«UNE MÊME FACULTE et un même concours», a prévenu d’emblée Marie-Claude Lescs, responsable administrative des enseignements de première année de médecine à la faculté de médecine Antilles-Guyane (UFR des sciences médicales). La faculté existe depuis plus de vingt ans, mais n’assurait que le troisième cycle des études médicales. C’est en 1998 qu’est créée la première année (Pcem1), d’abord sur le seul site de la Guadeloupe, avant l’ouverture d’une antenne à la Martinique en 2003 et en Guyane cette année. «Jusqu’en juin, la moitié des cours se déroulaient en Guadeloupe, l’autre moitié en Martinique », explique la responsable administrative. Des cours dispensés en visioconférence simultanément sur les trois sites afin d’assurer l’homogénéité de l’enseignement qui suit le même programme qu’à Bordeaux-II, université vers laquelle les heureux lauréats du concours 2006 vont devoir s’envoler. «Jusqu’à l’année 2004-2005, grâce à une convention avec la faculté de médecine de Saint-Antoine, sept d’entre eux pouvaient s’inscrire à Paris. Maintenant, tous poursuivront leurs études dans l’une des trois facultés de médecine Bordeaux-II.» Les professeurs bordelais interviennent d’ailleurs dès la première année et assurent, comme leurs collègues présents sur chacun des sites, des cours en visioconférence ou viennent sur place pour les enseignements dirigés.
A 7 000 km de la métropole, cette université éclatée dont le siège est en Guadeloupe, à 200 km de la Martinique et à 1 600 km de la Guyane, semble avoir réussi son pari. «L’an dernier, les premiers étudiants à avoir réussi leur concours à l’UAG ont passé leur examen national classant. Deux d’entre eux ont choisi de revenir y poursuivre leur 3ecycle», souligne la responsable. Mais, là aussi, la concurrence est rude parce que l’interrégion n’offre que 12 places au choix pour l’ensemble des étudiants en médecine. Beaucoup regrettent que la 2e, voire la 3e, année, promise depuis au moins deux ans, n’ait pas encore vu le jour.
Près de 700 étudiants en 2006.
Pour l’heure, 695 première année (325 en Guadeloupe, 325 en Martinique et 45 en Guyane) s’apprêtent à entreprendre leur quête du Graal : réussir le concours. Seulement soixante-quinze places devraient être proposées en médecine, sept en dentaire, vingt pour les sages-femmes et vingt-huit pour les paramédicaux (ving en kinésithérapie, cinq en psychomotricité et trois en ergothérapie). Lors de la visioconférence de prérentrée, les trois amphis se verront, s’entendront et recevront le discours d’accueil du doyen, le Pr George Jean-Baptiste, rhumatologue à la Martinique, du vice-doyen, le Pr Bernard Carme, parasitologue en Guyane, et du président de l’université, Alain Arconte.
Sur le campus de Fouillole, magnifiquement posé en surplomb de la marina de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Julie et Rita, 18 ans toutes les deux, seront de la promotion 2006. La première vient d’avoir son bac. Major de son lycée, elle s’est préparée à vivre une année difficile. «Tout le monde me le dit. Cela n’a rien à voir avec la terminale. C’est un peu l’année où l’on met sa vie entre parenthèses, mais je suis très motivée», affirme-t-elle. Son objectif : être dans les premières : «Je me suis inscrite en médecine parce que je voulais être pédopsychiatre. Maintenant, j’hésite et je pencherais plutôt pour dentaire, mais il va falloir être bien classée pour pouvoir choisir.» Comme beaucoup, elle s’est inscrite à une prépa privée : «A la fin du mois d’août, j’ai effectué un stage avec une prépa privée. J’ai pu y rencontrer les deux meilleures classées du concours de cette année, qui vont être nos tutrices. Elles vont poursuivre leurs études à Bordeaux, mais garderont des contacts avec nous par visioconférence et lors des stages organisés par la prépa pendant les vacances scolaires. Pendant une semaine, elles nous ont fait découvrir les cours au programme du Pcem1. Dans l’ensemble, j’ai bien aimé», avoue-t-elle. Sur l’ambiance, elle n’a pas d’ apriori, elle attend de voir.
Pas question d’abandonner.
Rita, elle, fera partie des redoublants. «Avant de faire ma première année, j’avais eu vent de rumeurs sur quelques coups fourrés que se faisaient entre eux les étudiants, par exemple d’arracher les emplois du temps ou de planquer les bouquins à la bibliothèque pour empêcher les autres de les avoir, mais j’avoue n’avoir rien vécu de ce genre», dit-elle. Ce qui l’a plutôt déçue, c’est le contenu des cours : «Je me suis inscrite en médecine parce que j’étais une fana de biologie et que j’aimais bien tout ce qui tournait autour du corps humain. Mais, en première année, c’est l’esprit concours qui prime et les cours sont là pour sélectionner. C’est du bourrage de crâne et, plutôt que d’essayer de bien comprendre, il vaut mieux avoir une bonne capacité de stockage.»
Pas question cependant d’abandonner : «Je me dis que ce sera plus intéressant plus tard. La médecine sportive m’intéresse et je sais que c’est ma dernière chance», explique cette pratiquante d’arts martiaux (aïkido). Elle s’est d’ailleurs inscrite en kinésithérapie, au cas où.
De son année de primante, elle n’a pas oublié les difficultés : polycopiés distribués trop tard, programme quelquefois surchargé, par exemple «lorsque les profs de Bordeaux sont là pour une ou deux semaines qu’il faut mettre à profit pour avancer dans le programme». Mais elle en a tiré quelques enseignements : travailler, ne pas enterrer les cours des matières terminées plusieurs semaines avant les examens et ne surtout pas compter sur la chance pour répondre aux QCM.
Quant aux visioconférences, à part quelques problèmes de transmission, le système fonctionne plutôt bien. Les cours sont interactifs, les élèves peuvent poser des questions et il est facile de suivre grâce aux haut-parleurs et aux écrans géants, sauf, précise-t-elle, lorsque les séances durent longtemps et que les profs ne sont pas en situation de cours dans un amphi, mais sont seuls dans une salle, comme c’est le cas lorsqu’ils assurent ces cours à partir de Bordeaux. «Je me souviens d’un jour où, pendant 4heures, le prof dictait son cours de manière intensive. A la fin, nous avions les poignets qui avaient doublé de volume et étions épuisés», conclut-elle avec humour et prête à en découdre.
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