Si j'en juge par mon cas personnel, le passage à l'euro a été d'une simplicité enfantine. Je me suis contenté de dépenser les francs que j'avais encore en faisant quelques courses. Je n'ai donc pas dû me rendre à la banque pour changer mes francs.
Je suppose que ç'aura été le cas de la plupart des Français. Nul doute que l'excellente préparation des commerçants, et notamment des supermarchés, aura joué un rôle décisif dans cette transition fort réussie. On a été aussi nerveux, à la veille du 1er janvier 2002, qu'à la veille du passage à l'an 2000. Cette vigilance était de bon aloi. Mais, en y réfléchissant, trop de nos concitoyens se sont fait une montagne d'une affaire qui n'a jamais été qu'une opération de change tout à fait comparable à un achat de devises.
Là où on a vu des virtuoses, c'est lorsque des caissières vous rendaient des euros sur un paiement en francs. Cela a un peu freiné les transactions, mais dans l'ensemble le résultat est éblouissant. Autrement, il n'y avait pas de quoi en faire une maladie et, s'il est logique que le ministère de l'Economie triomphe, il a vaincu sans péril.
La mise en service de l'euro a légèrement augmenté sa parité par rapport au dollar et au yen mais pas suffisamment à notre gré. Il est remarquable que trois cents millions d'Européens se servent de la même monnaie. Mais il faudra aller plus loin dans la réforme et envisager sérieusement, dans les années qui viennent, un alignement des régimes sociaux et fiscaux. Ce ne sera pas tâche aisée, ne serait-ce que parce que les Français (mais les Italiens et les Allemands aussi) sont extrêmement attachés à leurs acquis sociaux. Or les systèmes des pays soumis à la monnaie unique sont extraordinairement disparates et le seront encore davantage si la Grande-Bretagne rejoint l'euro. On peut s'attendre à un conflit idéologique entre les tenants de l'économie libérale et ceux de l'économie plus ou moins dirigée.
L'adoption de l'euro, le succès de sa mise en service accroissent les chances de l'intégration européenne qui, jusqu'à présent, a été plus rêvée qu'accomplie ; mais elle devient une sorte de conséquence mécanique dans la mesure où l'euro ne prendra vraiment son essor que s'il est soutenu par une harmonisation plus profonde des régimes sociaux.
On voit bien ce qui se passe chez les anti-euros. Ils boudent, mais n'ont pas pu empêcher l'avènement de la monnaie unique, dont leurs poches sont pleines, comme celles de tout le monde. Voilà les souverainistes dépassés par l'Histoire en mouvement. Ils auront bien du mal, dans trois mois, quand le franc aura été presque oublié, à se présenter aux élections sur le thème de l'indépendance française. Pour ne prendre qu'un exemple, la percée de Jean-Pierre Chevènement dans les sondages pourrait n'être qu'un feu de paille, car les électeurs, détenteurs d'euros pour le meilleur et pour le pire, vont découvrir en lui ce qu'il a d'anachronique, pour ne pas dire archaïque ou passéiste.
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