L'importance des facteurs génétiques est suggérée par le fait que, dans la fratrie des malades, le risque de PR est multiplié par 2 à 17, selon les séries. Il existerait plusieurs gènes de susceptibilité à la PR, le premier identifié et le mieux connu étant le locus HLA-DRB, qui serait responsable de près de la moitié de la contribution génétique à la maladie.
HLA-DRB mais pas seulement
D'autres locus ont été mis en avant, en particulier le locus 1 p 36. Récemment, des auteurs japonais ont montré que dans ce dernier locus, c'est l'un des deux aplotypes du gène PADI4 qui est lié à une susceptibilité à la PR (OR = 1,97). Ce gène apparaît donc comme l'un des meilleurs candidats non lié au système HLA, du moins dans la population japonaise étudiée (17 % des cas). De plus, cette nouvelle piste conduit à une potentialité thérapeutique, en inhibant l'activité PDA14 qui augmente la citrullination des protéines dans le tissu synovial ( in fine, celles-ci se comportent comme des autoantigènes, initiant un processus auto-immun).
Le rôle des hormones sexuelles
Par ailleurs, il faut expliquer le sex-ratio bien particulier de certains rhumatismes inflammatoires et en particulier de la PR : environ 5 cas féminins pour 1 cas masculin, alors que, dans la spondylarthrite, le sex-ratio est proche de 1. Pour les maladies auto-immunes - dont la PR - la faible prévalence masculine pourrait s'expliquer, selon le Pr M. Cutolo (Gênes, Italie), par le rôle immunosuppresseur des androgènes naturels, ceux-ci inhibant la prolifération des cellules immunitaires. D'ailleurs, des taux abaissés d'androgènes sont retrouvés chez les hommes et les femmes souffrant de PR. Il reste que les déterminismes hormonaux sont complexes, admet le Pr M. Cutolo, d'autant qu'au niveau des articulations arthritiques les androgènes sont massivement transformés en estrogènes, ce qui favorise le développement et la pérennisation du processus inflammatoire. Or différents facteurs peuvent intervenir sur ce taux de conversion périphérique.
Enfin, comment expliquer que pour certains rhumatismes inflammatoires, la prédominance féminine disparaisse ? Pour la spondylarthrite, le Pr Cutolo invoque l'intervention possible d'agents infectieux, ce qui rendrait délétère l'effet immunosuppresseur des androgènes.
Au total, on voit que le rôle des hormones sexuelles est sûrement important dans l'apparition et l'histoire naturelle des rhumatismes inflammatoires mais que des recherches de neuro-endocrino-immunologie sont encore nécessaires avant de pouvoir affirmer que telle hormone représente un facteur de risque précis, dans une population donnée.
Les surprises de l'épidémiologie
L'épidémiologie peut également apporter un éclairage important et parfois surprenant sur l'étiologie de la PR, a déclaré le Pr O. Kaipiainen-Seppänen (Kuopio, Finlande). L'analyse des différences de prévalence n'apporte pas grand-chose : la prévalence de la PR, qui s'établit entre 0,5 et 1 % de la population des pays occidentaux, est plus faible en Afrique (sauf dans le célèbre township sud-africain de Soweto !) en Asie et en Australie. S'agit-il de différences génétiques ou environnementales, ou encore liées aux systèmes de santé et à la fiabilité du recensement des cas ?
Une maladie en voie de raréfaction
Plus intéressante est sans doute la mise en évidence dans certains pays d'un déclin de la maladie. Ainsi, les statistiques de la Mayo Clinic à Rochester (Etats-Unis) montrent que l'incidence de la maladie a diminué de moitié lors des quatre dernières décennies. Même constat en Finlande : l'incidence a diminué de 14 % en 1980 et en 1990, mais la diminution atteint 50 % si l'on considère les sujets nés après 1940. Dernier exemple, celui de la célèbre tribu américaine des Indiens Pima : ils payaient (aussi) un lourd tribut à la PR, mais l'incidence de la maladie a diminué de plus de moitié en 1966 et 1990 !
Pour le Pr Kaipiainen-Seppänen, les facteurs environnementaux permettent sûrement mieux d'expliquer ces variations que les facteurs génétiques : meilleure hygiène et hygiène de vie ? Vaccination et meilleur contrôle des infections ?
Au total, beaucoup de pistes intéressantes mais toujours pas d'étiologie.
D'après les communications de Maurizio Cutolo, (Gênes, Italie) et Oili Kaipiainen-Seppänen, (Kuopio, Finlande)
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