Un nouveau pôle de recherche à l’institut Curie

Etudier l’embryon pour mieux comprendre le cancer

Publié le 25/06/2006
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ASSOCIER la biologie du développement à la recherche sur le cancer peut paraître étonnant. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, la biologie moléculaire qui s’est développée au sein de tous les laboratoires et le décryptage du génome humain sont à l’origine d’une révolution à la fois technologique et conceptuelle. Des recherches ont montré par exemple que quantité de gènes et de protéines qui interviennent dans le développement embryonnaire, que ce soit chez les nématodes, la mouche ou l’homme, peuvent être impliqués dans l’apparition des tumeurs. Au coeur des deux processus, le phénomène de la division cellulaire régulée par un grand nombre de gènes. De ce point de vue, «la biologie du développement résume presque toute la biologie», souligne Nicole le Douarin. Les gènes « architectes », par exemple, interviennent tout au long du développement embryonnaire pour assurer la formation harmonieuse des tissus et des organes dans l’espace. Ils supervisent aussi les processus de migration des cellules qui partent ébaucher de nouveaux organes. Grâce à ce contrôle génétique, les cellules embryonnaires «savent» précisément où elles se trouvent, quel est leur stade de différenciation et où elles doivent se rendre pour remplir leur fonction.

On s’est également aperçu que, une fois leur rôle accompli dans le développement embryonnaire, les gènes « architectes » ne restent pas « muets » pendant la vie adulte. Ils peuvent se transformer en oncogènes ou en gènes suppresseurs de tumeurs, enclenchant alors des processus tumoraux primitifs et métastatiques.

Mis en évidence séparément – le premier oncogène a été découvert en 1976 pour le sarcome de Roux chez la souris et le premier gène suppresseur de tumeur, le Rb1, dans l’oncogenèse du rétinoblastome de l’enfant en 1980 –, les gènes « architectes » et oncogènes apparaissent comme les deux versions, normale et pathologique, du même processus. «Le développement d’une cellule-oeuf apparaît comme “l’image-miroir” de la transformation tumorale», souligne le Pr Daniel Louvard, directeur du centre de recherche de l’institut Curie. Comprendre l’un permet de mieux comprendre l’autre.

C’est l’objectif du nouveau pôle de recherche Biologie du développement et cancer, qui devrait voir le jour au début de 2008. Il devrait être le premier centre de ce type en Europe entièrement dédié à ce type de recherche. Le chantier du nouveau bâtiment, situé à proximité de l’hôpital Curie, devrait commencer à la fin du mois et la première pierre devrait être posée à la fin du mois de septembre. Du verre et de la pierre pour couvrir une superficie de 3 700 m2 sur cinq niveaux et deux sous-sols. Sur sa façade sud, toute de verre, l’effigie de Marie Curie apparaîtra en transparence pour accueillir les 120 chercheurs (10 à 15 équipes) du pôle. Un appel d’offres international a été lancé et devrait se terminer le 30 septembre. Le projet s’inscrit dans la continuité de la politique scientifique et médicale de l’institut et de son dispositif de recherche pluridisciplinaire. «L’originalité de l’institut, dès sa création, a été de mettre à la disposition des équipes tous les outils susceptibles de faire progresser la recherche et de faire en sorte que les progrès soient appliqués le plus rapidement possible aux malades», souligne le Pr Claude Huriet, son président. «L’enjeu est majeur, explique le Pr Pierre Bey,directeur de l’hôpital. Le nombre de nouveaux cancers a augmenté de plus de 60% au cours de ces dernières années et devrait encore croître dans la même proportion.» Aujourd’hui, la moitié des patients atteints décèdent de leur cancer. La prévention, la suppression des facteurs favorisants ou le diagnostic précoce sont susceptibles de faire baisser la mortalité par cancer, mais «nous avons acquis la certitude qu’une réduction de la moitié de la mortalité viendra de la recherche», ajoute-t-il.

24 millions d’euros.

Le projet inclut le rapprochement des pédiatres oncologues et des biologistes, avec là aussi un double enjeu : mieux comprendre les cancers de l’enfant qui, quoique rares (1 % des cancers, rappelle le Pr François Doz, pédiatre-oncologue), sont la deuxième cause de mortalité chez les enfants de 1 à 15 ans ; et élucider les mécanismes de la cancérogenèse des tumeurs de l’adulte.

Réalisé grâce à un partenariat entre le Cnrs, l’Inserm et l’université Paris-VI, le nouveau pôle bénéficiera de collaborations nationales et internationales avec le Collège de France, l’Ecole normale supérieure, l’Ecole supérieure de physique et chimie industrielles de la Ville de Paris, l’Institut Pasteur, le centre de recherche sur le cancer du Massachusetts General Hospital et l’université de Harvard, à Boston. Son coût devrait être de 24 millions d’euros pour une budget de fonctionnement de 8 millions d’euros par an.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7986