-----:LE QUOTIDIEN
Le ministère de l'Education a annoncé une hausse de 15 % du
numerus claususdès la rentrée 2001-2002. Aurait-on pu faire plus sur le plan pratique ? Jusqu'où peut-on aller dans les années qui viennent pour poursuivre cet effort ?
-----:Pr PHILIPPE THIBAULT
Nous réclamons une hausse du
numerus claususdepuis de longues années. Nous sommes donc très heureux de la décision qui a été prise : 15 % de hausse, c'est déjà pas mal. Certains parlent de doubler quasiment le chiffre actuel, en demandant dans les plus brefs délais un
numerus claususde 7 000 ou 7 500 places. Mais cela me paraît excessif, car une hausse massive et brutale entraînerait de redoutables phénomènes oscillatoires : dans quinze ans, il pourrait y avoir une pléthore momentanée de médecins aux conséquences dramatiques. En outre, il faut se préoccuper de l'inégalité de répartition géographique des médecins. Autre facteur à prendre en compte : la féminisation de la profession, qui entraîne un changement dans les pratiques. Les enquêtes montrent que les femmes médecins travaillent et souhaitent travailler moins. Dans quelles proportions ? A l'heure actuelle, on ne sait pas où mettre le curseur.
Plus de littéraires
----QMed:Comment accueillez-vous l'esquisse de réforme du premier cycle présentée par Jack Lang ?
---- Ph.T:Les idées évoquées par le ministre vont dans le droit fil de celles qui avaient été lancées il y a quelques années dans le rapport Mattei-Etienne, qui nous avait paru un bon programme. On retrouve l'idée de former ensemble les professions de santé. Un groupe de travail interne à la conférence des doyens va être mis en place d'ici à la fin de l'année, puisque nous considérons que le ministre nous a donné son feu vert pour lui faire des propositions. Nous devrions les faire dans le courant du premier trimestre 2002.
Il y a un immense gâchis concernant la première année de médecine : de nombreux jeunes se retrouvent sans diplôme au bout de deux ans. Il faut donc modifier la sélection des futurs médecins et, plus généralement, des professionnels de santé. Les doyens ne sont pas hostiles à l'ouverture du premier cycle à ceux-ci. Pour la sélection des professions de santé actuellement soumises à un numerus clausus (dentistes, sages-femmes, kinés), des modules d'enseignement commun, la même base de formation paraissent une bonne solution. Et il ne faut pas qu'il y ait une sélection d'une profession par rapport à une autre. Pour cela, chacun doit passer le ou les concours de son choix.
En revanche, Jack Lang a dit que ce projet serait prêt pour la rentrée 2002. Je pense pour ma part que c'est impossible.
----QMed:Que pensez-vous de l'idée d'ouvrir les études de médecine aux littéraires, idée à laquelle Jack Lang est sensible ?
----Ph.T:On a certes introduit dans le programme les sciences humaines et sociales, qui représentent 20 % de la note lors des épreuves du concours de fin de première année. Mais pratiquement, cela ne sert à rien, puisqu'il n'y a pas de bacheliers littéraires qui s'inscrivent. Je suis persuadé qu'ils auraient le profil pour devenir les médecins humanistes dont nous manquons. On n'a pas besoin d'être nobélisable en physique pour être médecin. Certes, les examens complémentaires sont très techniques, mais la fonction du médecin est avant tout de faire les examens de premier recours qui, eux, requièrent une grande qualité de contact. Je suis convaincu que de nombreux jeunes passés par une formation « humaniste » souhaiteraient revenir vers la médecine. Or il n'existe pour eux qu'une toute petite possibilité. Elle concerne les élèves des grandes écoles (Polytechnique, Normale sup) qui peuvent passer directement en D1 (première année du deuxième cycle), mais cela concerne dix ou quinze personnes par an.
Deuxième cycle : renouveau pédagogique
----QMed:Comment se passe l'application de la réforme du deuxième cycle ?
----PhT:Le tour d'horizon que nous venons d'effectuer montre qu'il n'y a pas de grandes difficultés. Au contraire, cette réforme permet un renouveau pédagogique, elle remotive les enseignants. La transversalité, la recherche d'un enseignement intégré permettent de ne plus faire seulement de la spécialité, comme je l'ai vu faire, par exemple, en urologie. Néanmoins, il faut souligner que tout cela est possible, moyennant une certaine souplesse dans l'application des textes.
Des dossiers cliniques pour le nouvel internat
----QMed:Où en est la réforme du troisième cycle ?
----PhT:Différents points concernant l'internat « nouvelle manière » restent à trancher.
A priori, les épreuves se dérouleront dans six ou sept régions différentes afin de faciliter l'organisation des candidats, en évitant des déplacements longs, des problèmes d'hôtels complets, etc. Concernant les dates des épreuves, on s'oriente plutôt vers le choix du mois de juin. Nous aurions préféré septembre, pour que la dernière année du deuxième cycle soit terminée, mais il est vrai que cela entraînerait des difficultés, notamment pour la correction des copies, qui prend beaucoup de temps.
En ce qui concerne les épreuves elles-mêmes, l'accent sera mis sur les dossiers cliniques. Les étudiants devront faire preuve non seulement de facultés de mémorisation, mais aussi de compréhension. Par ailleurs, ils devront faire le commentaire d'un article médical, une épreuve permettant de juger de leur aptitude à lire de façon critique. Ils y seront désormais préparés grâce aux nouvelles orientations du deuxième cycle.
Enfin, tous les étudiants souhaitant effectuer un troisième cycle passeront les épreuves, y compris les généralistes. Le deuxième cycle devrait cependant donner lieu à un diplôme, sans doute un master, donnant droit à des équivalences de niveau licence. Les personnes ne souhaitant pas devenir des médecins prescripteurs pourront ainsi s'orienter vers l'industrie pharmaceutique, l'administration et la gestion de la santé ou le journalisme médical.
----QMed:L'arrêté portant sur le troisième cycle de médecine générale a entraîné la protestation de plusieurs organisations, qui s'inquiètent de ce que le texte précise que le nouveau semestre devra être fait « préférentiellement en secteur ambulatoire ». Quelle est votre position ?
----PhT:Ce terme donne de la souplesse à l'organisation. Pour s'en passer, il aurait fallu disposer de terrains de stage pour deux fois plus d'étudiants qu'à l'heure actuelle. Il n'est pas du tout sûr qu'on les aurait trouvés. En outre, cette liberté pourra être précieuse lorsque sera effectué le bilan de la formation de chaque futur généraliste. Si, à six mois de la fin, il lui manque un module, il faudra bien le caser. Enfin, il s'agit d'un arrêté, qui peut donc être modifié facilement. L'idée est de faire le point au bout de trois ou quatre ans.
Les trois cycles concernés par les réformes
Premier cycle
Pour faire face aux problèmes de démographie médicale, Jack Lang, ministre de l'Education nationale, a récemment annoncé une hausse de 15 % du numerus clausus, faisant passer le nombre d'étudiants admis en deuxième année à 4 700. Dès l'an prochain, la première année d'études sera commune aux sages-femmes, aux dentistes et aux médecins. Ce tronc commun sera élargi progressivement aux autres professions de santé.
Deuxième cycle
La rentrée universitaire est marquée par l'application de la réforme des dernières années du deuxième cycle, qui consiste notamment à mettre en place de nouvelles procédures d'évaluation pour le nouveau concours de l'internat de 2004, lequel permettra l'accès à toutes les spécialités, médecine générale comprise.
Troisième cycle
La réforme de l'internat, qui concerne notamment l'organisation du concours pour les étudiants souhaitant devenir spécialistes, devra être définie par arrêté. Elle doit s'appliquer en 2004. En revanche, la partie de la réforme qui prévoit que tous les étudiants - qu'ils se destinent à être spécialistes ou généralistes - devront passer le concours de l'internat, fait partie du projet de loi de modernisation sociale qui ne devrait être définitivement voté qu'à la fin de l'année.
Pour cette raison, les futurs généralistes devront attendre 2005 pour en bénéficier.
Le décret concernant la réforme du troisième cycle de médecine générale est paru. Il doit entrer en vigueur à partir de cette année pour être applicable en mai 2004. Il prévoit un allongement d'un semestre de la durée de ce cycle, actuellement de deux ans et demi.
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