Eternels crooners

Publié le 21/04/2002
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Jazz-rock


Tony Bennett est l'archétype du crooner, au sens large du terme. Longtemps considéré comme une pâle doublure de Frank Sinatra, notre homme, qui vient d'avoir 75 ans, a été remis en selle voici une dizaine d'années grâce à une chaîne de télévision musicale, MTV, qui avait décidé à l'époque de réhabiliter certaines gloires du passé. Appartenant essentiellement au monde de la variété très prisé par les Américains, Tony Bennett - de son vrai nom Anthony Dominick Benedetto, né dans le Queens à New York en 1926 - a pourtant prêté son très bel organe vocal à plusieurs jazzmen de renom, Duke Ellington, Al Cohn, Zoot Sims, Woody Herman ou Bill Evans, en marge d'une carrière très commerciale. Pour sa nouvelle production phonographique, « Bennett Sings The Blues » (Columbia/Sony Music), le chanteur a invité quelques amis qui ont pour nom Ray Charles, Natalie Cole, Sheryl Crow, B.B. King, Diana Krall, Stevie Wonder ou Billy Joel, pour des duos admirables sur des standards du blues. Il poursuit ainsi ses hommages, après Ellington, Billie Holiday ou Sinatra, aux musiques de sa jeunesse.

Une voix hors du commun

L'émotion est toujours intacte à l'écoute de la voix totalement hors du commun de JimmyScott. Egalement redécouvert au début des années 1990 alors que le jazz - instrumental comme vocal - se cherchait de nouvelles idoles, James Victor Scott, 76 ans, surnommé « Little » par le vibraphoniste Lionel Hampton, qui fut à l'origine de sa carrière en 1948, a entamé un retour étonnant dans un monde musical où l'on aime les personnalités puissantes et musclées. Après avoir enregistré de nombreux album, le frêle vétéran au registre vocal particulièrement singulier revient avec un superbe recueil de standards intitulé « But Beautiful » (Milestone/Warner Jazz), un CD enregistré avec des invités prestigieux comme Wynton Marsalis ou Lew Soloff (trompette), Renee Rosnes (piano), Joe Beck (guitare) ou Freddy Cole (vocal). Dix titres remplis d'émotion (1).

Le vocaliste Bobby McFerrin fut l'une des découvertes importantes et une sensation du jazz - et surtout de l'art - vocal voici une vingtaine d'années. Possédant une gamme vocale qui s'étend sur quatre octaves et pratiquant tous les exercices possibles avec son organe souple et adaptable, Bobby McFerrin, 52 ans, a totalement révolutionné le jazz chanté contemporain et son approche. « Beyond Words » (Blue Note/EMI), son dernier album, rassemble toutes les influences musicales du virtuose allant du jazz pur à tous les rythmes qui participent à la mondialisation de la musique actuelle. Accompagné notamment par Chick Corea (piano) ou Richard Bona (basse), il se livre à un travail époustouflant et brillant.
Grâce à de récentes rééditions, il est possible de réentendre un chanteur emblématique des années 1960/1970, Leon Thomas, mort dans un certain oubli à l'âge de 52 ans en 1999, après avoir été l'une des voix incontournables et inclassables du jazz et du peuple noir américain engagé dans sa reconnaissance. Trois disques récemment parus dans la série « Gold Series » (RCA/BMG) - « Spirits Known and Unknown » (1958/1969), « Leon Thomas in Berlin » (1970) et « Full Circle » (1973), à l'origine sur le label « Flying Dutchman » - permettent de (re)faire connaissance avec un chanteur massif par la corpulence, la voix, le message, le besoin de racines et le bouillonnement créatif. Une page d'histoire.

(1) Paris, New Morning (01.45.23.51.41), les 15 et 16 mai, 21 h.

Didier PENNEQUIN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7112