La question des assurances n'est pas un dossier dont on s'occupe une seule fois dans son parcours de médecin. Aux différentes étapes de sa vie professionnelle et de sa vie personnelle, il est important de se poser les bonnes questions et d'actualiser ses contrats afin d'éviter les « trous » de couverture qui peuvent rapidement rimer en cas d'incidents en situations financières délicates.
Le premier réflexe à acquérir, et que personne ne fait de gaieté de cœur car il ne s'agit pas de sujets vers lesquels on se tourne allègrement, c'est d'actualiser régulièrement ses contrats d'assurance au fil de l'évolution de sa situation professionnelle et personnelle. « Un assureur ne rembourse que les biens qui ont été déclarés à la souscription pour une assurance du cabinet ou de l'habitation, tout comme il se base sur le montant des garanties souscrites pour verser un revenu de remplacement en cas d'arrêt de travail, et non sur les revenus réels au jour du préjudice », rappelle Dominique Ribaute du groupe Pasteur Mutualité. « Si le médecin ne déclare pas l'achat de meubles de valeur pour son cabinet, il n'est couvert que sur la base de ce qui a été déclaré au moment de la souscription du contrat, parfois un grand nombre d'années auparavant. Il peut ainsi se retrouver très mal assuré voire pas assuré dans certains cas ». Cette logique est la même pour tous les contrats d'assurance : est-ce que les assurances souscrites répondent toujours à mes besoins actuels ?
RCP : tout dépend de vos activités
C'est la seule assurance obligatoire pour le médecin libéral, qu'il soit titulaire ou remplaçant depuis la loi du 4 mars 2002. Le coût de l'assurance responsabilité civile professionnelle des médecins généralistes reste abordable -entre 200 à 300 euros par an- par rapport à d'autres spécialités médicales, mais mérite cependant toute l'attention du médecin libéral. Premier incontournable : la pratique d'actes médicaux spécifiques, comme l'esthétique, la gynécologie ou la radiologie fait évoluer le montant de la prime. L'obtention de toute nouvelle spécialité ou compétence médicale ou l'exercice de toute technique nouvelle doivent être déclarés immédiatement à son assureur. Sans quoi le praticien se retrouverait non couvert pour un acte exécuté dans un domaine qui n'a pas été déclaré dans le contrat du fait qu'il présente des risques spécifiques. Parmi les critères pour comparer les contrats : les montants de garantie prévus dans un contrat de RCP peuvent se contenter du minimum légal (3 millions d'euros par sinistre) ou bien aller jusqu'au double. « Sur 43 000 généralistes assurés par le Sou médical – MACSF en RCP, indique Nicolas Gombault son directeur général, il y a 400 mises en cause de responsabilité par an, soit un sur 100 environ. Et les montants en jeu peuvent dépasser ce montant minimum légal. Si certaines mises en cause peuvent se régler à l'amiable ou à l'avantage du médecin, il faut également savoir que 68 % des décisions de justice (pour les généralistes et les spécialistes cette fois) aboutissent à une condamnation du médecin ». Le coût de l'assurance peut également varier si elle couvre les actes de vos salariés ou de vos stagiaires.
Autre critère à prendre en compte, c'est l'expérience et la compétence de l'assureur en matière de RCP des professions de santé. Pour Jean-Pierre Ansquer, Pdg de Scamed, courtier en assurances spécialisé pour les professions de santé, « la qualité de la gestion des sinistres par l'assureur est essentiel. Si l'assureur n'a pas l'habitude de travailler avec des juristes et des avocats spécialisés dans le risque médical, le dossier risque de ne pas être bien défendu tant dans la phase amiable que judiciaire ». Souvent proposé en complément de la responsabilité professionnelle, le choix de la protection juridique repose en outre sur le montant des frais couverts (honoraires d'avocats notamment) en cas de litiges qui peuvent osciller d'un contrat à l'autre entre 1 000 à 10 000 euros.
Prévoyance : quelle protection en cas de pépins ?
Les médecins généralistes ne sont objectivement pas très bien protégés par leur régime obligatoire en cas d'incapacité de travail temporaire. La couverture de la Carmf ne se déclenche qu'au 91e jour d'arrêt de travail total et prévoit une prestation journalière de 90 euros (en 2010). Pendant les trois premiers mois d'arrêt de travail, le médecin qui ne s'est pas assuré par lui-même ne perçoit aucun revenu de remplacement. Il est ici intéressant de choisir une assurance dédiée aux professionnels de santé afin que la couverture choisie complète spécifiquement le régime obligatoire des médecins libéraux.
Le deuxième point de vigilance en matière de prévoyance est la prise en compte de la particularité de la profession dans le barème professionnel annexé au contrat qui sert à définir et évaluer le taux pris en compte pour indemniser l'incapacité de travail, notamment définitive. Un assureur grand public peut, par exemple, couvrir l'invalidité définitive seulement si l'assuré ne peut plus travailler du tout, c’est-à-dire n'exercer aucune profession. Or il est dans l'intérêt du médecin de recevoir un revenu de remplacement dès lors qu'il ne peut plus exercer sa spécialité médicale. Un barème professionnel est largement à privilégier par rapport à tout autre barème.
Parmi les autres critères de variation des tarifs : la date à laquelle la couverture se déclenche (après 7, 15 ou 30 jours d'arrêt de travail) et le fait que certains contrats excluent des risques couverts les affections psychiatriques ou diminuent dans ce cas fortement la période d'indemnisation et le montant de la couverture. À savoir : les affections psychiatriques (dépression, burn out…) représentent 41 % des cas de versement d'une rente d'invalidité aux médecins par la CARMF. « Nous conseillons des contrats de prévoyance qui intègrent et prévoient dans un même contrat - et sans exclusion abusive - l'incapacité de travail temporaire et l'invalidité définitive, indique Jean-Pierre Ansquer de Scamed, afin de ne pas rencontrer de vides de couverture ». En fonction de l'importance des frais professionnels occasionnés par l'exercice de votre activité (loyer, prêt en cours, salaires…), il est conseillé dans la majorité des situations de compléter une assurance prévoyant des revenus de remplacements par une assurance qui couvrent les frais professionnels fixes qui continuent de courir en cas d'arrêt de travail. La souscription d'un contrat de prévoyance demande une étude au cas par cas tant au moment de la première souscription que de sa mise à jour si votre situation familiale évolue par exemple.
En matière de prévoyance des libéraux, la souscription d'un contrat fait l'objet d'une sélection médicale à partir d'un questionnaire ou d'un rapport médical. Autrement dit si vous êtes jeune et en bonne santé, il est plus facile et moins coûteux de s'assurer contre l'incapacité de travail que si vous avancez dans l'âge avec des problèmes de santé déjà déclarés. D'autant plus que certains contrats prévoient la possibilité de résilier le contrat signé dans un délai de deux ans si la situation de santé de l'assuré s'avérait trop mauvaise. « L'état de santé, évalué à la souscription du contrat, est pris en compte une fois pour toutes par l'assureur, précise Guy Richarté, responsable formation et animation des ventes à La Médicale, ensuite seul l'âge fait varier le montant de la prime. Par contre, si vous souhaitiez augmenter sensiblement les garanties de votre contrat, des examens de santé complémentaires peuvent être demandés. Si vous souhaitez par ailleurs changer d'assureur, les compteurs sont alors complètement remis à zéro et les primes versées prennent alors en compte votre nouvel état de santé ». Chaque assureur fixe ses propres limites de capitaux entraînant ou pas de nouvelles formalités médicales au jour de la demande d'augmentation des garanties. Pour compléter la prévoyance, il est également conseillé de souscrire pour une cotisation modique (environ 200 euros par an pour une famille), une garantie accident de la vie, qui assure l'indemnisation d'un handicap ou des frais imprévus (aménagement d'un logement, esthétique, frais de garde, aide-ménagère…) en cas d'accident grave sans tiers responsable.
Dépendance : y penser en avance
Le fait d'être dépendant coûte entre 2000 et 4000 euros par mois. « C'est souvent vers l'âge de 50 ans qu'il est pertinent de s'intéresser à la couverture de la dépendance » souligne Frédéric Gard, directeur général de Scamed. En s'y intéressant trop tard, après 65 ans, les primes demandées pour la couverture du même risque seront très élevées, et plus encore en cas de problèmes de santé déjà avérés. Il y a plusieurs critères à prendre en compte au moment d'étudier un contrat d'assurance dépendance, notamment l'état de dépendance psychique et physique, la présence d'un délai d'attente pour certaines ou pour toutes les affections, des prestations sous forme de capital ou de rentes, des degrés d'indemnisation différents selon le degré de dépendance et les critères d'évaluation de la dépendance.
Assurance prêt : faire jouer la concurrence
Les banques n'ont plus le monopole des assurances en couverture de prêt. Il est conseillé de comparer les offres. Le choix d'une assurance lors de la souscription d'un prêt répond au même critère que pour un contrat de prévoyance. L'appréciation de l'incapacité de travail (temporaire ou définitive) doit prendre en compte la particularité de l'exercice des professions de santé.
Complémentaire santé : comparer toutes les offres y compris grand public
À la différence des assurances précédentes, il n'y a pas d'intérêt particulier à choisir pour la complémentaire santé une assurance spécialisée pour les professionnels de santé. Les critères de choix dépendent des besoins réels du médecin et de sa famille. Les médecins – bien informés – veillent particulièrement au bon remboursement des lunettes et des frais dentaires (notamment les implants) au moment de leur choix. Pour les femmes, les prestations en cas de maternité sont également un critère de choix important. Le choix du remboursement des dépassements d'honoraires peut également être regardé de près en fonction de son lieu de résidence, même s'il est encore courant de ne pas pratiquer de dépassements d'honoraires entre confrères.
Locaux, auto : se renseigner sur les options
Le matériel des médecins généralistes ne représente pas, sauf exception, des investissements comparables à d'autres spécialités médicales. Les clauses qui font la différence en matière de tarif (outre des contrats spéciaux en cas de meubles de valeur ou d'œuvres d'art) sont : la couverture de la perte d'exploitation en cas d'impossibilité d'exercer du fait d'un incendie, d'un vol, d'un dégât des eaux… ou encore la présence d'une garantie responsabilité civile exploitation qui couvre les conséquences à l’occasion de dommages causés à un tiers (par exemple un patient qui se blesse seul dans l'escalier). Certains contrats peuvent proposer comme options complémentaires des solutions de remplacement rapide tant au niveau du secrétariat ou encore de reconstitution de fichiers informatiques.
En matière d'assurance automobile, le choix de la couverture dépend du besoin professionnel du véhicule. Si vous vous servez tous les jours de votre véhicule, il est essentiel que votre contrat comprenne la possibilité de vous fournir dans le plus court délai un véhicule de remplacement ou encore une assistance à zéro kilomètre (dépannage à votre domicile). Les assureurs peuvent prévoir des tarifs différents selon que vous exercez des visites à domicile très régulièrement ou seulement ponctuellement. À savoir : l'usage professionnel d'un véhicule entraîne une surprime par rapport à un usage privé, cependant le fait de ne pas déclarer un usage professionnel peut entraîner en cas d'incident une minoration des garanties voire une nullité du contrat.
Exercice en groupe : s'assurer de manière croisée
La question des assurances invalidité et décès est importante dans le cas d'un exercice en groupe. L'invalidité professionnelle définitive ou le décès de l'un des associés peut avoir des conséquences importantes sur le fonctionnement du groupement. Des assurances spécifiques croisées permettent aux associés de racheter les parts sociales aux ayant droit du médecin décédé ou invalide sans mettre les associés en difficulté financière. Cette obligation d'assurance croisée est à prévoir dans les statuts de la structure du groupe.
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