Le président du conseil national de l’ordre de médecins (CNOM) rencontrera François Hollande la semaine prochaine à l’Élysée. Il s’entretiendra avec le chef de l’État d’un sujet clé à ses yeux : la formation médicale.
Intervenant au congrès de l’hospitalisation privée ce mercredi à Marseille, le Dr Patrick Bouet a présenté sans fard sa vision des choses : la formation des médecins, tant initiale que continue, n’est plus du tout adaptée au monde d’aujourd’hui.
Un monde qui bouge : en Europe se déplacent librement médecins, patients, capitaux. À ne pas voir ces évolutions, le système de santé français risque de « perdre progressivement sa qualité, son rang, pour devenir un système moyen », prédit le généraliste. Le président du CNOM estime que la France aborde la question de la démographie médicale par le mauvais bout. « Le problème ce n’est pas le nombre, c’est la compétence », dit-il.
Numerus clausus, ECN : à revoir !
Les facultés de médecine ont à ses yeux une lourde part de responsabilité. Elles ne présentent pas aux étudiants le panel complet des modes d’exercice, et n’ont pas adapté leurs programmes de formation, en y injectant par exemple de la sociologie et de l’économie. « Les facultés ne sont pas adaptées à leur environnement », tranche le patron de l’Ordre. Une bataille avec les doyens se profile : « Je n’ai pas été élu pour rentrer dans le ronron, prévient-il. Mon ambition est de peser sur les acteurs ».
S’il a abandonné sa casquette de généraliste enseignant (sur un coup de tête), il y a longtemps, c’est parce que les généralistes enseignants lui ont paru être « les pires adversaires de l’exercice en cabinet libéral, en n’en montrant qu’une image négative ». Les intéressés apprécieront.
La question du numerus clausus est également posée. « En faut-il encore un, quand on sait que la plupart des jeunes qui débuteront en 2014 n’auront pas fait leurs études en France », interroge le Dr Bouet.
Autre flèche décochée : les épreuves classantes nationales (ECN) sont « certainement obsolètes dans leur forme actuelle », en ayant pour premier objectif de « remplir les hôpitaux ».
Un DPC au service de la qualité, pas des organismes formateurs
La formation continue ne trouve pas plus grâce aux yeux de Patrick Bouet. « Tant que le DPC aura pour objectif de segmenter la profession en secteur de compétences, dit-il, on sera dans l’échec. Comment promouvoir dans le même temps la coordination des soins? Pourquoi même séparer les médecins des autres acteurs de santé? ».
Le Dr Bouet pense que le DPC a perdu de vue sa mission centrale. « Il y en a un peu assez du terrorisme de la recherche du financement, reprend-il. Le DPC ne se fait pas à l’avantage des organismes formateurs. Un bon DPC doit viser l’amélioration de la qualité des soins, et seulement cela. Je l’ai dit à l’IGAS, je le redirai au président de la république ».
Que Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, ait qualifié l’Université de « garant de la qualité des soins » a fait aussi bondir le patron du CNOM. Le Dr Bouet est décidé à surmonter cette « barrière politique ». Il sait qu’il trouvera sur sa route ses collègues universitaires...
Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a salué un discours « progressiste ».« Que de chemin parcouru en quelques années », s’est exclamé Jean-Loup Durousset.
La FHP et le CNOM ont créé un groupe de travail pour réfléchir à des préoccupations communes comme l’hyperspécialisation.
Le Dr Patrick Bouet a contacté la rédaction du « Quotidien ». Il tient à apporter les précisions suivantes.
• Son propos sur les généralistes enseignants visait ceux qu’il a connus il y a 25 ans ( « à une époque où on parlait plus de pénibilité que d’attractivité »), et non ceux d’aujourd’hui.
• Sur le numerus clausus, la question doit bel et bien être posée, notamment, estime-t-il, parce qu’en 2014 « arrivera la première génération d’étudiants formés en Roumanie, qui viendra passer l’ECN sur le territoire français ».
• Genevière Fioraso a affirmé que la seule FMC de qualité est universitaire, rectifie le président du CNOM. Ce que conteste l’Ordre : « Bien d’autres modes de formation existent, qui sont aussi de qualité », dit le Dr Bouet.
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