L'étude MONICA (MOnitoring of trends and determinants in cardiovascular diseases) est un projet coopératif de recherche, coordonné par l'Organisation mondiale de la santé. Planifiée sur une période de dix ans (entre 1985 et 1994), elle concerne trente-huit populations issues de vingt et un pays sur quatre continents. Au niveau français, trois régions étaient concernées : la communauté urbaine de Lille, les départements du Bas-Rhin (Strasbourg) et de Haute-Garonne (Toulouse). Chaque centre a pris en charge un registre des épisodes coronariens aigus et/ou des accidents vasculaires cérébraux, colligeant de manière exhaustive tous les épisodes cliniques survenant dans la zone concernée, y compris les décès. Les soins médicaux en ambulatoire et en hospitalisation étaient également enregistrés.
Des habitudes alimentaires différentes
Les enquêtes alimentaires ont été réalisées chez des sujets âgés de 45 à 64 ans.
Une personne sur cinq a déclaré suivre un régime ; cette fréquence était un peu plus élevée à Lille (30 %).
Les apports énergétiques avec alcool de l'ensemble des trois populations étaient en moyenne de 2 500 calories dans l'enquête initiale (2 416 dans la communauté urbaine de Lille, 2 667 en Haute-Garonne et 2 592 dans le Bas-Rhin).
Les apports en cholestérol sont plus importants dans le Bas-Rhin (550 mg) qu'en Haute-Garonne (500 mg) ou dans la communauté urbaine de Lille (479 mg). C'est également en Alsace que l'on mange le plus gras avec des apports quotidiens en lipides de 107 g (100 g en Haute-Garonne et 97 g dans la communauté urbaine de Lille).
Les apports en glucides sont les plus faibles à Lille avec 222 g par jour (277 g en Haute-Garonne et 248 g dans le Bas-Rhin). Au total, exprimés en proportion de l'apport calorique, les apports lipidiques restent plus importants dans le Bas-Rhin : 37 % comparés à 34 % en Haute-Garonne et à 36 % à Lille avec parallèlement des apports glucidiques moindres.
La consommation d'alcool est comparable entre les trois régions (33 et 36 g/jour), le vin étant plus présent en Haute-Garonne et la bière dans la région lilloise.
Mais les différences régionales portent surtout sur les légumes moins consommés dans le Nord et l'Est ; les pommes de terre plus consommées à Lille ; les fruits beaucoup plus consommés en Haute-Garonne (238 g) que dans le Bas-Rhin (149 g) ou la communauté urbaine de Lille (160 g) ; et le pain également plus consommé en Haute-Garonne que dans les autres régions (225 g contre 150 à 160 g).
Il est à noter que la région toulousaine consomme deux fois moins de beurre que les autres régions.
Un gradient de risque nord-sud
On peut observer une différence sensible nord-sud entre le nombre d'événements coronariens, pratiquement deux fois moindres à Toulouse qu'à Strasbourg ou à Lille chez les femmes et de 73 % inférieurs chez les hommes. Lorsque l'on compare les taux de mortalité en 1989 dans les trois régions, les taux de décès à 28 jours après l'infarctus du myocarde sont de 30,6 % à Lille, de 17,5 % à Strasbourg et de 9,9 % à Toulouse (p < 0,0001). A Lille, la maladie est plus grave avec : des anomalies électrocardiographiques antérieures, l'utilisation plus fréquente de médicaments inotropes associés aux diurétiques et une durée de soins intensifs plus prolongée.
Il y a donc, non seulement un risque plus élevé de faire un IDM à Lille, mais l'IDM est plus grave dans le nord qu'à Toulouse. Or ces différences ne sont pas liées aux traitements mis en place, les moyens thérapeutiques mis en place étant globalement les plus importants à Lille.
Une évolution favorable du risque
Même si le gradient de risque nord-sud persiste, le nombre d'événements cardio-vasculaire évolue favorablement lorsque l'on compare les périodes 1985 et 1992 : le nombre d'événements coronariens chez les adultes âgés de 35 à 64 ans a diminué, passant de 436 pour 100 000 à 413 à Lille chez les hommes, de 470 à 407 à Strasbourg et de 344 à 331 à Toulouse. La même tendance est observée chez les femmes (107 événements coronariens pour 100 000 femmes à Lille en 1985, 92 en 1992, 125 à Strasbourg en 1985 et 87 en 1992, 59 à Toulouse en 1985 et 52 en 1992).
L'évolution de la mortalité coronarienne a également diminuée. Elle est passée de 170 pour 100 000 à 161 à Lille, de 169 à 121 à Strasbourg et de 107 à 76 à Toulouse. Si l'on observe toujours une différence nord-sud, chez les femmes, celle-ci s'atténue, avec une moindre mortalité. Exprimées en pourcentage, les diminutions sont respectivement de 1,5 % à Lille, de 5,7 % à Toulouse et de 6,2 % à Strasbourg.
Le taux d'événements coronariens a également diminué de 1,1 % à Lille, de 3,9 % à Toulouse et de 2,1 % à Strasbourg. La mortalité à 28 jours a diminué de 0,3 % à Lille, de 1,7 % à Toulouse et de 3,8 % à Strasbourg.
Cette diminution des événements et de la mortalité cardio-vasculaire est observée dans pratiquement tous les pays où l'étude MONICA a été menée, sauf dans les pays de l'Est de l'Europe.
La diminution des maladies cardio-vasculaires s'observe surtout dans les régions où la prévalence était la plus élevée, notamment dans les pays du Nord mais également en France.
L'embellie n'est pas due à l'alimentation
Pour les auteurs, plus de 50 % de la baisse de mortalité par infarctus du myocarde est due à une amélioration de la prise en charge dans les premiers jours. Il existe ainsi une corrélation dans l'étude MONICA avec l'augmentation de la prescription de certains traitements notamment anti-agrégants plaquettaires, thrombolytiques et inhibiteurs de l'enzyme de conversion. La pression artérielle a diminué dans la population de manière homogène sur le territoire (- 0,60 mmHg) et le cholestérol total a diminué à Lille et à Toulouse, mais a très légèrement augmenté à Strasbourg.
De 15 à 30 % de la baisse de mortalité seraient expliqués par une diminution des facteurs de risque notamment le tabagisme, l'HTA et l'hypercholestérolémie.
Les modifications alimentaires constituent un facteur plus difficile à faire évoluer ; les données Monica de consommation montrent plutôt une dégradation des habitudes alimentaires, avec une augmentation de la consommation lipidique (35,3 % de la ration énergétique à Toulouse versus 34,1 %). L'alcool a tendance à diminuer tandis que la consommation de protéines augmente passant de 15,9 à 16,5 % de la ration énergétique.
Au total, l'indice de masse corporelle est en hausse dans les trois régions françaises étudiées (de 0,03 kg/m2 à 0,07 entre 1985 et 1992). Pour une personne pesant 90 kg, cela représente un gain de poids d'environ 350 g.
Le tabagisme diminue dans des proportions très modestes (0,82 % à Lille et 1,57 % à Toulouse).
Il semble donc plus aisé d'atteindre des paramètres dépendant de facteurs pharmacologiques que ceux dépendant des modifications du mode de vie. On observe les mêmes tendances chez les femmes quels que soient les paramètres considérés.
endocrinologue, nutritionniste, Armentières 59.
Conférence donnée aux 7es Rencontres de nutrition azuréennes à Nice.
Les régions françaises de l'étude MONICA
En France, 7 500 hommes et femmes sont suivis dans le cadre du projet MONICA. Sont impliqués : l'unité INSERM U508 dirigée par le Pr Amouyel à Lille, l'unité INSERM U518 dirigée par Hélène Grangeant à Toulouse et le laboratoire d'épidémiologie de santé publique dirigé par Dominique Areveiller à Strasbourg. Ces trois centres travaillent en coordination avec l'unité 258 de Villejuif dirigée par le Pr Pierre Ducimetière.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature