D EPUIS deux décennies, les thérapeutiques en néonatalogie ont très rapidement progressé et les praticiens se sont préoccupés, notamment par la voix du GENUP-RP (Groupe d'études en néonatalogie et urgences pédiatriques de la Région parisienne) (1), des conditions de mise en uvre et des résultats de leurs actions. Un texte élaboré par la FNPN (Fédération nationale des pédiatres néonatalogistes) (2) a récemment formalisé ces réflexions.
« Des moyens techniques sont à notre disposition. De quel droit ne les utiliserions-nous pas ? Et aussi de quel droit ne les arrêterions-nous pas ? », interroge le Dr Jean-Claude Ropert (pédiatre à l'hôpital de Courbevoie). Cependant la décision d'arrêt de vie garde un caractère transgressif par rapport à l'interdit légal de donner la mort exprimé par les textes législatifs et le Code de déontologie. Seule une procédure rigoureuse peut permettre de ne pas être en contradiction formelle avec le droit. Des quatre phases du protocole - la discussion, l'information, l'assentiment des parents et la décision -, l'étape informative n'est pas la moins importante. Pourtant, l'obligation de faire mention de tous les risques crée une réelle difficulté et pose la question de la protection des parents vis-à-vis d'informations alarmantes pouvant empêcher leur investissement affectif. L'essentiel est bien de préserver ce qui va être la vie de l'enfant, même si celle-ci doit s'interrompre. L'assentiment des parents est recherché, mais en aucun cas le poids d'une décision si lourde de conséquences ne doit leur incomber. La responsabilité de la décision est donc toute entière médicale. Le Dr Ropert insiste pour conclure : « La décision d'arrêt de vie représente le tribut différé versé à la mort. C'est la contrepartie du choix initial de refuser l'enfant à la mort. »
L'impossibilité d'une information neutre
Prenant l'exemple des cardiopathies néonatales intraitables, en particulier de l'hypoplasie du cur gauche avec un seul ventricule, le Pr Jean Kachaner (service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker) soulève alors une controverse : une information objective et neutre est, dans les faits, pratiquement impossible. Si la décision dépend des parents, de leur niveau socio-culturel et intellectuel, de leur solidité psycho-émotionnelle, de leur insertion professionnelle et économique, l'information donnée par le médecin reste l'élément crucial.
Or, le praticien n'est ni un robot, ni un ordinateur, il est un « homme ou une femme de chair et de sang qui va parler en fonction de sa sensibilité personnelle, de son héritage culturel et social, de ses convictions religieuses, philosophiques, éthiques ». Dans le cas d'école évoqué, la décision des parents pourra s'infléchir dans deux directions opposées, selon l'éclairage particulier, optimiste ou pessimiste, du discours du médecin.
La difficulté d'une juste information a été également évoquée dans le cas des transplantations d'organes avec donneur vivant. Les procédures de consentement et d'information des donneurs (en France, les parents de premier degré) devront veiller à ne pas augmenter la pression psychologique sur des parents désireux de réparer la malfaçon congénitale ou la maladie génétique de l'enfant qu'ils ont conçu.
D'après les interventions des Dr Jean-Claude Ropert, Pr Jean Kachaner, Pr Michel Broyer, lors du colloque « Ethique et pédiatrie » organisé sous l'égide de la Société française de pédiatrie.
(1) GENUP-RP : 1986 « Ethique et réanimation du nouveau-né et de l'enfant »,
Arch. Fr. Pediatr. ; 43 (suppl. 1) : p.p. 543-587.
(2) FNPN : « Dilemmes éthiques de la période périnatale.
Recommandations pour les décisions de fin de vie »,
Arch. Fr. Pediatr., avril 2001.
Les cardiopathies dites intraitables ne le sont plus toujours
Les progrès thérapeutiques des dernières décennies sont tels qu'il n'est plus possible de qualifier d'intraitable la moindre malformation cardiaque congénitale. On continue néanmoins d'utiliser ce terme quand les seules options sont :
- l'abstention thérapeutique ;
- la transplantation cardiaque ou cardio-pulmonaire ;
- les programmes chirurgicaux palliatifs faisant se succéder dans le temps plusieurs interventions (en général trois), dont la finalité à moyen terme est l'établissement de ce qu'on appelle une circulation de type Fontan.
L'hypoplasie du cur gauche, sans valve mitrale et sans ventricule gauche, constitue un cas d'école. Dans la plupart des cas, ils conduisent à une interruption médicale de grossesse. Le vrai problème se pose après la naissance des rescapés soit que le diagnostic ait été méconnu, soit que la mère ait préféré poursuivre sa grossesse, réservant sa décision à la période postnatale.
A la naissance, l'enfant bénéficie d'une perfusion de prostaglandines pour assurer la perméabilité du canal artériel, dans l'attente de soins plus sophistiqués. A l'arrêt de la perfusion, la mort survient en quelques minutes.
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