Accident, maladie, indisponibilité… Ça n’arrive pas forcément qu’aux autres… Et lorsque l’imprévu est là il est souvent trop tard pour se pencher sur la question. Tous les spécialistes vous le diront, idéalement, ce serait même dès l’inscription au tableau de l’Ordre qu’il faudrait se préoccuper de ses revenus de remplacement en cas de maladie, qu’il s’agisse d’une l’incapacité temporaire, de quelques jours à plusieurs mois, ou définitive. Pour se rendre compte du phénomène, il suffit de se reporter aux derniers chiffres de la CARMF arrêtés au 1er juillet 2010 : il y avait alors 1800 médecins libéraux en arrêt de travail, avec comme pathologies principales le cancer qui représente un tiers des cas, suivi des affections psychiatriques, toxicomanie et éthylisme. À la même date, on recensait aussi 564 confrères en incapacité définitive, les affections psychiatriques, toxicomanie et éthylisme, prenant la tête, suivies des affections neurologiques. Au total, cela fait 2800 professionnels arrêtés. Sur un effectif de 126 314 médecins adhérents à la CARMF (au 1er juillet 2010), c’est évidemment peu (un peu moins de 2%), mais le risque est bel et bien présent (voir infographie).
Raison supplémentaire pour se pencher sur le sujet, les règles de la Carmf en cas de maladie ou d’invalidité viennent de changer. Avant le 6 février 2012, tous les médecins libéraux, généralistes et spécialistes, percevaient les mêmes indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ou d’invalidité, et ce quel que soit le niveau de leurs revenus annuels. Désormais, le montant des prestations varie en fonction du BNC du praticien (voir tableau). Pour les médecins qui croisent entre 36 372 euros et 109 116 euros de bénéfice par an, soit la grande majorité des généralistes, la situation évolue finalement peu. L’indemnité journalière, versée à partir du 91e jour d’arrêt maladie, auparavant fixée pour tous les médecins libéraux à 91,35 euros est désormais de 93,20 euros, soit mensuellement 2 796 euros pour un mois de trente jours. La cotisation annuelle versée par la Carmf pour le risque incapacité temporaire-invalidité-décès augmente en parallèle très légèrement. Si vous avez un BNC compris entre 1 et 3 plafonds de la sécurité sociale, elle passe de 700 à 720 euros par an.
MG France proteste contre les IJ de la classe C
Pour les praticiens de la classe C, qui ont un BNC inférieur à 36?372 euros par an (soit ramené au mois, inférieur à 3?031 euros), la cotisation est ramenée à 604 euros par an et en cas d’arrêt maladie – y compris pour grossesse pathologique – l’indemnité journalière (versée à partir du 91e jour d’arrêt), est de 62,15 euros par jour, soit mensuellement 1 864,50 euros.
Bonne nouvelle en revanche pour les médecins qui ont un BNC supérieur à 109 116 euros par an: pour une cotisation annuelle fixée désormais à 836 euros par an, l’indemnité journalière, versée à partir du 91e jour d’arrêt maladie, est portée à 124,30 euros par jour, soit mensuellement
3 729 euros pour un mois de 30 jours, contre 2 740,50 euros auparavant. À noter que le montant du capital décès reste inchangé et ne varie pas en fonction du BNC du médecin.
Introduite par l’arrêté du 19 janvier 2012, « cette réforme vise à mieux adapter le niveau des indemnités et des cotisations à celui des revenus. Le médecin relevant de la classe A est proportionnellement bien indemnisé par rapport à son revenu journalier », indique la CARMF. Tout le monde n’est pas de cet avis. Ainsi, MG France estime que le compte n’y est pas pour les jeunes en début d’activité et «?pour de nombreuses consœurs exerçant à temps partiel?». Et le syndicat de Claude Leicher exige que ces plafonds soient aménagés «pour éviter que l’activité libérale ne devienne une activité précaire et que les jeunes médecins soient à nouveau dissuadés de la choisir».
Quelles assurances complémentaires choisir ?
Pour conserver un niveau de revenus en cas d’arrêt de travail, certains médecins - mais ils sont peu nombreux - ont opté pour une tontine, permettant au praticien qui tombe malade de bénéficier de la solidarité de ses confrères au moins pendant les trois mois de carence de la Carmf. S’assurer à titre complémentaire est aussi un passage obligé pour faire face en cas de pépin. Les offres des assureurs étant florissantes, tout l’enjeu pour le médecin est d’être bien assuré au juste prix : ni trop, ni trop peu. La plupart des assureurs proposent aux médecins libéraux des garanties articulées de la manière suivante : des indemnités journalières pour les trois premiers mois d’arrêt (avant le versement de la Carmf), suivies d’indemnités journalières qui complètent celles de la Carmf à partir du 91e jour et ce jusqu’à un, deux ou trois ans d’arrêt de travail selon les contrats. Le versement d’une indemnité pour couvrir les frais professionnels liés à l’activité (loyer, personnel…) pendant l’arrêt de travail est souvent proposé aux professions libérales. Pour être paré à l’imprévu, les assureurs proposent également une rente d’invalidité qui complète celle versée par la Carmf jusqu’au départ en retraite ainsi qu’un capital décès complémentaire pouvant aller de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers d’euros selon la situation familiale du médecin assuré. Une garantie accident de la vie peut également être proposée. Elle couvre le médecin et sa famille en cas d’événements imprévus et handicapants. Certains assureurs proposent des contrats à la carte (il est possible de choisir une garantie seule ou toutes les garanties), d’autres lient les différentes garanties (avec des tarifs préférentiels et une sélection médicale moindre plus on en souscrit) et incitent fortement à souscrire un capital décès ou une rente complémentaire en cas d’invalidité.
Qu’est-ce qui fait varier le prix ?
Le prix de l’assurance prévoyance varie selon plusieurs critères. Plus le montant des indemnités perçu en cas d’arrêt de travail ou d’invalidité est élevé, plus la cotisation l’est aussi. Idem pour l’assurance frais professionnels, plus l’indemnité versée est élevée, plus le tarif l’est aussi. Plus le versement des IJ se déclenche tôt, dès les premiers jours d’arrêt, plus la cotisation est également élevée. « La période de franchise est souvent réduite automatiquement pour un accident ou une hospitalisation dans la majorité des contrats des assureurs, » indique Dominique Ribaute de Groupe Pasteur Mutualité. Le montant de la cotisation varie aussi selon la durée de versement des IJ. Plus la durée est longue, plus c’est cher. Le prix monte également lorsque l’assuré a des pathologies déjà déclarées ou s’il pratique un sport à risque (certains assureurs excluent ce risque de la couverture ou appliquent des surprimes). Autre critère clé : l’âge de l’assuré. Plus l’assuré est âgé, plus la cotisation est élevée.
Assureurs généralistes ou spécialisés ?
Si tous les contrats des assureurs (spécialisés dans les professions médicales ou généralistes) sont a priori à comparer avant de faire son choix pour les contrats d’assurance du médecin (frais de santé, automobile, habitation…), il est indispensable pour une couverture maladie-invalidité-décès que l’assureur sélectionné ait des contrats adaptés au régime obligatoire des médecins (Carmf). Le risque serait de s’assurer à un tarif plus élevé pour une garantie qui ne serait jamais touchée dans son intégralité, car viendrait se déduire de celle-ci les IJ et rentes de la Carmf. « Il est important de distinguer les garanties forfaitaires légèrement plus coûteuses garantissant un montant de prestation fixe déterminé par le contrat, des garanties indemnitaires dont le montant de la prestation est plafonné au chiffre d’affaires après déduction de la prestation du régime obligatoire Carmf » explique Annaëlle Tixier, expert prévoyance à La Médicale.
Parler de son BNC à son assureur
Aurte point à étudier: la date prise en compte pour le calcul des indemnités. Les contrats d’assurance garantissent généralement le niveau de revenus au moment de la souscription ou de la mise à jour du contrat. Si votre BNC est amené à baisser pour une raison ou pour une autre, vous ne serez pas garantis sur le montant souscrit mais sur le BNC réel. Par contre, si vous avez souscrit il y a de longues années des garanties basées sur un BNC qui reflète vos premières années d’exercice, mais que vous avez multiplié depuis, vous n’êtes souvent assuré que sur la garantie souscrite et non sur le BNC actuel. « Plus encore que d’autres contrats d’assurance, la prévoyance doit être suivie de près pour ne pas payer des garanties trop élevées ou au contraire être mal assurées en cas de pépin. Toute évolution conséquente du chiffre d’affaires doit être l’occasion de solliciter un conseil », rappelle François Xavier Sautel, responsable Sinistres à la MACSF.
Le point clé : le barème professionnel
L’autre risque serait de négliger la question du barème pour l’invalidité. Certains contrats « grand public » n’activent l’indemnisation de l’invalidité que si l’assuré ne peut plus exercer aucune profession. Ce sont les contrats les moins avantageux. D’autres contrats prennent les mêmes critères que la Carmf: la rente invalidité est versée si l’assuré ne peut plus exercer aucune profession médicale. « Les contrats spécifiquement adaptés aux professionnels de santé reconnaissent l’état l’invalidité dès lors que le médecin ne peut plus exercer sa profession dans les mêmes conditions qu’auparavant, en prenant en compte la réalité de l’exercice (déplacements, spécialités médicales …) » explique Annaëlle Tixier. La façon de calculer le taux d’incapacité varie aussi d’un assureur à l’autre. Parfois, il est inscrit pour certains types de pathologie dans les contrats. Ailleurs, l’évaluation repose sur une expertise médicale ou encore sur un système à la croisée de ces deux méthodes. « Les barèmes les moins favorables, qui sont fortement à déconseiller aux médecins sont le barème de l’accident de travail de la sécurité sociale » précise Dominique Ribaute de Groupe Pasteur Mutualité. Alors que la Carmf déclenche la rente invalidité en cas d’incapacité à exercer toute profession liée à la santé, de nombreux assureurs couvrent dès une incapacité de 33 %, voire moins pour certains contrats spécifiques. Le mode de calcul de la rente est également un facteur clé et fait varier le coût du contrat à la signature, mais aussi le montant réellement empoché par le médecin en cas de pépin.
Quand modifier son contrat ou réévaluer ses garanties ?
Plus on avance en âge, plus les risques de maladie sont importants, plus le tarif proposé est élevé. « Il est plus facile de se protéger contre les imprévus quand on est jeune et en bonne santé. Lorsqu’une pathologie est déclarée, l’assureur refuse généralement de couvrir les arrêts de travail ou une future invalidité liés à cette maladie ou bien alors avec une surprime » indique Dominique Ribaute de Groupe Pasteur Mutualité. Autrement dit, si vous avez des problèmes de santé actuellement, ne cherchez pas à changer d’assurance. Rappel : en cas de mensonge ou d’omission dans le questionnaire médical, le contrat peut être annulé si une expertise est menée par l’assureur.
Voir les risques en face
La probabilité qu’un événement empêche un médecin d’exercer toute activité médicale est certes très faible. Il y a 4,5 médecins en incapacité définitive pour 1 000 médecins. « Mais quand cet événement se produit, toute la vie est transformée, il n’est pas possible de revenir en arrière pour mieux se couvrir, rappelle Bernard Deguiraud, directeur du département prévoyance de MACSF. La protection contre l’incapacité doit être prévue le plus tôt possible, dès l’installation. Quand la catastrophe est là, c’est trop tard ». Parmi les risques à voir en face, sur les 564 médecins qui perçoivent une rente invalidité de la Carmf plus de 40 % ont des pathologies psychiatriques ou addictives. « Or certains contrats d’assurance complémentaires excluent ces pathologies des risques couverts pour l’invalidité ou bien ne proposent qu’un versement partiel de la rente avec un délai d’attente important et une période de versement moins élevée » indique Dominique Ribaute de Groupe Pasteur Mutualité.
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