis.
Indiscutablement, l'euro est une bonne chose. Pour autant, la mise en circulation de la monnaie commune ne s'est pas faite sans problèmes. D'abord, nombre de commerçants, qui s'étaient engagés à geler les prix pendant plusieurs mois, se sont hâtés de les augmenter avant le passage à l'euro. Ensuite, on pouvait espérer que, dès lors qu'elle était dans toutes les poches et qu'elle passait du virtuel au réel, la monnaie commune s'apprécierait. C'est effectivement ce qui s'est produit au début du mois ; mais, ces derniers jours, l'euro est tombé à son point le plus bas par rapport au dollar à moins de 0,85 lundi, à peine un peu plus mardi.
Si l'euro, quand il triomphe, ne peut pas dépasser ce niveau, qu'en sera-t-il des mois à venir ? Aussitôt que l'économie américaine retrouvera son souffle, l'euro perdra encore de sa valeur. Et il en perd déjà quand quelques bonnes nouvelles économiques arrivent des Etats-Unis.
Dans un article publié lundi par « le Monde » pour nous prouver que l'économie française n'est pas en déclin, l'auteur cite en particulier la vigueur de notre commerce extérieur. Il demeure que, si nous avons un bel excédent, c'est parce que l'euro est dévalué et que la parité euro-dollar ne reflète pas le pouvoir d'achat réel de chacune des deux monnaies.
Tout va très bien, donc, mais principalement parce que nous tirons le meilleur profit de nos faiblesses. Les valeurs françaises montent ou descendent au gré des caprices de Wall Street ; nous vendons nos produits à l'étranger en partie grâce à une monnaie dépréciée ; et nous avons eu une très bonne année touristique en 2001 (malgré le 11 septembre), parce que, pour les détenteurs de dollars, l'Europe est à très bon marché. Nous sommes tous formidables.
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